jeudi 5 mars 2015

Impact sanitaire de l'exposition à l'amiante

L'amiante a été très largement utilisé au 20e siècle pour ses performances et ses propriétés isolantes jusqu'à son interdiction le 1er janvier 1997. Nombre de mesures ont été prises depuis pour protéger les travailleurs et le public des risques sanitaires induits par l'amiante déjà en place, principalement dans les bâtiments. Encore aujourd'hui, l'exposition à l'amiante reste la plus importante cause des cancers professionnels et constitue le facteur de risque principal du mésothéliome. En France, alors qu’une exposition professionnelle à l’amiante est retrouvée dans une majorité des cas de mésothéliomes chez les hommes, une telle exposition professionnelle est retrouvée dans moins de la moitié des cas chez les femmes.
D’où la nécessité de mieux identifier les situations professionnelles exposantes à l’amiante chez les femmes et de mieux cerner les expositions environnementales qui pourraient être à l’origine d’une proportion conséquente de cas.
L’InVS a mis en place depuis 1998 plusieurs systèmes de surveillance dont l’objectif est de décrire les modalités d’exposition professionnelle, et depuis plus récemment les modalités d’exposition extraprofessionnelle :
  • le Programme national de surveillance du mésothéliome (PNSM) mis en place dès 1998 ;
  • la déclaration obligatoire (DO) mésothéliome mise en œuvre en 2012 et contribuant à décrire les modalités d’expositions extraprofessionnelles ;
  • les programmes de suivi post-professionnel (ESPrI) et le suivi des dispositifs de réparation (Fiva).
Par ailleurs, des outils tels que la base de données Ev@lutil et les matrices emploi-expositions contribuent à l'évaluation des expositions professionnelles aux fibres d'amiante. De plus, l'InVS a réalisé des études d’évaluation de risque portant sur des situations particulières d’exposition extra-professionnelle à l’amiante : exposition environnementale des populations riveraines d’affleurements naturels, ou d’anciens sites industriels d’exploitation ou de transformation de l’amiante.


Points sur les connaissances

Quelles sont les utilisations de l'amiante ?

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Amas de chrysotile ou amiante blanc
Source : DSE/InVS.
L’amiante, du grec amiantos, signifiant incorruptible, est un matériau fibreux naturel composé de silicates magnésiens ou calciques et reconnu pour ses propriétés réfractaires.
La production et l’utilisation de l’amiante (dont on distingue deux variétés principales, le chrysotile et les amphiboles) ont augmenté dès le début du XXe siècle, jusqu’à leur interdiction le 1er janvier 1997.
On estime que durant la période de son plein essor industriel (de 1937 à 1995), environ 80 kg d’amiante par habitant ont été importés en France. Pour les seules cinq années, de 1971 à 1975, la consommation d’amiante en France a été d’environ 145 000 tonnes.
C’est dans le secteur de la construction que l’amiante a été le plus largement utilisé à diverses fins et sous des formes variées. On citera, en premier lieu, l’amiante-ciment. Mais on trouve, dans le bâtiment, de nombreux autres produits contenant de l’amiante : dalles de revêtement de sol, sous-couches en carton, matériaux isolants, ignifuges ou d’étanchéité, les joints et garnitures de friction, carreaux de feutre, feutres bituminés… Il faut également signaler un large usage de l’amiante sous forme de flocage, pour accroître la résistance au feu des structures ou améliorer l’isolation phonique et acoustique des bâtiments, ainsi que pour le calorifugeage de diverses sources de chaleur.
Hormis le bâtiment, un large éventail de secteurs d’activité a recouru à l’amiante sous diverses formes, parmi lesquelles : les cartons et papiers, les textiles, les filtres (à air, à usage médical…), etc.
L’amiante était également présent dans certains articles à usage domestique comme les tables et housses à repasser, les grille-pain, les panneaux isolants pour le bricolage et les appareils de chauffage mobiles.

Les principales circonstances d'exposition à l'amiante

Du fait de la multiplicité de ses usages, l’amiante présente un caractère quasiment ubiquitaire dans les pays industrialisés, et les circonstances dans lesquelles les populations peuvent y être exposées sont très diverses. Il existe trois grandes sources d’exposition : professionnelles, paraprofessionnelles ou domestiques et environnementales.

L'exposition professionnelle

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Nettoyage de fibre d’amiante, King shed, Québec, Canada
Source : Centre d'archives de la région de Thetford – Collection Musée minéralogique et minier de Thetford Mines (donateur : Alfred Lloyd Penhale). Date : octobre 1935.
Dans les pays industrialisés, les activités professionnelles sont de très loin la source d’exposition la plus importante. Elle concerne des personnes qui, dans le cadre de leur travail : produisent l’amiante, l’utilisent directement pour diverses opérations de transformation, d’isolation thermique ou phonique, ou encore interviennent sur des matériaux en contenant.
Du fait de la très large dissémination de l’amiante au fil du temps, les professions concernées par l’exposition à ce matériau ont évolué au long des décennies. Dans les années 60, les principales professions touchées étaient celles de la production et de l’utilisation de l’amiante qui entraînaient une exposition massive. En revanche, depuis les années 80 et 90, les métiers les plus souvent exposés à l’amiante sont ceux qui impliquent des tâches d’intervention sur des matériaux en contenant, entraînant une exposition discontinue.
La multiplicité des usages de l’amiante explique le nombre très important de personnes exposées lors de leurs activités professionnelles. Il est estimé qu’environ un quart des salariés hommes actuellement retraités en France ont été exposés au moins une fois à l’amiante au cours de leur vie professionnelle 1,2.

L'exposition paraprofessionnelle ou domestique

L’exposition paraprofessionnelle concerne des personnes qui sont en contact avec des travailleurs du premier groupe, notamment en milieu domestique, et qui peuvent être exposées aux poussières d’amiante transportées notamment par les vêtements de travail.
On utilise le terme d’exposition « domestique » pour désigner d’autres sources de pollution occasionnées par des objets ménagers contenant de l’amiante (planche à repasser, panneaux isolants, grille-pain, appareils de chauffage mobiles, etc.). S’y ajoute l’exposition liée aux activités de bricolage : changement de garnitures de freins, construction d’un abri de jardin en fibrociment, remplacement de joints contenant de l’amiante (fours de cuisine, gazinières, cheminées, etc.).

L'exposition environnementale

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Affleurement de roche amiantifère. Site de Termignon, France
Source : DSE/InVS.
L’exposition environnementale peut être divisée en trois catégories :
  • pollution émise par une source naturelle (site géologique) ;
  • pollution émise par une source industrielle ponctuelle (mine d’amiante, usine de transformation d’amiante) ;
  • pollution émise par l’amiante mis en place dans les bâtiments et installations diverses, et dont des fibres peuvent être « relarguées » dans l’atmosphère, soit du fait de la dégradation des installations, soit du fait d’interventions sur celles-ci.

Impact sanitaire

L’amiante provoque des pathologies malignes (mésothéliome et cancers du poumon, du larynx et de l’ovaire) et des pathologies bénignes de l’appareil respiratoire (asbestose et plaques pleurales.
La principale localisation du mésothéliome concerne la plèvre, suivie par le péritoine. Les autres localisations (péricarde et vaginale testiculaire) sont exceptionnelles.
Le seul facteur de risque connu associé au mésothéliome étant l’exposition à l’amiante, cette pathologie est considérée comme un marqueur de l’exposition et elle est retenue pour évaluer l’impact sanitaire de l’exposition à l’amiante.
Le temps de latence entre l’exposition et la survenue de la maladie se situe en moyenne entre 30 et 40 ans.
Cependant, l’impact de l’exposition à l‘amiante ne se limite pas au mésothéliome : aujourd’hui, on estime en effet que 8,2 à 13% des cancers du poumon chez l’homme en France seraient attribuables à une exposition professionnelle à l’amiante. Ce taux est bien moindre chez les femmes (0,4 à 1%).
L’évolution de la mortalité montre, comme celle de l’incidence, une augmentation globalement importante sur la période 1975-2006 pour les deux sexes mais qui semble se stabiliser sur la période la plus récente. Si le nombre absolu de décès continue d’augmenter, du fait de l’accroissement de la population et de son vieillissement, une stabilisation du taux de mortalité pour les cas les plus jeunes (moins de 65 ans) est observée.
Par ailleurs, aucune tendance évolutive particulière du nombre annuel de cas incidents de mésothéliome n’est observée ces dix dernières années. Ce nombre peut être estimé entre 710 et 870, soit 0,3% de l’ensemble des cancers. Ces cancers prédominent chez les hommes (~3 cas/4). Entre 520 et 630 sont dus à une exposition professionnelle à l’amiante, tous sexes et classes d’âge confondus.
Ces phénomènes pourraient être le reflet de la réduction des expositions professionnelles à l’amiante à partir de la fin des années 1970, date à laquelle ont été mises en place les premières réglementations visant la protection des travailleurs vis-à-vis de l’amiante.

Prise en charge des victimes

Les maladies générées par l’exposition professionnelle à l’amiante sont inscrites au tableau des maladies professionnelles (TMP) du régime d’assurance maladie des salariés et des exploitants agricoles ("affections professionnelles consécutives à l’inhalation de poussières d’amiante" et "cancer broncho-pulmonaire provoqué par l’inhalation des poussières d’amiante"). Par ailleurs, depuis 2002, toute personne victime des effets de l’amiante, quelle que soit la source d’exposition et quelle que soit son affiliation à un régime de Sécurité sociale, peut obtenir une indemnisation auprès du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva), mis en place par décret du 23 octobre 2001.


Déclaration obligatoire (DO) des mésothéliomes

La DO mésothéliome a été mise en place en janvier 2012 à la demande du ministère de la Santé (décret n°2012-47 du 16 janvier 2012 complétant la liste des maladies faisant l'objet d'une transmission obligatoire de données individuelles à l'autorité sanitaire, arrêté du 6 février 2012). Ce décret fait suite à l’avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) d’octobre 2010 de renforcer la surveillance des mésothéliomes dans les zones non couvertes par le PNSM ainsi que des mésothéliomes localisés hors plèvre (soit 12% à 15% des cas), et d’améliorer la connaissance des cas liés à des expositions environnementales. La DO mésothéliome est inscrite dans le Plan cancer 2009-2013 (mesure 9.1). Elle concerne les mésothéliomes de tous les sites anatomiques (plèvre, péritoine, péricarde, vaginale testiculaire), soit environ 800 à 1 200 cas par an. Elle s’impose à tous les médecins, pathologistes et cliniciens, qui en font le diagnostic.
Les objectifs de cette DO, complémentaires de ceux du Programme national de surveillance du mésothéliome (PNSM), sont les suivants :
  • renforcer la surveillance épidémiologique des mésothéliomes de tous sites anatomiques (plèvre, péritoine et autres localisations) dans toute la France (métropole et outre-mer) ;
  • mieux comprendre les facteurs d’exposition notamment environnementaux dans trois populations ciblées représentant environ 300 cas par an : les mésothéliomes survenant chez les femmes, chez les moins de 50 ans et les mésothéliomes extrapéritonéaux et notamment du péritoine. Ces cas, identifiés par la notification, feront ensuite l’objet d’une enquête d’exposition permettant notamment d’approfondir la connaissance de leurs possibles origines environnementales.
L’organisation et le traitement du système de notification et des enquêtes sont assurés par l’InVS (département Santé-Travail en collaboration avec le département santé environnement). Le système de notifications devra être opérationnel et performant (proche de l’exhaustivité) lors du démarrage des enquêtes. Ainsi, l’année 2012 est consacrée à la mise en place du dispositif de notification dans toutes les régions métropolitaines et ultramarines, accompagnée par le DST avec l’appui des Cire. Les cellules de veille et de gestion sanitaires des alertes des agences régionales de santé sont les acteurs réglementaires pour le traitement des fiches de notification au niveau de chaque région. Les réseaux régionaux de cancérologie sont fortement impliqués en tant que relais d’information des médecins potentiellement déclarants au niveau régional. Le démarrage des enquêtes est envisagé en 2013. Les travaux préparatoires sont menés dans le cadre d’un groupe de travail de l’InVS impliquant des spécialistes des enquêtes PNSM. La réalisation des enquêtes DO est une mission des Cire. Cependant des solutions alternatives (équipe PNSM, Réseau régional de cancérologie, registre de cancers…) seront possibles dans certaines régions pour prendre en charge ces enquêtes. Le DSE traitera les différents types d’exposition environnementale :
  • environnement extérieur sites polluants ou ayant pollué ;
  • environnement extérieur sites naturels ;
  • bricolage ;
  • domestique ;
  • paraprofessionnelle ;
  • intramurale passive (désamiantage…).
La procédure de notification est décrite dans le dossier "DO mésothéliome". Les documents nécessaires à la déclaration sont téléchargeables depuis ce dossier.


Exposition professionnelle à l'amiante

Dans les pays industrialisés, la source d’exposition de très loin la plus importante provient des activités professionnelles. Il s’agit des personnes qui, dans le cadre de leur activité professionnelle, produisent l’amiante, utilisent ce matériau directement pour diverses opérations de transformation ou d’isolation thermique ou phonique, ou interviennent sur des matériaux contenant de l’amiante.
Du fait de la très large dissémination de l’amiante au fil du temps, les professions concernées par les expositions à ce matériau ont évolué au fil des décennies. Dans les années 1960, les principales professions touchées étaient celles de la production et de l’utilisation de l’amiante qui entraînaient des expositions massives, alors que depuis les années 1980 et 1990, les métiers les plus souvent exposés à l’amiante sont ceux qui impliquent des tâches d’intervention sur des matériaux contenant de l’amiante, entraînant des expositions discontinues.
La multiplicité des usages de l’amiante explique le nombre très important des personnes exposées à l’occasion de leurs activités professionnelles. Ainsi, il a été montré qu’un quart de tous les hommes salariés actuellement retraités en France a été exposé au moins une fois au cours sa vie professionnelle à l’amiante.

Evaluation individuelle : repérer les situations d'exposition

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Désamiantage par un travailleur
Crédit : Krzysztof Slusarsick. Dreamstime.com.
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Calorifugeage à l’amiante
Crédit : Bermau. Dreamstime.com.
Le Programme national de surveillance du mésothéliome (PNSM), système de surveillance épidémiologique des effets de l’amiante sur la santé de la population française, permet d’estimer le nombre annuel de cas incidents de mésothéliome, d’identifier et de quantifier les secteurs industriels et les professions présentant les plus hauts risques, et de calculer la fraction de risque de mésothéliome attribuable à une exposition professionnelle à l’amiante.
Ainsi, actuellement la fraction de risque de mésothéliome attribuable à des expositions professionnelles dans la population française est de 83,2 % (IC 95% : [76,8-89,6]) chez les hommes et de 38,3 % (IC 95% : [26,6-50,0]) chez les femmes. Il s’agit de la proportion théorique des cas qui auraient été évités si l’exposition n’avait pas existé.

Evaluation populationnelle : description des populations exposées

L’exposition en milieu professionnel est estimée selon deux indicateurs : la proportion de personnes exposées à un moment donné (prévalence "instantanée") et la proportion de personnes ayant été exposées à l’amiante au moins une fois dans leur vie professionnelle (prévalence "vie entière"). Cette dernière est adaptée à l’étude des risques pour la santé, la dose cumulée d’amiante tout au long de la vie étant associée de façon linéaire au risque de cancer. Cette prévalence varie beaucoup selon le sexe, les secteurs d’activité, les classes d’âge et les cohortes de naissance, reflétant l’histoire de l’introduction et de la diffusion de l’amiante en France.
Ces deux prévalences sont obtenues à partir du croisement d’un échantillon d’histoires professionnelles, représentatif de la population générale (10 000 personnes) en 2007 et d’une matrice emplois-expositions spécifique de l’amiante. Par ailleurs, ces matrices sont croisées avec d’autres populations spécifiques (salariés, artisans, etc.) permettant d’obtenir la prévalence d’exposition par secteurs d’activité, par catégories socioprofessionnelles, par professions, etc.
Quel que soit le sexe, les ouvriers et les artisans ont les prévalences d’exposition les plus élevées (chez les hommes, respectivement 2,5 % et 1,1 %). La prévalence la plus faible est observée chez les cadres (0,1 % chez les hommes).
Si l’on considère la profession chez les hommes, 25,7 % des plombiers-tuyauteurs, 17,5 % des tôliers-chaudronniers et 19,2 % des soudeurs et oxycoupeurs étaient encore exposés aux fibres d’amiante en 2007.
En 2007, quel que soit le sexe, les proportions de sujets exposés pour les secteurs de la construction, du commerce et de la réparation automobile, de la fabrication d’autres produits minéraux non métalliques sont de 6,3 %, 3,1 % et 0,1 % respectivement.

Exposition environnementale à l'amiante

L’impact de l’amiante sur la santé des travailleurs exposés est aujourd’hui bien connu et documenté par de très nombreuses publications scientifiques. En revanche, les modalités d’exposition extraprofessionnelles restent mal connues.
La déclaration obligatoire (DO) du mésothéliome, entrée en vigueur en janvier 2012, permettra d’améliorer la connaissance des cas d’origine non professionnelle en renforçant la surveillance des mésothéliomes (notamment dans les zones non couvertes par le PNSM). Actuellement on estime que moins de 10 % des cas chez les hommes et 50 % chez les femmes sont liés à des expositions "environnementales" au sens large (environnementale, domestique ou paraprofessionnelle).
Outre ces dispositifs mis en place par l’InVS pour surveiller l’impact de l’exposition à l’amiante, un certain nombre d’études (nationales et locales) ont été réalisées visant à estimer l’exposition environnementale passée et actuelle à l’amiante. Ces études portent sur des situations particulières d’exposition : celle de populations riveraines soit d’affleurements naturels, soit d’anciens sites industriels d’exploitation ou de transformation de l’amiante, ainsi que celle de populations exposées à l’amiante présent à l’intérieur des bâtiments.

Exposition à des sites naturels

En 2006, une étude cas-témoins a été réalisée afin de comparer les risques de mésothéliome selon l’exposition environnementale passée des populations riveraines d’anciens sites industriels d’exploitation ou de transformation de l’amiante.
Parallèlement, était menée une étude d’estimation de l’exposition actuelle des populations riveraines de sites naturels. L’étude a montré qu’en France continentale (la Corse faisant l'objet d'étude par ailleurs) le nombre de personnes riveraines d’affleurements naturels d’amiante et potentiellement exposées était réduit. Les quelques sites existant en France continentale présentent en effet une faible superficie et les trois zones les plus à risque, situées en montagne, sont très peu fréquentées. Or les mesures de fibres dans l’air ont montré que l’exposition des populations à l’amiante des affleurements naturels était conditionnée par la fréquentation de ces sites. Les perturbations mécaniques liées aux activités humaines (perturbations anthropiques) jouent en effet un rôle essentiel dans le niveau de fibres émises à partir d’un sol riche en amiante.

Etude de pollution environnementale en Corse

Capteurs pour mesure de l’air en fibre d’amiante, Bustanico
Capteurs pour mesure de l’air en fibre d’amiante, Bustanico, Corse
Crédit : Ddass Haute-Corse.
En France, les premières données concernant l’exposition environnementale à l’amiante proviennent de Corse. L’Est de l’île comporte de nombreux affleurements naturels de roches amiantifères et plusieurs études épidémiologiques ont mis en évidence un risque lié à une telle exposition environnementale. Plusieurs cas de mésothéliomes ont été enregistrés chez des personnes résidant dans cette région et non exposées professionnellement à l’amiante.
En 2004, des mesures sur la teneur de l’air en fibres d’amiante ont montré que 133 communes étaient concernées, avec des concentrations jusqu’à 5 à 6 fois supérieures au seuil réglementaire de 5 fibres par litre d’air, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur des habitations. Il s’agissait majoritairement de fibres de trémolite, considérée comme un marqueur de pollution environnementale à l’amiante.
L’évaluation du risque sanitaire portant sur les risques de décès par cancer du poumon et par mésothéliome pleural, réalisée par la Ddas, a montré un excès de risque individuel "vie entière" pour le mésothéliome.
À l’issue de cette étude et compte tenu de cette situation environnementale particulière, sur les recommandations de l’InVS, pour répondre au besoin de suivi sanitaire des populations locales, la DGS a demandé la mise en place de la surveillance des cas de mésothéliome en Corse dans le cadre du Programme national de surveillance du mésothéliome (PNSM). La région Corse a été incluse dans le PNSM en 2006.
  • En savoir plus :
Mesures de la teneur de l'air en fibres d'amiante d'origine environnementale dans un échantillon de communes du département de la Haute-Corse. Rapport des campagnes 2001, 2002 et 2003. Rapport Ddass Haute-Corse. Février 2004.
L’amiante environnementale en Corse, Ddass Haute-Corse. Février 2004.

Exposition environnementale à des sites industriels

Etude cas-témoin en population générale sur l'exposition passée des riverains de sites industriels

En 2006, une étude cas-témoins a été menée au niveau national pour évaluer l’augmentation de risque de mésothéliome pleural selon l’exposition environnementale passée des populations riveraines d’anciens sites industriels d’exploitation ou de transformation de l’amiante.
Réalisée à partir des cas de mésothéliomes non professionnels et de témoins enregistrés dans la base du programme national de surveillance du mésothéliome (PNSM), l’étude utilisait aussi un Système d’information géographie (Sig) et combinait l’intensité, la distance entre les adresses des sujets et les sites ainsi que la durée de séjour à chaque adresse.
En France, au total, 553 sites industriels et 1 119 chantiers navals ont été recensés et localisés. Pour les hommes, 24 cas (69 %) et 193 témoins (64 %) avaient un score d’exposition environnementale différent de 0, et pour les femmes, 48 cas (66 %) et 94 témoins (66 %) avaient un score différent de 0. Chez les femmes, l’augmentation du risque de mésothéliome n’était pas significative, avec un OR=1,2 (IC 95% [0,7-2,3]). Pour les hommes, l’OR était de 0,9 (IC 95% [0,4-1,8]).
Cette étude a donc permis d’utiliser des méthodes nouvelles pour une meilleure estimation de l’exposition environnementale à l’amiante des sujets. Elle a souligné la difficulté d’avoir des données précises pour estimer cette exposition environnementale et a permis d’émettre des recommandations sur les données pertinentes à prendre en compte pour mieux définir cette exposition, comme la durée de l’activité de l’industrie, le type de fibre utilisée, le processus industriel ou encore le volume d’amiante produit.

Etude nationale d'évaluation des expositions actuelles

Parallèlement une autre étude avait pour but d’estimer l’exposition actuelle des populations riveraines d’anciens sites industriels d’exploitation ou de transformation de l’amiante et des sites naturels amiantifères pour présager des conséquences futures. Pour des problèmes d’accès aux sites, l’InVS n’a pu évaluer l’exposition actuelle des populations voisines des anciens sites industriels. L’étude a donc été restreinte aux seuls sites naturels.

Autour d'une ancienne usine de broyage d'amiante à Aulnay-sous-Bois

En France, la première étude sur l’exposition passée de populations résidant à proximité d’une usine spécialisée dans la transformation de l’amiante a été menée par l’InVS. L’étude autour d’une ancienne usine de broyage d’amiante (le site du Comptoir des minéraux et matières premières à Aulnay-sous-Bois, Seine-Saint-Denis) a été mise en œuvre pour répondre aux interrogations de la population après le décès par mésothéliome de riverains de l’usine.
Réalisée en étroite concertation avec la Préfecture ainsi que les associations de défense des victimes de l’amiante et des riverains, cette étude a permis de préciser l’exposition passée des populations vivant à proximité d’industries de ce type. Elle conclut que l’activité passée de cette entreprise « a engendré des expositions environnementales suffisamment importantes pour conduire à des cas de pathologies liées à l’amiante au sein des populations voisines ».
La modélisation des périmètres de dispersion des fibres d’amiante (émises dans le passé) a permis de guider les décideurs dans leurs actions futures pour gérer ce type de site.

Exposition intramurale

Etude de pollution des locaux de travail au campus universitaire de Jussieu

Entre 2001 et 2002, cinq cas de mésothéliome étaient diagnostiqués parmi le personnel du campus universitaire de Jussieu (Paris, France). Suite au signalement de ces cas à l’InVS par le Comité anti-amiante de Jussieu, une étude a été mise en place. Parmi ces cas, aucune exposition professionnelle active, domestique ou environnementale n’a pu être identifiée, exceptée l’utilisation rare, pour certains, de produits de protection contenant de l’amiante.
C’était la première fois que l’on décrivait plusieurs cas de mésothéliome pleural parmi des sujets travaillant dans un bâtiment floqué (recouvert d’une couche de protection anti-incendie contenant de l’amiante et un liant), mais n’ayant pas subi d’exposition active à l’amiante.
L’étude concluait en soulignant l’importance de l’impact sanitaire de la pollution des locaux de travail où les personnes passent une partie importante de leur temps.

Etude de pollution environnementale en Nouvelle-Calédonie

photo maison enduite de pö, Nouvelle-Calédonie
Maison enduite de pö, Nouvelle-Calédonie
Crédit : D. Luce, Inserm.
En 2000, l’Inserm met en évidence les risques de mésothéliomes et de cancers bronchiques associés à l’exposition à la trémolite via l’habitat en Nouvelle-Calédonie. Le pö, un enduit recouvrant les murs intérieurs et extérieurs des maisons dans certains villages, est fabriqué à partir d'une roche constituée essentiellement d’une variété d'amiante, la trémolite.
Suite à cette étude l’Institut de veille sanitaire (InVS) et le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) ont été saisis par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie pour :
  • apporter leur expertise sur les mesures à mettre en œuvre pour réduire les risques sanitaires liés à l’exposition à une variété d’amiante, la trémolite, dans les tribus mélanésiennes ;
  • préciser les modalités de suivi sanitaire des populations ayant été, ou étant encore, exposées à ce facteur de risque.
À l’issue de leur mission, les deux instituts ont émis des recommandations concernant les mesures de réduction du risque et le suivi sanitaire de la population, incluant un dépistage et un suivi épidémiologique des personnes à risque.

Impact sanitaire

Les indicateurs d’impact sur la santé en relation avec l’amiante concernent essentiellement le mésothéliome de la plèvre (et autres cancers primitifs de la plèvre). En effet, on ne dispose encore que de très peu d’indicateurs suffisamment fiables sur la fréquence des autres problèmes de santé induits par les expositions à l’amiante.
Cependant, du fait du caractère monofactoriel de son étiologie, le mésothéliome de la plèvre est un excellent marqueur de l’exposition passée à l’amiante à l’échelle populationnelle, et ce marqueur est étroitement associé aux autres pathologies dues à l’amiante.

Le mésothéliome pleural

Evolution de la mortalité par mésothéliome de la plèvre en France

En 2012, l’Institut de veille sanitaire (InVS) en partenariat avec le Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (CépiDc) de l’Inserm a publié les résultats de modélisation de l’évolution de la mortalité par mésothéliome pleural en France.
Cette étude avait pour objectif d’actualiser les résultats publiés il y a une douzaine d’années qui prévoyaient alors que le pic de la mortalité masculine par mésothéliome aurait lieu vers 2020-2030 avec un nombre de décès annuel compris entre 1 000 et 1 500.
Pour ce faire, les données les plus récentes ont été utilisées : mortalité observée jusqu’en 2009, recensements et projections démographiques. L’exposition professionnelle et environnementale à l’amiante de la population vivant en France a été modélisée à partir des volumes d’importation de ce minéral. Les projections de mortalité jusqu’en 2050, pour les deux sexes, ont été obtenus par modélisation de la mortalité sur la base de ces paramètres.
D’après cette étude, le pic de mortalité par mésothéliome pourrait avoir été atteint en France au début des années 2000, avec 600 à 800 décès annuels chez les hommes et 100 à 200 chez les femmes.
La mortalité serait ainsi en train de diminuer et son taux pourrait se stabiliser vers 2030,  où elle était à la fin des années 1970.
Bien que la mortalité par mésothéliome ait commencé à décroître plus tôt que les précédentes publications ne le prévoyaient, il faut cependant s’attendre à 18 à 25 milliers de décès par mésothéliome d’ici 2050 en France. Pour considérer la mortalité par cancer attribuable à l’amiante dans son ensemble, il convient d’ajouter à ces estimations un nombre plus grand encore de décès par cancer broncho-pulmonaire, provoqués aussi par l’exposition passée à l’amiante.

Cancer du poumon

Pour le cancer du poumon, on ne dispose pas, comme pour le mésothéliome, d’études permettant d’estimer directement le nombre de cas attribuables à des expositions professionnelles à l’amiante en France. On utilise donc des évaluations de fractions de risque de cancers attribuables aux expositions professionnelles à l’amiante. Le nombre annuel de cas de cancers pulmonaires dus à de telles expositions se situe entre 1 508 et 2 409.

Pathologies respiratoires

Concernant les pathologies respiratoires dues à l’amiante, les données recueillies sur un échantillon d’artisans inclus dans le programme ESPrI (Épidémiologie et surveillance des professions indépendantes) permettent d’estimer la fréquence des anomalies pleurales et pulmonaires chez des sujets exposés professionnellement aux poussières d’amiante.
Parmi les artisans retraitées ayant été exposés à l’amiante et bénéficiant d’un suivi post-professionnel, plus de 16% présentent une anomalie radiologique thoracique, essentiellement des pathologies pleurales bénignes. Ces données concernant les artisans sont comparables à ce qui est observé dans une population de salariés retraités ayant été exposés.
  • En savoir plus :


Liens

Le registre Mesonat : http://www.registrescancers-bn.org/meso/activitemeso.php
Le programme Spiralei : http://www.spirale.rppc.fr/amiante.html
Centre d’épidémiologie des causes de décès (CépiDC-Inserm) (http://www.cepidc.vesinet.inserm.fr/)
Suivi des victimes de l’amiante - Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (Fiva) : (http://www.fiva.fr/)
Prise en charge du mésothéliome - Caisse nationale d’assurance maladie (branche "risques professionnels") (http://www.risquesprofessionnels.ameli.fr/)

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