jeudi 5 mars 2015

Incinérateurs et santé

Ce dossier thématique, consacré à l’impact sanitaire de l’incinération des déchets ménagers, présente l’ensemble des travaux conduits par l’Institut de veille sanitaire sur ce thème. Il rend compte de leur diversité et de la richesse des connaissances qui ont été produites et mises à la disposition de la communauté scientifique, des décideurs et du public. Ces études et guides ont été réalisés par le département santé environnement et par les Cellules interrégionales d’épidémiologie de l’Institut de veille sanitaire, en collaboration avec de nombreux partenaires publics ou privés.

Points sur les connaissances

Problématique de santé publique

photo usines incinération
Depuis 1975, l’incinération est en France la première filière d’élimination des ordures ménagères avec une part relativement constante d’environ 40 % des déchets ainsi éliminés. Au début du XXIe siècle, bien que le nombre de ses installations soit passé de 300 en 1990 à 128 en 2006, le parc français d’usines d’incinération d’ordures ménagères est le plus grand de l’Union européenne.
Une évaluation de risques liés à la pollution atmosphérique engendrée par les incinérateurs d’ordures ménagères, réalisée en 1999 par la Société française de santé publique, ne prédisait pas un impact sanitaire alarmant au sein des groupes de population exposés. Cependant, il apparaissait justifié de mettre en œuvre des études spécifique autour des usines les plus émettrices, potentiellement responsables de niveaux de risques élevés. Faisant suite à plusieurs travaux épidémiologiques menés à l’étranger, l'équipe de Jean-François Viel a publié en juillet 2000 une étude sur l’incinérateur de Besançon. Les auteurs concluaient à un excès de sarcomes des tissus mous et de lymphomes malins non hodgkiniens, entre 1980 et 1995, chez les riverains de cette usine ayant rejeté dans l’atmosphère des fumées dont la teneur en dioxines allait jusqu’à 16,3 ng I-TEQ/m3. Pour autant, un lien de causalité ne pouvait être établi entre l’observation de cas de cancer en excès et les quantités élevées de polluants émises.
Par la suite, les craintes des populations voisines d’incinérateurs concernant leur santé ont été renforcées par la découverte, autour d’installations anciennes et de petite taille, de contaminations environnementales par les dioxines. Les autorités sanitaires locales ont alors été interpellées par des associations, des particuliers ou des élus qui souhaitaient savoir si « leur » incinérateur était susceptible de générer des effets sanitaires. Le cas de l’incinérateur de Gilly-sur-Isère, situé près d’Albertville en Savoie, a été particulièrement marquant. L’installation industrielle était connue pour être non conforme à la réglementation en vigueur quand, en 2001, des élus et un médecin du village le plus proche ont signalé à l’administration publique un nombre de cancers perçu comme étant anormalement élevé. Les analyses chimiques qui ont été réalisées, révélant des concentrations élevées de dioxines, ont entraîné la fermeture de l’incinérateur puis l’abattage massif du bétail et le retrait des produits alimentaires et du foin contaminés. Dans ce contexte de crise, quatre études sanitaires ont été lancées en 2002, pilotées par la Cellule interrégionale d’épidémiologie de Lyon, antenne régionale de l’Institut de veille sanitaire.
Parallèlement, la réglementation française relative aux rejets des incinérateurs est devenue de plus en plus drastique. L’arrêté ministériel du 20 septembre 2002, transposant la directive européenne du 4 décembre 2000, a en effet fixé de nouvelles règles applicables avant décembre 2005 à toutes les usines existantes, incluant une valeur limite d’émission de dioxines fixée à 0,1 ng I-TEQ/m3. Dès lors, un vaste programme de fermeture ou de mise en conformité des usines d’incinération a été lancé.

La réponse : une démarche nationale

En 2002, la Direction générale de la santé a mandaté l’Institut de veille sanitaire pour identifier et proposer des études visant à améliorer les connaissances sur l’impact des rejets atmosphériques des incinérateurs sur la santé publique. Au regard des questions posées par la population et des connaissances déjà disponibles, il est alors apparu pertinent d’assigner les objectifs suivants aux études épidémiologiques à mener :
  • estimer, chez les populations proches des incinérateurs, la part attribuable à cette source dans l’exposition globale aux dioxines et aux principaux autres polluants émis (métaux lourds et composés volatils notamment) ;
  • apprécier la contribution relative des différentes voies d’exposition à ces polluants ; en effet, l’étude menée à Besançon et d’autres travaux épidémiologiques soulevaient la question du rôle de la voie respiratoire alors que l’alimentation était considérée, pour les dioxines, comme la voie d’exposition quasi exclusive ;
  • caractériser les risques de survenue de cancers, et d’autres effets sanitaires potentiels, entraînés par l’exposition passée aux rejets des incinérateurs,
Pour éclairer ces différents points, l’Institut de veille sanitaire a rendu trois rapports en 2003.
Le premier, rédigé avec l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, a fait une synthèse des connaissances sur l’exposition de la population aux dioxines et a proposé un protocole pour une étude nationale d’imprégnation de la population par les dioxines autour des incinérateurs.
Le second a recensé et analysé les études épidémiologiques menées autour des incinérateurs et a recommandé la conduite d’une étude nationale afin d’évaluer l’impact de l’exposition aux fumées d’incinérateurs sur l’incidence des cancers.
Enfin, un guide méthodologique a été élaboré pour informer les acteurs locaux sur les enjeux de santé publique associés aux incinérateurs et les aider à analyser la situation autour de ces installations.


L'incinération a concerné en France 11,4 millions de tonnes d'ordures ménagères et assimilés en 2000. Le parc d'incinérateurs, qui compte aujourd'hui 123 unités conformes à l’arrêté du 25 janvier 1991, a subi d'importantes modifications ces dernières années. Cette technique de traitement des déchets suscite actuellement de nombreuses craintes de la part du public. La mise en conformité réglementaire et les nombreux travaux de recherche ont permis d'apporter des éléments de réponse aux interrogations légitimes de la population sur les risques sanitaires encourus. Cependant, de nombreux doutes subsistent et il ressort souvent, localement, une forte demande de mise en place d’études sanitaires, notamment épidémiologiques.
Ce document, élaboré à la demande de la Direction générale de la santé et présenté sous la forme d’une "conduite à tenir", a pour vocation première d’informer les services déconcentrés de l’Etat et les Cellules Inter Régionales d’Epidémiologie sur la problématique de santé publique posée par les usines d’incinération d’ordures ménagères, et de les aider à décrire et analyser à l’échelle locale la situation rencontrée autour de ces installations. Le lecteur y trouvera ainsi des arguments scientifiques permettant, à partir de la description de la situation, de justifier la nécessité (ou non) de mettre en place des études spécifiques pour une gestion éclairée de santé publique.
Le document est structuré en trois parties distinctes. La première partie décrit les éléments de la conduite à tenir au niveau local. Le cadre méthodologique repose sur : i) l’analyse de la situation locale ; ii) la définition d’une ou plusieurs questions en termes de santé publique et l’analyse de l’utilité de mettre en place une ou plusieurs investigations sanitaires pour y répondre ; iii) l’analyse de la pertinence d’un type d’étude spécifique permettant de répondre à la question ; et iv) l’analyse de la faisabilité de ce type d’étude. La deuxième partie décrit de façon synthétique les divers types d’études sanitaires et leur possibilité d’utilisation pour une aide à la décision autour des incinérateurs. Ces éléments sont principalement issus de l’analyse des études déjà proposées et réalisées dans des situations locales passées. Enfin, la troisième partie est consacrée à rappeler les éléments de connaissances disponibles sur les incinérateurs, les réglementations auxquelles ils sont soumis, leurs émissions et les effets sanitaires investigués dans la littérature autour des UIOM. Elle comporte un certain nombre d’éléments utiles au lecteur pour la compréhension du problème et la réalisation d’investigations locales.
ERRATUM
Incinérateurs et Santé : Guide pour la conduite à tenir lors d'une demande locale d'investigations sanitaires autour d'un incinérateur d'ordure ménagères.
Page 92 - 3e paragraphe "(la circulaire du 9 octobre 2002 prévoit la réalisation de telles mesures, particulièrement si des élevages sont situés à moins de 4 km pour les nouvelles installations, et dès lors que le flux annuel de PCDD/F émis sur un site dépasse 0,5 g/an pour les installations existantes)" Remplacez par : "(la circulaire du 9 octobre 2002 prévoit la réalisation de telles mesures, particulièrement si des élevages sont situés à moins de 5 km pour les nouvelles installations, et dès lors que le flux annuel de PCDD/F émis sur un site dépasse 0,5 g/an pour les installations existantes)"
 
 
Couverture du rapport étude d’imprégnation par les dioxines des populations vivant à proximité d’usines d’incinération d’ordures ménagères
La France possède le plus grand parc d’usine d’incinération d’ordures ménagères (UIOM) de l’Union européenne avec environ 130 installations recensées. Un effort considérable d’amélioration de ce parc a été fait ces dernières années, mais de nombreux incinérateurs ont été dans le passé responsables d’émissions importantes de polluants. Les inquiétudes légitimes des populations riveraines ont conduit, à plusieurs reprises, les pouvoirs publics à demander la réalisation d’études locales pour connaître l’exposition et les risques encourus. La persistance des composés chimiques émis dans l’environnement (dioxines et certains métaux) et la présence de ces substances à des teneurs élevées dans des aliments (lait, oeufs, viande) produits à proximité d’incinérateurs justifiaient ces craintes. Il est rapidement apparu qu’il serait ineffi cace de multiplier les études autour de chaque incinérateur. En 2002, l’Institut de veille sanitaire (InVS) et l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) ont engagé une démarche nationale pour apporter des réponses aux attentes des décideurs et de la population.
Conformément aux recommandations émises à l’issue de cette démarche, une étude nationale a été lancée en 2005 par l’InVS en collaboration avec l’Afssa. Son objectif principal était de savoir si les populations résidant autour d’UIOM étaient plus imprégnées par les polluants émis par les incinérateurs (dioxines, PCB, plomb, cadmium) que celles qui en étaient éloignées et de préciser les déterminants (alimentaires ou autres) de cette imprégnation. Cette étude apporte aussi les premières données françaises d’imprégnation sérique par les dioxines et PCB.
La France possède le parc d'usines d’incinération d’ordures ménagères (UIOM) le plus important d’Europe. Leur nombre a été divisé environ par trois depuis 1998 et cette réduction s’est accompagnée de la mise en conformité d'installations existantes, de la fermeture d'un grand nombre d'installations anciennes et de la construction d'installations neuves. Les rejets des UIOM en France ont ainsi beaucoup diminué depuis 1998.
Toutefois, des questions ont été posées par les populations riveraines de ces installations à propos de leur impact sur la santé. Ces interrogations sont liées, d’une part, à la persistance de certains composés chimiques émis dans l'environnement, notamment les dioxines, certains métaux et, d’autre part, à la présence ponctuellement constatée de ces substances à des teneurs élevées dans des aliments tels que le lait de vache produit à proximité d’incinérateurs ayant émis beaucoup de dioxines.
En raison des niveaux d’émissions élevés pour certains sites, la question s’est posée de savoir si les riverains des UIOM étaient réellement plus exposés aux dioxines. Des études réalisées à l’étranger ont estimé, à l’aide d’indicateurs biologiques, l’imprégnation par les dioxines de ces riverains, imprégnation qui traduit l’exposition au niveau de l’organisme. Les résultats ont conclu que résider autour d'UIOM avait peu d’influence sur les concentrations sériques1 de dioxines des riverains (Evans 2000, Schumacher 1999, Deml 1996, Gonzalez 1998).
Néanmoins, ces travaux ne prenaient en compte ni la zone de retombée du panache de l’incinérateur, ni la voie principale d’exposition connue pour les dioxines, à savoir la consommation alimentaire. Deux études ont pris en compte la consommation alimentaire locale de riverains d’UIOM ayant de fortes émissions de dioxines : a) une étude taïwanaise (Chen 2006) qui a montré une imprégnation de dioxines un peu supérieure chez les riverains d’incinérateurs consommant des produits locaux et une imprégnation moindre chez les végétariens et b) une étude belge (Fierens 2003) qui a montré que la consommation de graisses animales provenant de produits d’origine locale (viande, oeufs ou produits laitiers obtenus sous les retombées du panache de l’incinérateur), était associée à une augmentation des concentrations sériques de dioxines des riverains.
En 2004, l’Institut de veille sanitaire (InVS) a lancé en collaboration avec l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) une étude nationale, financée dans le cadre du Plan Cancer pour répondre à la question suivante : les populations vivant autour des usines d’incinération d’ordures ménagères sont-elles plus imprégnées par les dioxines que celles qui en sont éloignées ? Et si oui, pourquoi ?
Les objectifs de l'étude sont de pouvoir :
  • estimer l’imprégnation par les dioxines des populations vivant à proximité d’une usine d’incinération d’ordures ménagères (UIOM), et la comparer à une population non exposée qui ne résidait pas à proximité d’un incinérateur ;
  • identifier les facteurs influençant cette imprégnation au sein de populations résidant à proximité d’une UIOM.
Une particularité importante de cette étude est de chercher à mieux connaître le rôle des comportements alimentaires sur l’imprégnation par les dioxines et notamment l’influence de la consommation de produits locaux. Il s’agit d’une étude d’imprégnation, laquelle n’a pas pour objectif d’étudier l’impact des dioxines sur la santé, ce qui nécessiterait d’autres méthodes.
À ce jour, les seules données françaises disponibles d’imprégnation par les dioxines de la population générale sont celles de teneurs dans le lait maternel mesurées en 1998 (InVS 2000). En complément de l’objectif cité, cette étude va fournir les premières données sur les niveaux de dioxines mesurées dans le sérum dans la population générale française, à travers les niveaux observés dans la population non exposée à l’incinérateur. Cette étude se distingue de toutes les autres études internationales sur le sujet, par son ampleur et la spécificité de son approche alimentaire très détaillée.
couverture du rapport recommandations concernant les études épidémiologiques visant à améliorer la connaissance sur les impacts sanitaires des incinérateurs
L'Institut de veille sanitaire a réuni un groupe d'experts afin de proposer des axes de de recherches épidémiologiques sur les impacts sanitaires des populations résidant à proximité des d'usines d'incinération d'ordures ménagères (UIOM). Le travail a porté sur les effets sanitaires pour lesquels la réponse à la demande sociale et des pouvoirs publics est la plus difficile du fait des incertitudes scientifiques persistantes.
Les effets sanitaires ainsi identifiés sont :
  • les cancers : de l'adulte et de l'enfant, tumeurs solides (en particulier : foie, tissus mous, peau) et hémopathies malignes (en particulier : leucémies, lymphomes non hodgkiniens) ;
  • les effets sur la reproduction (en particulier les malformations congénitales).
Des recommandations spécifiques sont formulées pour la mise en place d'une étude multicentrique sur les cancers et la poursuite des travaux sur les malformations congénitales autour des UIOM.
Des perspectives concernant d'autres travaux sont également identifiées (études sur les processus de maturation sexuelle, études en milieu professionnel). Des précisions sont apportées concernant la réflexion à poursuivre sur la mise en œuvre d'une surveillance des populations riveraines des UIOM.


Étude d’incidence des cancers à proximité des usines d’incinération d’ordures ménagères. (Rapport d'étude et synthèse). Mars 2008. 139 p.
Cette étude écologique de type géographique, réalisée dans le cadre du Plan cancer 2003-2007, a pour objectif d’analyser la relation entre l’incidence des cancers chez l’adulte et l’exposition aux émissions atmosphériques des usines d’incinération d’ordures ménagères. Elle porte sur les cancers diagnostiqués dans le Haut-Rhin, le Bas-Rhin, l’Isère et le Tarn entre 1990 et 1999. Près de 135 000 cas de cancer ont été collectés sur environ 25 millions de personnes-années. L’exposition des unités statistiques (Iris) au cours des années 1970-80 a été quantifiée par une modélisation de la dispersion atmosphérique et du dépôt surfacique accumulé des dioxines émises par 16 incinérateurs. Les résultats sont exprimés sous forme de risques relatifs qui comparent les risques de survenue d’un cancer dans des zones fortement exposées aux risques observés dans des zones peu exposées. 
Une relation statistique significative est mise en évidence entre l’exposition aux panaches d’incinérateurs et l’incidence, chez la femme, des cancers toutes localisations réunies, du cancer du sein et des lymphomes malins non hodgkiniens. Un lien significatif est également retrouvé pour les lymphomes malins non hodgkiniens chez les deux sexes confondus et pour les myélomes multiples chez l’homme uniquement.
Cette étude ne permet pas d’établir la causalité des relations observées, mais elle apporte des éléments convaincants au faisceau d’arguments épidémiologiques qui mettent en évidence un impact des émissions des incinérateurs sur la santé. Portant sur une situation passée, ses résultats ne peuvent pas être transposés à la période actuelle. Ils confirment le bien fondé des mesures réglementaires de réduction des émissions appliquées à ces installations industrielles depuis la fin des années 1990
Incidence des cancers à proximité des usines d’incinération d’ordures ménagères. Exposition aux incinérateurs pendant les années 1970-1980. Résultats définitifs. (Plaquette). 2008. 4 p.
Cette étude, en montrant un impact des rejets atmosphériques des incinérateurs d’ordures ménagères sur le risque de certains cancers entre 1990 et 1999, confirme l’utilité des mesures de réduction des émissions de polluants qui ont été imposées à ces installations industrielles depuis la fin des années 90. On peut dès lors s’attendre à une diminution du risque de cancer chez les populations exposées aux niveaux actuels d’émission. Toutefois, en regard de l’incertitude sur les temps de latence d’apparition des cancers, on ne peut exclure que les expositions passées depuis les années 70 puissent encore aujourd’hui favoriser la survenue de cancers. 


Interprétation, recommandations en termes d'actions de santé publique et de travaux épidémiologiques

Ces travaux épidémiologiques apportent de nouveaux arguments en faveur de l’influence possible d’une exposition environnementale à des agents chimiques, de faible intensité et prolongée, sur la fréquence des cancers en population générale. Les deux études nationales1 confirment l’utilité pour la santé publique des mesures de limitation des émissions de polluants qui ont été prises. En effet, elles montrent rétrospectivement une relation entre l’exposition aux incinérateurs d’ordures ménagères et l’incidence de plusieurs cancers – à une époque où les quantités émises étaient élevées – ainsi qu’un impact réduit des rejets atmosphériques actuels sur les niveaux biologiques de dioxines chez les riverains des usines.
La causalité des relations statistiques observées n’est pas établie, aussi ces résultats ne conduisent pas à recommander des mesures particulières de prévention secondaire des cancers pour les populations anciennement exposées aux fumées d’incinérateurs. De plus, cela n’apporterait pas de gain sanitaire supplémentaire aux mesures qui existent déjà (dépistage du cancer du sein) et il n’y a pas de concensus sur l'opportunité de dépister les lymphomes malins. Enfin, les excès de risque de cancer, qui sont peu élevés, portent sur une fraction restreinte de la population dont les individus ne sont pas identifiés.
Au demeurant, l’incertitude sur les temps de latence d’apparition des cancers ne permet pas d’exclure que les expositions ayant débuté dans les années 70 puissent encore aujourd’hui favoriser la survenue de cancers. Il pourrait donc être intéressant de suivre l’évolution du risque de cancer dans les mêmes populations, de manière à prendre en compte une durée de latence et un suivi plus longs. Les résultats concernant l’imprégnation humaine aux dioxines ne conduisent pas à préconiser de nouvelles mesures génériques de gestion.
Cependant, l’ingestion d’œufs de poules élevées sur des sols qui demeurent contaminés par un ancien incinérateur fortement émetteur peut encore conduire à une exposition forte aux dioxines. C’est en particulier le cas lorsque les œufs sont destinés à la consommation privée et, de ce fait, échappent aux contrôles officiels. De telles situations, qui doivent faire l’objet d’actions de contrôle spécifiques, peuvent amener à recommander de ne pas consommer ces aliments. Le problème ne se pose pas pour le lait de vache car l’herbe de repousse n’est plus contaminée après la mise aux normes ou l’arrêt des installations qui étaient très polluantes.
Les résultats des études locales conduites autour de l’usine de Gilly-sur-Isère sont cohérents avec ceux de l'étude nationale sur l'imprégnation par les dioxines menée autour de huit incinérateurs en France. L'absence d'excès significatif de cancers dans la zone exposée à cet incinérateur pouvait sembler contradictoire avec les résultats de l'étude nationale qui montrait un excès significatif de certains cancers dans les populations exposées dans les années 1970-80 aux panaches de 16 incinérateurs. En fait, plusieurs interprétations sont possibles :
  • il n'y avait pas d'effet perceptible à Gilly-sur-Isère : ceci pourrait être le fait d'une particularité de l'incinérateur (on ne peut pas exclure totalement, en effet, l'existence de différences entre les incinérateurs) ou lié à d'autres facteurs locaux ;
  • l'étude nationale disposait d'une grande puissance statistique qui a permis de mettre en évidence des excès d’incidence de cancers avec une significativité que ne pouvait atteindre l'étude locale. C’est parce que les études locales parviennent rarement à atteindre le seuil de significativité statistique, alors que leur mise en œuvre réclame d’importants moyens, qu’une étude d’envergure nationale a été lancée pour estimer – dans les meilleures conditions possibles – l’impact des émissions des incinérateurs sur l’incidence des cancers.
Ces observations épidémiologiques incitent à promouvoir des travaux de recherche visant à établir la causalité entre la survenue de cancers et l’exposition environnementale aux substances émises par les incinérateurs ou par d’autres sources de pollution. Ainsi, une étude analytique de type cas-témoin, comprenant le recueil d’informations précises sur l’histoire résidentielle des personnes et le dosage de biomarqueurs d’exposition, pourrait être envisagée. De même, afin de mieux comprendre les résultats obtenus, notamment sur les cancers féminins, il serait intéressant de compléter l’analyse des données, par exemple en comparant l’âge au moment du diagnostic de cancer du sein entre les femmes exposées et non exposées. En effet, certaines hypothèses suggèrent que des expositions environnementales prénatales et précoces pourraient avoir un rôle dans la survenue d’un cancer du sein, en particulier avant la ménopause. Il est également envisageable d’étudier l’influence de l’exposition aux fumées d’incinérateurs sur l’incidence des tumeurs néoplasiques de l’ovaire et de l’utérus. Enfin, l’utilité de conduire dans quelques années une nouvelle étude, chez les populations exposées aux niveaux actuels d’émission de ces installations industrielles, peut être discutée. Elle risquerait a priori d’être non concluante du fait des expositions désormais très faibles occasionnées par l’incinération des ordures ménagères et donc des bas niveaux de risque de cancer attendus. A cet égard, il pourrait s’avérer plus pertinent d’orienter les travaux de santé environnementale vers l’étude de l’impact d’autres sources de pollution industrielles moins réglementées que ne le sont les incinérateurs de déchets ménagers.
Le bulletin épidémiologique hebdomadaire consacre un numéro thématique sur "incinération et santé" (BEH n°7-8, 2009) qui résume les études et les recommandations de l'InVS.
1Étude d’imprégnation par les dioxines des populations vivant à proximité d’usines d’incinération d’ordures ménagères. Synthèse des résultats. Institut de veille sanitaire, novembre 2006. 20 p.
Fabre P, Daniau C, Goria S, de Crouy Chanel P, Empereur Bissonnet P. Étude d’incidence des cancers à proximité des usines d’incinération d’ordures ménagères. Institut de veille sanitaire, 2008, 139 p.

Textes réglementaires, textes de référence

Principaux textes concernant les déchets (Décembre 2007). Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire. Disponible sur : www.ecologie.gouv.fr/Principaux-textes-legislatifs-et.html
Réglementation des installations d’incinération de déchets. Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire. Disponible sur : www.ecologie.gouv.fr/-Incineration-des-dechets-.html
Mise en conformité des usines d’incinération d’ordures ménagères. Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire. Disponible sur : www.ecologie.gouv.fr/-Mise-en-conformite-des-UIOM-.html
Union européenne. Règlement (CE) No 199/2006 de la commission du 3 février 2006 modifiant le règlement (CE) no 466/2001 portant fixation de teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires, en ce qui concerne les dioxines et les PCB de typedioxine. Disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2006:032:0034:0038:FR:PDF
Union européenne. Règlement (CE) N1881/2006 de la commission du 19 décembre 2006 portant fixation de teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires. Disponible sur : http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2006:364:0005:0024:FR:PDF
 

Liens

Institutions publiques oeuvrant dans le domaine de la santé environnement et des risques industriels

Agence pour le développement et la maîtrise de l'énergie (Ademe) : www.ademe.fr
Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) : http://www.afsset.fr/
Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) : www.ineris.fr
Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire : www.developpement-durable.gouv.fr

Dioxines et alimentation

Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) : http://www.afsset.fr/
Résultats des mesures de dioxines et furanes à l’émission des usines d’incinération d’ordures ménagères. Ministère de l'Écologie, de l'Énergie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire. Disponible sur : www.ecologie.gouv.fr/article.php3?id_article=846

Données sanitaires et toxicologiques

Agency for Toxic Substances and Disease Registry (ATSDR) - U.S : www.atsdr.cdc.gov
Health Protection Agency (HPA) - U.K. : www.hpa.org.uk
International Agency for Research on cancer (IARC) : www.iarc.fr
Organisation mondiale de la santé : www.who.int/fr
 
 

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