vendredi 13 mars 2015

Avons-nous tous besoin d'anxiolytiques avant une opération ?

Les médicaments prescrits presque automatiquement avant la chirurgie n'améliorent pas le ressenti du patient, révèle une étude française.
C'est quasiment systématique: avant une opération, 80% des patients se voient administrer un anxiolytique censé les détendre avant d'entrer au bloc. Or ce rituel, pratiqué depuis plus d'un demi-siècle, est de moins en moins justifié, de l'aveu même des anesthésistes.
Une étude française publiée début mars dans le Journal of the American Medical Association abonde dans ce sens. Conduite par le Dr Axel Maurice-Szamburski, anesthésiste à l'hôpital de la Timone à Marseille, elle a été réalisée dans 5 hôpitaux français, auprès de plus d'un millier de patients répartis en trois groupes: les uns recevaient une benzodiazépine (lorazepam) avant l'opération, d'autres un placebo (mais ils l'ignoraient) et les derniers, rien du tout. Il apparaît que les trois groupes étaient tout aussi satisfaits, rétrospectivement, de leur prise en charge. En revanche, les individus ayant pris l'anxiolytique souffraient un peu plus de certains désagréments: ils étaient extubés un peu plus tardivement en salle de réveil, et mettaient aussi quelques minutes de plus à reprendre leurs esprits. Par ailleurs, les benzodiazépines peuvent causer des troubles de la mémoire, ce qui conduit certains patients à ne plus se souvenir qu'ils ont été (correctement) pris en charge!

Un patient sur cinq vraiment anxieux

Pour le Pr Christophe Baillard (Société française d'anesthésie-réanimation/Hôpital Avicennes à Bobigny), la sédation préopératoire est «une vieille habitude», née à l'époque où elle avait pour fonction d'atténuer des effets indésirables de l'anesthésie, aujourd'hui disparus. Les professionnels conviennent donc qu'il faut revoir ce réflexe. A ce titre, «l'étude du JAMA est particulièrement bienvenue», juge le Pr Baillard. «Outre que la sédation ne semble pas augmenter la satisfaction des malades, on peut aussi s'interroger sur la pertinence même d'éteindre l'anxiété quand elle existe, car c'est une réaction normale de l'organisme à des situations jugées hostiles, et elle n'est pas forcément délétère si elle n'est pas trop forte», explique-t-il.
Il restera néanmoins toujours une part de la population réellement stressée par la chirurgie, sur laquelle il faudra concentrer les efforts. «Les études montrent que 20% des patients sont vraiment anxieux à l'idée d'être opérés. Ceux-là nécessiteront une prise en charge adaptée: un traitement pharmacologique, de l'hypnose, un effort d'information. Il serait possible de les repérer en consultation à l'aide de questionnaires connus et validés», précise Christophe Baillard.
Le Dr Aurore Marcou, anesthésiste et hypnothérapeute à l'Institut Curie (Paris), est convaincue quant à elle que «la communication thérapeutique, qui consiste s'assurer à que le patient quitte la consultation préopératoire rassuré et informé, est aussi efficace, si ce n'est plus, que les benzodiazépines». Son expérience lui a appris que «lorsqu'on montre aux patients qu'ils ont les ressources internes pour faire face au stress et qu'on leur laisse le choix de prendre ou non le médicament, bien souvent, ils préfèrent s'en passer».

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