Quelles sources de données ?
Deux méthodes permettent d’estimer les effets sanitaires liés à l’exposition aux pesticides :
- évaluation des risques sanitaires (ERS), qui confronte des données d’exposition de la population avec des valeurs toxicologiques de référence obtenues dans des études chez l’animal, ou plus rarement chez l'homme ;
- l’épidémiologie, qui observe les effets d'une exposition chez l’homme en situation réelle.
L’évaluation des risques sanitaires est
utilisée notamment pour fixer les seuils réglementaires des résidus dans
l’alimentation et l’eau destinée à la consommation.
Concernant l’épidémiologie, la toxicovigilance s’intéresse aux effets aigus qui surviennent lors d’intoxications. Elle est mise en œuvre dans deux réseaux de recueil :
- le réseau des centres antipoison et de toxicovigilance (CAPTV) ;
- le réseau Phyt’attitude géré par la Mutualité sociale agricole (MSA) pour les professionnels agricoles.
Les études épidémiologiques concernant les effets chroniques
comparent la fréquence de certaines pathologies dans des populations
exposées aux pesticides avec la fréquence de ces pathologies dans
d’autres populations moins exposées. La grande majorité concerne les
professionnels utilisant des pesticides dans le cadre de leur travail.
Les effets liés à une exposition environnementale, caractérisée par un
niveau d’exposition plus faible, sont plus difficiles à mettre en
évidence. Les études sont encore trop peu nombreuses et les résultats
souvent contradictoires.
Pourquoi autant de difficultés à répondre à la question des effets sanitaires ?
Les
problématiques environnementales utilisent des méthodes complexes,
difficiles à mettre en œuvre, qui pourraient expliquer les résultats
contradictoires observés. Par exemple, la mesure de l’exposition est
souvent imprécise et est une source d’erreur dans la plupart des
études ; ceci est lié à la multiplicité des produits et à la diversité
des voies d’exposition pour une même substance. Il est par ailleurs très
difficile de reconstituer rétrospectivement l’historique de
l’exposition aux pesticides, souvent le seul moyen possible de réaliser
l’étude. C’est également le cas en milieu professionnel agricole où les
données d’exposition aux produits phytosanitaires sont très
parcellaires.
Par ailleurs, il ne s’agit pas
de pathologies spécifiquement liées à l’exposition aux pesticides, mais
plutôt de pathologies résultant de l’interaction complexe de plusieurs
facteurs de risque.
- En savoir plus :
Baldi I, Mohammed-Brahim B, Brochard P,
Dartigues JF, Salamon R. Delayed health effects of pesticides: review of
current epidemiological knowledge. Rev Epidemiol Sante Publique.
1998;46(2):134-42.
Multigner L. Effets retardés des pesticides sur la santé humaine. Environnement, Risques & Santé. 2005;4(3):187-94.
Cancers
Chez les agriculteurs,
exposés aux pesticides dans le cadre de leurs activités
professionnelles, les données sur le cancer sont majoritairement issues
d’études nord-américaines. De façon générale, la mortalité par cancer de
cette population est inférieure à celle de la population générale. En
revanche, certaines études ont montré une augmentation de certains
cancers avec l’utilisation de pesticides, comme le lymphome non
hodgkinien, les tumeurs cérébrales, les cancers de la prostate et de
l’ovaire, du poumon, le mélanome. Toutefois, le lien causal reste à
démontrer, car d’autres facteurs de risque présents en milieu agricole
pourraient jouer un rôle dans les associations trouvées, comme
l’exposition au soleil, le contact avec des virus du bétail, les fumées
des machines agricoles, etc. Les études mettant en cause des familles
spécifiques de produits sont très rares.
En France, le programme Cosmop (Cohorte
pour la surveillance de la mortalité par profession) qui analyse la
mortalité par cause et par secteur d’activité n’a pas permis d’observer
de surmortalité par aucun cancer chez les agriculteurs, mais il s’agit
d’une première analyse de ce type. La cohorte AGRICAN (AGRIculture et
CANcer, http://www.grecan.org/agrican.html)
a inclus 180 000 agriculteurs en activité ou retraités, exploitants ou
salariés, entre 2005 et 2007 dans 12 départements de métropole disposant
de registres de cancer. Elle prévoit un suivi sur plusieurs années
permettant d’analyser les expositions par des questionnaires et de les
croiser avec des données de santé (cancer, mais aussi maladie de
Parkinson, broncho-pneumopathie chronique obstructive, asthme). Elle
devrait apporter des réponses sur le lien entre cancer et pesticides.
Aux Antilles, l’étude Karu Prostate (http://www.u625.rennes.inserm.fr/fr/m_pages.asp?menu=102&page=141)
vise à caractériser les niveaux d’imprégnation au chlordécone et à
étudier l’existence d’une éventuelle association avec un risque accru de
survenue du cancer de la prostate.
En population générale,
les études disponibles sont beaucoup moins nombreuses et celles
suggérant une augmentation de risque en zone d’épandage de pesticides ou
avec leur utilisation à la maison ou au jardin demandent à être
confirmées.
Chez les enfants,
certaines études ont montré une augmentation du risque de leucémies ou
de tumeurs cérébrales en lien avec l’utilisation de pesticides par les
parents à la maison ou au jardin, en particulier pendant la grossesse ou
la petite enfance. Cependant, ces résultats doivent être confirmés par
d’autres études utilisant une mesure plus objective de l’exposition aux
pesticides et par des études toxicologiques expliquant le mécanisme
d’action. L’exposition professionnelle des parents a parfois également
été associée à un risque accru de ces cancers chez les enfants, mais
cela reste à confirmer.
- En savoir plus :
Menegaux F, Baruchel A, Bertrand Y, Lescoeur B, Leverger G, Nelken B, et al. Household exposure to pesticides and risk of childhood acute leukaemia. Occup Environ Med. 2006;63(2):131-4.
Menegaux F, Auvrignon A, Auclerc MF, Bertrand Y, Nelken B, Robert A, et al. Residential pesticide use during pregnancy and childhood acute leukemia: the ESCALE study. 2006.
Alavanja MC, Sandler DP, Lynch CF, Knott C, Lubin JH, Tarone R, et al. Cancer incidence in the agricultural health study 4. Scand J Work Environ Health. 2005;31 Suppl 1:39-45.
Snedeker
SM. Pesticides and breast cancer risk: a review of DDT, DDE, and
dieldrin. Environ Health Perspect. 2001;109 Suppl 1:35-47.
Zahm SH, Ward MH. Pesticides and childhood cancer. Environ Health Perspect. 1998;106 Suppl 3:893-908.
Acquavella J, Olsen G, Cole P, Ireland B, Kaneene J, Schuman S, et al. Cancer among farmers: a meta-analysis 2. Ann Epidemiol. 1998;8(1):64-74.
Blair
A, Zahm SH, Pearce NE, Heineman EF, Fraumeni JF Jr. Clues to cancer
etiology from studies of farmers 1. Scand J Work Environ Health.
1992;18(4):209-15.
Neurotoxicité
Les
effets neurotoxiques de nombreux pesticides ont été observés lors
d’intoxications, ainsi que la survenue de syndrome parkinsonien après
une exposition accidentelle par le MPTP, substance proche de l'herbicide
paraquat.
Des arguments existent en faveur
d’un rôle modéré des pesticides dans la survenue de la maladie de
Parkinson chez les agriculteurs. L’étude française Terre réalisée en
1999-2001 parmi les affiliés de la Mutualité sociale agricole (MSA), a
ainsi observé que les malades avaient exercé plus longtemps le métier
d’agriculteur et avaient été exposés plus souvent aux pesticides.
D’autres impacts potentiels des pesticides font encore également l’objet
de recherches, concernant par exemple des symptômes neurologiques comme
la maladie d’Alzheimer, les troubles de l’attention ou de l’humeur.
Concernant les effets chroniques à faibles doses, chez les personnes
n’étant pas exposées par leur métier, les connaissances à ce jour sont
encore insuffisantes pour pouvoir apporter des éléments de réponse (voir
: caractériser et surveiller l’exposition professionnelle aux pesticides et ses conséquences).
- En savoir plus :
Elbaz A. Clavel J, Rathouz PJ, Moisan F,
Galanaud JP, Delemotte B, Alpérovitch A, Tzourio C. Professional
exposure to pesticides and Parkinson's disease. Annals of Neurology.
2009.
Elbaz A. Parkinson's disease and rural environment. Rev Prat 2007;57(11 Suppl):37-9.
Dick FD, De PG, Ahmadi A, et al.
Environmental risk factors for Parkinson's disease and parkinsonism:
the Geoparkinson study. Occup Environ Med. 2007;64:666-72.
Brown TP, Rumsby PC, Capleton AC, et al. Pesticides and Parkinson's disease--is there a link? Environ Health Perspect 2006;114:156-64.
Ascherio A, Chen H, Weisskopf MG, et al. Pesticide exposure and Parkinson's disease. Ann Neurol 2006;60:197-203.
Elbaz A, Levecque C, Clavel J, Vidal JS, Richard F, Amouyel P, et al. CYP2D6 polymorphism, pesticide exposure and Parkinson's disease. Ann Neurol 2004;55(3):430-4.
Baldi I, Cantagrel A, Lebailly P, Tison F, Dubroca B, Chrysostome V, et al.
Association between Parkinson's disease and exposure to pesticides in
southwestern France. Neuroepidemiology. 2003;22(5):305-10.
Affections respiratoires
Les
agriculteurs et les employés agricoles ont un risque plus élevé
d’affections respiratoires, comme l’asthme, que d’autres travailleurs.
Ces dernières années, des recherches ont porté sur le rôle que pourrait
jouer l’exposition aux pesticides dans la survenue de ces pathologies.
Des recherches sont également nécessaires afin de mieux évaluer l’impact
d’une exposition environnementale aux pesticides sur la fonction
respiratoire.
- En savoir plus :
Hoppin JA, Umbach DM, London SJ, Alavanja MC,
Sandler DP. Chemical predictors of wheeze among farmer pesticide
applicators in the Agricultural Health Study. Am J Respir Crit Care Med
2002;165(5):683-9.
Nejjari C, Tessier JF,
Letenneur L, Dartigues JF, Barberger-Gateau P, Salamon R. Prevalence of
self-reported asthma symptoms in a French elderly sample. Respir Med
1996;90(7):401-8.
Fertilité, reproduction et périnatalité
Le
lien éventuel entre la baisse de la fertilité ou la capacité biologique
à concevoir et l’exposition aux pesticides a été étudié suite à
l’observation d’infertilités associées à l’utilisation du
dibromochloropropane (DBCP) ou du chlordécone,
pesticides employés dans les bananeraies dans les années 1960-1970.
Cependant, ces pesticides ne sont plus employés aujourd’hui et les
résultats des études sur l’usage de pesticides employés actuellement
dans un contexte professionnel sont contradictoires et ne permettent pas
d’identifier une famille de pesticides ou un type de pratique comme
facteur de risque de baisse de la fertilité.
D’autres
recherches sont également en cours sur l’impact éventuel d’une
exposition environnementale aux pesticides sur la santé périnatale
(poids de naissance, prématurité, retard de croissance, malformations
congénitales). Plusieurs études suggèrent un effet de l’exposition
maternelle aux pesticides sur la santé du bébé. Il s'agit, à ce stade
des connaissances, de simples présomptions. Les cohortes mères-enfants
Pélagie en Bretagne et Ti-Moun en Guadeloupe ont pour objectif d’étudier
le lien éventuel entre l’exposition aux pesticides et les issues de
grossesses défavorables, et le développement de l’enfant (http://www.u625.rennes.inserm.fr/fr/m_pages.asp?menu=102&page=141).
- En savoir plus :
Weselak M, Arbuckle TE, Foster W. Pesticide
exposures and developmental outcomes: the epidemiological evidence. J
Toxicol Environ Health B Crit Rev 2007 Jan;10(1-2):41-80.
Nurminen T. Maternal pesticide exposure and pregnancy outcome. J Occup Environ Med 1995;37(8):935-40.
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