Ce dossier thématique, consacré à l’impact
sanitaire de l’incinération des déchets ménagers, présente l’ensemble
des travaux conduits par l’Institut de veille sanitaire sur ce thème. Il
rend compte de leur diversité et de la richesse des connaissances qui
ont été produites et mises à la disposition de la communauté
scientifique, des décideurs et du public. Ces études et guides ont été
réalisés par le département santé environnement et par les Cellules
interrégionales d’épidémiologie de l’Institut de veille sanitaire, en
collaboration avec de nombreux partenaires publics ou privés.
Points sur les connaissances
Problématique de santé publique
Depuis 1975, l’incinération est en France
la première filière d’élimination des ordures ménagères avec une part
relativement constante d’environ 40 % des déchets ainsi éliminés. Au
début du XXIe siècle, bien que le nombre de ses installations
soit passé de 300 en 1990 à 128 en 2006, le parc français d’usines
d’incinération d’ordures ménagères est le plus grand de l’Union
européenne.
Une évaluation de risques liés à
la pollution atmosphérique engendrée par les incinérateurs d’ordures
ménagères, réalisée en 1999 par la Société française de santé publique,
ne prédisait pas un impact sanitaire alarmant au sein des groupes de
population exposés. Cependant, il apparaissait justifié de mettre en
œuvre des études spécifique autour des usines les plus émettrices,
potentiellement responsables de niveaux de risques élevés. Faisant suite
à plusieurs travaux épidémiologiques menés à l’étranger, l'équipe de
Jean-François Viel a publié en juillet 2000 une étude sur l’incinérateur
de Besançon. Les auteurs concluaient à un excès de sarcomes des tissus
mous et de lymphomes malins non hodgkiniens, entre 1980 et 1995, chez
les riverains de cette usine ayant rejeté dans l’atmosphère des fumées
dont la teneur en dioxines allait jusqu’à 16,3 ng I-TEQ/m3.
Pour autant, un lien de causalité ne pouvait être établi entre
l’observation de cas de cancer en excès et les quantités élevées de
polluants émises.
Par la suite, les craintes
des populations voisines d’incinérateurs concernant leur santé ont été
renforcées par la découverte, autour d’installations anciennes et de
petite taille, de contaminations environnementales par les dioxines. Les
autorités sanitaires locales ont alors été interpellées par des
associations, des particuliers ou des élus qui souhaitaient savoir si
« leur » incinérateur était susceptible de générer des effets
sanitaires. Le cas de l’incinérateur de Gilly-sur-Isère,
situé près d’Albertville en Savoie, a été particulièrement marquant.
L’installation industrielle était connue pour être non conforme à la
réglementation en vigueur quand, en 2001, des élus et un médecin du
village le plus proche ont signalé à l’administration publique un nombre
de cancers perçu comme étant anormalement élevé. Les analyses chimiques
qui ont été réalisées, révélant des concentrations élevées de dioxines,
ont entraîné la fermeture de l’incinérateur puis l’abattage massif du
bétail et le retrait des produits alimentaires et du foin contaminés.
Dans ce contexte de crise, quatre études sanitaires ont été lancées en
2002, pilotées par la Cellule interrégionale d’épidémiologie de Lyon,
antenne régionale de l’Institut de veille sanitaire.
Parallèlement,
la réglementation française relative aux rejets des incinérateurs est
devenue de plus en plus drastique. L’arrêté ministériel du 20 septembre
2002, transposant la directive européenne du 4 décembre 2000, a en effet
fixé de nouvelles règles applicables avant décembre 2005 à toutes les
usines existantes, incluant une valeur limite d’émission de dioxines
fixée à 0,1 ng I-TEQ/m3. Dès lors, un vaste programme de fermeture ou de mise en conformité des usines d’incinération a été lancé.
La réponse : une démarche nationale
En
2002, la Direction générale de la santé a mandaté l’Institut de veille
sanitaire pour identifier et proposer des études visant à améliorer les
connaissances sur l’impact des rejets atmosphériques des incinérateurs
sur la santé publique. Au regard des questions posées par la population
et des connaissances déjà disponibles, il est alors apparu pertinent
d’assigner les objectifs suivants aux études épidémiologiques à mener :
- estimer, chez les populations proches des incinérateurs, la part attribuable à cette source dans l’exposition globale aux dioxines et aux principaux autres polluants émis (métaux lourds et composés volatils notamment) ;
- apprécier la contribution relative des différentes voies d’exposition à ces polluants ; en effet, l’étude menée à Besançon et d’autres travaux épidémiologiques soulevaient la question du rôle de la voie respiratoire alors que l’alimentation était considérée, pour les dioxines, comme la voie d’exposition quasi exclusive ;
- caractériser les risques de survenue de cancers, et d’autres effets sanitaires potentiels, entraînés par l’exposition passée aux rejets des incinérateurs,
Pour éclairer ces différents points, l’Institut de veille sanitaire a rendu trois rapports en 2003.
Le premier,
rédigé avec l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, a
fait une synthèse des connaissances sur l’exposition de la population
aux dioxines et a proposé un protocole pour une étude nationale
d’imprégnation de la population par les dioxines autour des
incinérateurs.
Le second
a recensé et analysé les études épidémiologiques menées autour des
incinérateurs et a recommandé la conduite d’une étude nationale afin
d’évaluer l’impact de l’exposition aux fumées d’incinérateurs sur
l’incidence des cancers.
Enfin, un guide méthodologique
a été élaboré pour informer les acteurs locaux sur les enjeux de santé
publique associés aux incinérateurs et les aider à analyser la situation
autour de ces installations.
L'incinération a concerné en France 11,4
millions de tonnes d'ordures ménagères et assimilés en 2000. Le parc
d'incinérateurs, qui compte aujourd'hui 123 unités conformes à l’arrêté
du 25 janvier 1991, a subi d'importantes modifications ces dernières
années. Cette technique de traitement des déchets suscite actuellement
de nombreuses craintes de la part du public. La mise en conformité
réglementaire et les nombreux travaux de recherche ont permis d'apporter
des éléments de réponse aux interrogations légitimes de la population
sur les risques sanitaires encourus. Cependant, de nombreux doutes
subsistent et il ressort souvent, localement, une forte demande de mise
en place d’études sanitaires, notamment épidémiologiques.
Ce
document, élaboré à la demande de la Direction générale de la santé et
présenté sous la forme d’une "conduite à tenir", a pour vocation
première d’informer les services déconcentrés de l’Etat et les Cellules
Inter Régionales d’Epidémiologie sur la problématique de santé publique
posée par les usines d’incinération d’ordures ménagères, et de les aider
à décrire et analyser à l’échelle locale la situation rencontrée autour
de ces installations. Le lecteur y trouvera ainsi des arguments
scientifiques permettant, à partir de la description de la situation, de
justifier la nécessité (ou non) de mettre en place des études
spécifiques pour une gestion éclairée de santé publique.
Le
document est structuré en trois parties distinctes. La première partie
décrit les éléments de la conduite à tenir au niveau local. Le cadre
méthodologique repose sur : i) l’analyse de la situation locale ; ii) la
définition d’une ou plusieurs questions en termes de santé publique et
l’analyse de l’utilité de mettre en place une ou plusieurs
investigations sanitaires pour y répondre ; iii) l’analyse de la
pertinence d’un type d’étude spécifique permettant de répondre à la
question ; et iv) l’analyse de la faisabilité de ce type d’étude. La
deuxième partie décrit de façon synthétique les divers types d’études
sanitaires et leur possibilité d’utilisation pour une aide à la décision
autour des incinérateurs. Ces éléments sont principalement issus de
l’analyse des études déjà proposées et réalisées dans des situations
locales passées. Enfin, la troisième partie est consacrée à rappeler les
éléments de connaissances disponibles sur les incinérateurs, les
réglementations auxquelles ils sont soumis, leurs émissions et les
effets sanitaires investigués dans la littérature autour des UIOM. Elle
comporte un certain nombre d’éléments utiles au lecteur pour la
compréhension du problème et la réalisation d’investigations locales.
ERRATUM
Incinérateurs et Santé : Guide pour la conduite à tenir lors d'une demande locale d'investigations sanitaires autour d'un incinérateur d'ordure ménagères.
Page 92 - 3e paragraphe "(la circulaire du 9 octobre 2002 prévoit la réalisation de telles mesures, particulièrement si des élevages sont situés à moins de 4 km pour les nouvelles installations, et dès lors que le flux annuel de PCDD/F émis sur un site dépasse 0,5 g/an pour les installations existantes)" Remplacez par : "(la circulaire du 9 octobre 2002 prévoit la réalisation de telles mesures, particulièrement si des élevages sont situés à moins de 5 km pour les nouvelles installations, et dès lors que le flux annuel de PCDD/F émis sur un site dépasse 0,5 g/an pour les installations existantes)"
Incinérateurs et Santé : Guide pour la conduite à tenir lors d'une demande locale d'investigations sanitaires autour d'un incinérateur d'ordure ménagères.
Page 92 - 3e paragraphe "(la circulaire du 9 octobre 2002 prévoit la réalisation de telles mesures, particulièrement si des élevages sont situés à moins de 4 km pour les nouvelles installations, et dès lors que le flux annuel de PCDD/F émis sur un site dépasse 0,5 g/an pour les installations existantes)" Remplacez par : "(la circulaire du 9 octobre 2002 prévoit la réalisation de telles mesures, particulièrement si des élevages sont situés à moins de 5 km pour les nouvelles installations, et dès lors que le flux annuel de PCDD/F émis sur un site dépasse 0,5 g/an pour les installations existantes)"
- En savoir plus : Bonvallot N, Dor F. Incinérateurs et santé. Guide pour la conduite à tenir lors d'une demande locale d'investigations sanitaires autour d'un incinérateur d'ordures ménagères. Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire ; 2003. 104 p.
Étude
d’imprégnation par les dioxines des populations vivant à proximité
d’usines d’incinération d’ordures ménagères – Rapport d’étude. Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire ; 2009. 146 p.
La France possède le plus grand parc d’usine d’incinération d’ordures
ménagères (UIOM) de l’Union européenne avec environ 130 installations
recensées. Un effort considérable d’amélioration de ce parc a été fait
ces dernières années, mais de nombreux incinérateurs ont été dans le
passé responsables d’émissions importantes de polluants. Les inquiétudes
légitimes des populations riveraines ont conduit, à plusieurs reprises,
les pouvoirs publics à demander la réalisation d’études locales pour
connaître l’exposition et les risques encourus. La persistance des
composés chimiques émis dans l’environnement (dioxines et certains
métaux) et la présence de ces substances à des teneurs élevées dans des
aliments (lait, oeufs, viande) produits à proximité d’incinérateurs
justifiaient ces craintes. Il est rapidement apparu qu’il serait ineffi
cace de multiplier les études autour de chaque incinérateur. En 2002,
l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Agence française de sécurité
sanitaire des aliments (Afssa) ont engagé une démarche nationale pour
apporter des réponses aux attentes des décideurs et de la population.
Conformément aux recommandations émises à l’issue de cette démarche, une étude nationale a été lancée en 2005 par l’InVS en collaboration avec l’Afssa. Son objectif principal était de savoir si les populations résidant autour d’UIOM étaient plus imprégnées par les polluants émis par les incinérateurs (dioxines, PCB, plomb, cadmium) que celles qui en étaient éloignées et de préciser les déterminants (alimentaires ou autres) de cette imprégnation. Cette étude apporte aussi les premières données françaises d’imprégnation sérique par les dioxines et PCB.
Conformément aux recommandations émises à l’issue de cette démarche, une étude nationale a été lancée en 2005 par l’InVS en collaboration avec l’Afssa. Son objectif principal était de savoir si les populations résidant autour d’UIOM étaient plus imprégnées par les polluants émis par les incinérateurs (dioxines, PCB, plomb, cadmium) que celles qui en étaient éloignées et de préciser les déterminants (alimentaires ou autres) de cette imprégnation. Cette étude apporte aussi les premières données françaises d’imprégnation sérique par les dioxines et PCB.
Étude
d’imprégnation par les dioxines des populations vivant à proximité
d’usines d’incinération d’ordures ménagères. Synthèse des résultats. Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire ; 2006. 20 p.
La France possède le parc d'usines d’incinération d’ordures ménagères
(UIOM) le plus important d’Europe. Leur nombre a été divisé environ par
trois depuis 1998 et cette réduction s’est accompagnée de la mise en
conformité d'installations existantes, de la fermeture d'un grand nombre
d'installations anciennes et de la construction d'installations neuves.
Les rejets des UIOM en France ont ainsi beaucoup diminué depuis 1998.
Toutefois, des questions ont été posées par les populations riveraines de ces installations à propos de leur impact sur la santé. Ces interrogations sont liées, d’une part, à la persistance de certains composés chimiques émis dans l'environnement, notamment les dioxines, certains métaux et, d’autre part, à la présence ponctuellement constatée de ces substances à des teneurs élevées dans des aliments tels que le lait de vache produit à proximité d’incinérateurs ayant émis beaucoup de dioxines.
Toutefois, des questions ont été posées par les populations riveraines de ces installations à propos de leur impact sur la santé. Ces interrogations sont liées, d’une part, à la persistance de certains composés chimiques émis dans l'environnement, notamment les dioxines, certains métaux et, d’autre part, à la présence ponctuellement constatée de ces substances à des teneurs élevées dans des aliments tels que le lait de vache produit à proximité d’incinérateurs ayant émis beaucoup de dioxines.
En
raison des niveaux d’émissions élevés pour certains sites, la question
s’est posée de savoir si les riverains des UIOM étaient réellement plus
exposés aux dioxines. Des études réalisées à l’étranger ont estimé, à
l’aide d’indicateurs biologiques, l’imprégnation par les dioxines de ces
riverains, imprégnation qui traduit l’exposition au niveau de
l’organisme. Les résultats ont conclu que résider autour d'UIOM avait
peu d’influence sur les concentrations sériques1 de dioxines des
riverains (Evans 2000, Schumacher 1999, Deml 1996, Gonzalez 1998).
Néanmoins,
ces travaux ne prenaient en compte ni la zone de retombée du panache de
l’incinérateur, ni la voie principale d’exposition connue pour les
dioxines, à savoir la consommation alimentaire. Deux études ont pris en
compte la consommation alimentaire locale de riverains d’UIOM ayant de
fortes émissions de dioxines : a) une étude taïwanaise (Chen 2006) qui a
montré une imprégnation de dioxines un peu supérieure chez les
riverains d’incinérateurs consommant des produits locaux et une
imprégnation moindre chez les végétariens et b) une étude belge (Fierens
2003) qui a montré que la consommation de graisses animales provenant
de produits d’origine locale (viande, oeufs ou produits laitiers obtenus
sous les retombées du panache de l’incinérateur), était associée à une
augmentation des concentrations sériques de dioxines des riverains.
En
2004, l’Institut de veille sanitaire (InVS) a lancé en collaboration
avec l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) une
étude nationale, financée dans le cadre du Plan Cancer pour répondre à
la question suivante : les populations vivant autour des usines
d’incinération d’ordures ménagères sont-elles plus imprégnées par les
dioxines que celles qui en sont éloignées ? Et si oui, pourquoi ?
Les objectifs de l'étude sont de pouvoir :- estimer l’imprégnation par les dioxines des populations vivant à proximité d’une usine d’incinération d’ordures ménagères (UIOM), et la comparer à une population non exposée qui ne résidait pas à proximité d’un incinérateur ;
- identifier les facteurs influençant cette imprégnation au sein de populations résidant à proximité d’une UIOM.
Une particularité importante de cette étude est
de chercher à mieux connaître le rôle des comportements alimentaires
sur l’imprégnation par les dioxines et notamment l’influence de la
consommation de produits locaux. Il s’agit d’une étude d’imprégnation,
laquelle n’a pas pour objectif d’étudier l’impact des dioxines sur la
santé, ce qui nécessiterait d’autres méthodes.
À
ce jour, les seules données françaises disponibles d’imprégnation par
les dioxines de la population générale sont celles de teneurs dans le
lait maternel mesurées en 1998 (InVS 2000). En complément de l’objectif
cité, cette étude va fournir les premières données sur les niveaux de
dioxines mesurées dans le sérum dans la population générale française, à
travers les niveaux observés dans la population non exposée à
l’incinérateur. Cette étude se distingue de toutes les autres études
internationales sur le sujet, par son ampleur et la spécificité de son
approche alimentaire très détaillée.
Recommandations
concernant les études épidémiologiques visant à améliorer la
connaissance sur les impacts sanitaires des incinérateurs. Saint-Maurice : Institut de veille sanitaire ; 2003. 52 p.
L'Institut de veille
sanitaire a réuni un groupe d'experts afin de proposer des axes de de
recherches épidémiologiques sur les impacts sanitaires des populations
résidant à proximité des d'usines d'incinération d'ordures ménagères
(UIOM). Le travail a porté sur les effets sanitaires pour lesquels la
réponse à la demande sociale et des pouvoirs publics est la plus
difficile du fait des incertitudes scientifiques persistantes.
Les effets sanitaires ainsi identifiés sont :
- les cancers : de l'adulte et de l'enfant, tumeurs solides (en particulier : foie, tissus mous, peau) et hémopathies malignes (en particulier : leucémies, lymphomes non hodgkiniens) ;
- les effets sur la reproduction (en particulier les malformations congénitales).
Des recommandations spécifiques sont formulées
pour la mise en place d'une étude multicentrique sur les cancers et la
poursuite des travaux sur les malformations congénitales autour des
UIOM.
Des perspectives concernant d'autres
travaux sont également identifiées (études sur les processus de
maturation sexuelle, études en milieu professionnel). Des précisions
sont apportées concernant la réflexion à poursuivre sur la mise en œuvre
d'une surveillance des populations riveraines des UIOM.
Étude d’incidence des cancers à proximité des usines d’incinération d’ordures ménagères. (Rapport d'étude et synthèse). Mars 2008. 139 p.
Cette étude écologique de type géographique, réalisée dans le cadre du Plan cancer 2003-2007, a pour objectif d’analyser la relation entre l’incidence des cancers chez l’adulte et l’exposition aux émissions atmosphériques des usines d’incinération d’ordures ménagères. Elle porte sur les cancers diagnostiqués dans le Haut-Rhin, le Bas-Rhin, l’Isère et le Tarn entre 1990 et 1999. Près de 135 000 cas de cancer ont été collectés sur environ 25 millions de personnes-années. L’exposition des unités statistiques (Iris) au cours des années 1970-80 a été quantifiée par une modélisation de la dispersion atmosphérique et du dépôt surfacique accumulé des dioxines émises par 16 incinérateurs. Les résultats sont exprimés sous forme de risques relatifs qui comparent les risques de survenue d’un cancer dans des zones fortement exposées aux risques observés dans des zones peu exposées.
Cette étude écologique de type géographique, réalisée dans le cadre du Plan cancer 2003-2007, a pour objectif d’analyser la relation entre l’incidence des cancers chez l’adulte et l’exposition aux émissions atmosphériques des usines d’incinération d’ordures ménagères. Elle porte sur les cancers diagnostiqués dans le Haut-Rhin, le Bas-Rhin, l’Isère et le Tarn entre 1990 et 1999. Près de 135 000 cas de cancer ont été collectés sur environ 25 millions de personnes-années. L’exposition des unités statistiques (Iris) au cours des années 1970-80 a été quantifiée par une modélisation de la dispersion atmosphérique et du dépôt surfacique accumulé des dioxines émises par 16 incinérateurs. Les résultats sont exprimés sous forme de risques relatifs qui comparent les risques de survenue d’un cancer dans des zones fortement exposées aux risques observés dans des zones peu exposées.
Une
relation statistique significative est mise en évidence entre
l’exposition aux panaches d’incinérateurs et l’incidence, chez la femme,
des cancers toutes localisations réunies, du cancer du sein et des
lymphomes malins non hodgkiniens. Un lien significatif est également
retrouvé pour les lymphomes malins non hodgkiniens chez les deux sexes
confondus et pour les myélomes multiples chez l’homme uniquement.
Cette
étude ne permet pas d’établir la causalité des relations observées,
mais elle apporte des éléments convaincants au faisceau d’arguments
épidémiologiques qui mettent en évidence un impact des émissions des
incinérateurs sur la santé. Portant sur une situation passée, ses
résultats ne peuvent pas être transposés à la période actuelle. Ils
confirment le bien fondé des mesures réglementaires de réduction des
émissions appliquées à ces installations industrielles depuis la fin des
années 1990
Incidence des
cancers à proximité des usines d’incinération d’ordures ménagères.
Exposition aux incinérateurs pendant les années 1970-1980. Résultats
définitifs. (Plaquette). 2008. 4 p.
Cette étude, en montrant un impact des rejets atmosphériques des incinérateurs d’ordures ménagères sur le risque de certains cancers entre 1990 et 1999, confirme l’utilité des mesures de réduction des émissions de polluants qui ont été imposées à ces installations industrielles depuis la fin des années 90. On peut dès lors s’attendre à une diminution du risque de cancer chez les populations exposées aux niveaux actuels d’émission. Toutefois, en regard de l’incertitude sur les temps de latence d’apparition des cancers, on ne peut exclure que les expositions passées depuis les années 70 puissent encore aujourd’hui favoriser la survenue de cancers.
Cette étude, en montrant un impact des rejets atmosphériques des incinérateurs d’ordures ménagères sur le risque de certains cancers entre 1990 et 1999, confirme l’utilité des mesures de réduction des émissions de polluants qui ont été imposées à ces installations industrielles depuis la fin des années 90. On peut dès lors s’attendre à une diminution du risque de cancer chez les populations exposées aux niveaux actuels d’émission. Toutefois, en regard de l’incertitude sur les temps de latence d’apparition des cancers, on ne peut exclure que les expositions passées depuis les années 70 puissent encore aujourd’hui favoriser la survenue de cancers.
Interprétation, recommandations en termes d'actions de santé publique et de travaux épidémiologiques
Ces travaux épidémiologiques apportent de
nouveaux arguments en faveur de l’influence possible d’une exposition
environnementale à des agents chimiques, de faible intensité et
prolongée, sur la fréquence des cancers en population générale. Les deux
études nationales1 confirment l’utilité pour la santé
publique des mesures de limitation des émissions de polluants qui ont
été prises. En effet, elles montrent rétrospectivement une relation
entre l’exposition aux incinérateurs d’ordures ménagères et l’incidence
de plusieurs cancers – à une époque où les quantités émises étaient
élevées – ainsi qu’un impact réduit des rejets atmosphériques actuels
sur les niveaux biologiques de dioxines chez les riverains des usines.
La
causalité des relations statistiques observées n’est pas établie, aussi
ces résultats ne conduisent pas à recommander des mesures particulières
de prévention secondaire des cancers pour les populations anciennement
exposées aux fumées d’incinérateurs. De plus, cela n’apporterait pas de
gain sanitaire supplémentaire aux mesures qui existent déjà (dépistage
du cancer du sein) et il n’y a pas de concensus sur l'opportunité de
dépister les lymphomes malins. Enfin, les excès de risque de cancer, qui
sont peu élevés, portent sur une fraction restreinte de la population
dont les individus ne sont pas identifiés.
Au
demeurant, l’incertitude sur les temps de latence d’apparition des
cancers ne permet pas d’exclure que les expositions ayant débuté dans
les années 70 puissent encore aujourd’hui favoriser la survenue de
cancers. Il pourrait donc être intéressant de suivre l’évolution du
risque de cancer dans les mêmes populations, de manière à prendre en
compte une durée de latence et un suivi plus longs. Les résultats
concernant l’imprégnation humaine aux dioxines ne conduisent pas à
préconiser de nouvelles mesures génériques de gestion.
Cependant,
l’ingestion d’œufs de poules élevées sur des sols qui demeurent
contaminés par un ancien incinérateur fortement émetteur peut encore
conduire à une exposition forte aux dioxines. C’est en particulier le
cas lorsque les œufs sont destinés à la consommation privée et, de ce
fait, échappent aux contrôles officiels. De telles situations, qui
doivent faire l’objet d’actions de contrôle spécifiques, peuvent amener à
recommander de ne pas consommer ces aliments. Le problème ne se pose
pas pour le lait de vache car l’herbe de repousse n’est plus contaminée
après la mise aux normes ou l’arrêt des installations qui étaient très
polluantes.
Les résultats des études locales conduites autour de l’usine de Gilly-sur-Isère
sont cohérents avec ceux de l'étude nationale sur l'imprégnation par
les dioxines menée autour de huit incinérateurs en France. L'absence
d'excès significatif de cancers dans la zone exposée à cet incinérateur
pouvait sembler contradictoire avec les résultats de l'étude nationale
qui montrait un excès significatif de certains cancers dans les
populations exposées dans les années 1970-80 aux panaches de 16
incinérateurs. En fait, plusieurs interprétations sont possibles :
- il n'y avait pas d'effet perceptible à Gilly-sur-Isère : ceci pourrait être le fait d'une particularité de l'incinérateur (on ne peut pas exclure totalement, en effet, l'existence de différences entre les incinérateurs) ou lié à d'autres facteurs locaux ;
- l'étude nationale disposait d'une grande puissance statistique qui a permis de mettre en évidence des excès d’incidence de cancers avec une significativité que ne pouvait atteindre l'étude locale. C’est parce que les études locales parviennent rarement à atteindre le seuil de significativité statistique, alors que leur mise en œuvre réclame d’importants moyens, qu’une étude d’envergure nationale a été lancée pour estimer – dans les meilleures conditions possibles – l’impact des émissions des incinérateurs sur l’incidence des cancers.
Ces observations épidémiologiques incitent à
promouvoir des travaux de recherche visant à établir la causalité entre
la survenue de cancers et l’exposition environnementale aux substances
émises par les incinérateurs ou par d’autres sources de pollution.
Ainsi, une étude analytique de type cas-témoin, comprenant le recueil
d’informations précises sur l’histoire résidentielle des personnes et le
dosage de biomarqueurs d’exposition, pourrait être envisagée. De même,
afin de mieux comprendre les résultats obtenus, notamment sur les
cancers féminins, il serait intéressant de compléter l’analyse des
données, par exemple en comparant l’âge au moment du diagnostic de
cancer du sein entre les femmes exposées et non exposées. En effet,
certaines hypothèses suggèrent que des expositions environnementales
prénatales et précoces pourraient avoir un rôle dans la survenue d’un
cancer du sein, en particulier avant la ménopause. Il est également
envisageable d’étudier l’influence de l’exposition aux fumées
d’incinérateurs sur l’incidence des tumeurs néoplasiques de l’ovaire et
de l’utérus. Enfin, l’utilité de conduire dans quelques années une
nouvelle étude, chez les populations exposées aux niveaux actuels
d’émission de ces installations industrielles, peut être discutée. Elle
risquerait a priori d’être non concluante du fait des expositions
désormais très faibles occasionnées par l’incinération des ordures
ménagères et donc des bas niveaux de risque de cancer attendus. A cet
égard, il pourrait s’avérer plus pertinent d’orienter les travaux de
santé environnementale vers l’étude de l’impact d’autres sources de
pollution industrielles moins réglementées que ne le sont les
incinérateurs de déchets ménagers.
Le bulletin épidémiologique hebdomadaire consacre un numéro thématique sur "incinération et santé" (BEH n°7-8, 2009) qui résume les études et les recommandations de l'InVS.
1Étude d’imprégnation par les dioxines des populations vivant à proximité d’usines d’incinération d’ordures ménagères. Synthèse des résultats. Institut de veille sanitaire, novembre 2006. 20 p.
Fabre P, Daniau C, Goria S, de Crouy Chanel P, Empereur Bissonnet P. Étude d’incidence des cancers à proximité des usines d’incinération d’ordures ménagères. Institut de veille sanitaire, 2008, 139 p.
Textes réglementaires, textes de référence
Principaux textes concernant les déchets
(Décembre 2007). Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement
durable et de l'Aménagement du territoire. Disponible sur : www.ecologie.gouv.fr/Principaux-textes-legislatifs-et.html
Réglementation
des installations d’incinération de déchets. Ministère de l'Écologie,
de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du
territoire. Disponible sur : www.ecologie.gouv.fr/-Incineration-des-dechets-.html
Mise
en conformité des usines d’incinération d’ordures ménagères. Ministère
de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de
l'Aménagement du territoire. Disponible sur : www.ecologie.gouv.fr/-Mise-en-conformite-des-UIOM-.html
Union européenne. Règlement (CE) No 199/2006
de la commission du 3 février 2006 modifiant le règlement (CE) no
466/2001 portant fixation de teneurs maximales pour certains
contaminants dans les denrées alimentaires, en ce qui concerne les
dioxines et les PCB de typedioxine. Disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2006:032:0034:0038:FR:PDF
Union européenne. Règlement (CE) No 1881/2006
de la commission du 19 décembre 2006 portant fixation de teneurs
maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires.
Disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2006:364:0005:0024:FR:PDF
Liens
Institutions publiques oeuvrant dans le domaine de la santé environnement et des risques industriels
Agence pour le développement et la maîtrise de l'énergie (Ademe) : www.ademe.frAgence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) : http://www.afsset.fr/
Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) : www.ineris.fr
Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire : www.developpement-durable.gouv.fr
Dioxines et alimentation
Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) : http://www.afsset.fr/Résultats des mesures de dioxines et furanes à l’émission des usines d’incinération d’ordures ménagères. Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire. Disponible sur : www.ecologie.gouv.fr/article.php3?id_article=846
Données sanitaires et toxicologiques
Agency for Toxic Substances and Disease Registry (ATSDR) - U.S : www.atsdr.cdc.govHealth Protection Agency (HPA) - U.K. : www.hpa.org.uk
International Agency for Research on cancer (IARC) : www.iarc.fr
Organisation mondiale de la santé : www.who.int/fr
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