mercredi 4 mars 2015

La mortalité due au tabac est largement sous-estimée

La récente identification d'un lien entre la cigarette et 15 maladies mortelles pourrait entraîner une réévaluation des chiffres officiels.
Ce mois de février a apporté une bonne nouvelle et une mauvaise. Pour commencer, la bonne: la consommation de tabac recule en France. Certes, de seulement 0,9 % sur l'année écoulée, ce qui est peu et n'évite pas à la France de rester l'un des gros consommateurs occidentaux (28 % de fumeurs quotidiens contre 20 % au Royaume-Uni). La mauvaise nouvelle, c'est que les chiffres sur la surmortalité des fumeurs seraient sous-estimés de 17 %. Une étude publiée dans le New England Journal of Medicine a permis d'identifier une quinzaine de nouvelles causes de décès prématurés liées au tabagisme, en plus des 21 pathologies déjà connues. Ainsi, les fumeurs voient leurs risques de mourir d'insuffisance rénale multipliés par deux, et d'ischémie intestinale (artères du tube digestif bouchées) par six. La probabilité qu'une fumeuse meure d'un cancer du sein est augmentée de 30 %, et qu'un fumeur succombe à un cancer de la prostate, de 43 %.
L'étude a été conduite sur une population de près d'un million d'individus. «L'ampleur [de la cohorte] nous a permis d'analyser des causes de décès trop rares pour ressortir dans de plus petits échantillons», expliquent les auteurs conduits par le Dr Brian Carter, de la Société américaine sur le cancer.
Les pathologies nouvellement associées au tabagisme ont en commun des mécanismes inflammatoires, vasculaires et/ou thrombotiques, pour lesquels le tabac a un effet aggravant connu. L'ischémie intestinale, par exemple, a les mêmes causes que certains accidents cardio-vasculaires, à savoir la formation de plaques d'athérome dans les artères.

«Un fumeur sur deux mourra du tabagisme»

Si le cancer du poumon est la pathologie dont le lien avec le tabac est le plus évident (90 % des malades sont fumeurs ou l'ont été), il en existe de nombreuses autres dont la responsabilité est établie depuis longtemps: les cancers ORL, de l'œsophage, de la vessie, du pancréas, la broncho-pneumopathie chronique obstructive, le diabète, les AVC…
«Les fumeurs meurent, en moyenne, dix ans plus tôt que les non-fumeurs», rappelle le Pr Daniel Thomas, porte-parole de la Société française de tabacologie. «Mais cette étude confirme aussi l'intérêt d'arrêter la cigarette à tout âge. On en retire toujours des bénéfices et un fumeur ayant arrêté à 30 ans récupérera quasiment toute son espérance de vie.»
Avec ces nouvelles données, le nombre de victimes du tabac aux États-Unis, estimé à 437.000 par an, devrait être rehaussé d'au moins 60.000. Et en France? «Nous venons de réactualiser les données sur la base de l'année 2010: nous estimons désormais à 78.000 le nombre de morts attribuables au tabac en France», explique Catherine Hill, épidémiologiste à l'Institut Gustave-Roussy. «Mais si les résultats de cette étude se confirment, il faudrait gonfler ce chiffre d'environ 15 %». Et la spécialiste de rappeler: «À ce stade, ce n'est pas tant la différence entre 78.000 et 90.000 qui doit retenir l'attention, mais le fait qu'un fumeur sur deux mourra du tabagisme.»

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