jeudi 5 mars 2015

Eau et santé

Ce dossier thématique présente les activités de l’Institut de veille sanitaire dans le domaine de la surveillance des risques sanitaires associés à l’eau destinée à la consommation humaine. Il contient une introduction générale sur le thème eau et santé, des pages thématiques qui décrivent les travaux en cours, les rapports et documents produits, ainsi qu’un lexique regroupant les définitions techniques utiles à la lecture des pages de ce dossier. Il propose également des liens vers les sites de nos principaux partenaires et d’autres sites Internet qui approfondissent et complètent les sujets abordés.







Histoire, état des lieux, surveillance épidémiologique
  • L'hygiénisme et la première loi d'hygiène publique
  • Les différentes pollutions des eaux distribuées
  • De l'eau brute à l'eau du robinet
  • Les maladies liées à l'eau
  • La surveillance du risque hydrique et l'évaluation des risques
  • Les acteurs de la surveillance

    L’hygiénisme et la première loi d’hygiène publique

    « Nous buvons 90 % de nos maladies » disait Pasteur.
    Jusqu’à la première guerre mondiale, des épidémies de choléra et de typhoïde sévissaient partout en Europe, faisant chaque année des milliers de victimes.
    Dès 1854, le docteur Snow démontrait le rôle de l’eau dans l’épidémie de choléra de Londres. Promoteur de l’épidémiologie de terrain, il établit une carte de la résidence des cas de choléra et remarqua qu’ils se concentraient autour d’un point d’eau public de Broad Street. Suspectant le rôle de l’eau délivrée par cette pompe dans la diffusion de l’épidémie et confronté à l’incrédulité des autorités auprès desquelles il formulait cette hypothèse, il scia le bras de la pompe de Broad Street afin d’en empêcher l’usage. L’épidémie déclina rapidement.
    Les recherches ultérieures confirmèrent le rôle de l’eau dans la dissémination du vibrion cholérique et du bacille de la typhoïde.
    Snow et Pasteur sont maintenant considérés comme des précurseurs de l’école hygiéniste, qui rassemblait des experts de différents horizons (hommes politiques, ingénieurs, médecins, etc.).
    Dès la fin du 19e siècle, des réseaux d’eau potable furent ainsi construits dans les grandes villes comme Paris (voir : histoire de l'eau de Paris) et Lyon permettant d’amener l’eau au domicile des habitants, tandis que la construction d’égouts répondait au besoin d’évacuer les eaux usées. L’usage généralisé de l’eau courante, notamment pour le bain et la toilette corporelle, date de cette époque. En 10 ans, la consommation d’eau par jour et par habitant, est passée de 10 L à 100 L.
    Aujourd’hui, le contrôle des épidémies et l’hygiène publique s’inspirent encore largement de la première loi d’hygiène publique de 1903.

     

    Les différentes pollutions des eaux distribuées

    La pollution de l’eau distribuée peut être d’origine naturelle ou provenir d’activités humaines. Dans les deux cas, elle est microbiologique (bactérienne, virale ou parasitaire) ou chimique. De nombreuses sources de pollution peuvent expliquer l’arrivée d’une contamination au robinet du consommateur. La diversité des ressources en eau, les processus de traitement variés et le réseau de distribution en sont quelques exemples.

    Les pollutions microbiologiques

    Les micro-organismes susceptibles de polluer les sources d’eaux proviennent en majorité des excréments humains ou animaux qui peuvent contenir des agents pathogènes pour l’homme. C’est le cas de Cryptosporidium (1), qui parasite les intestins de l’homme, du veau et de nombreux mammifères. Les parasites excrétés se retrouvent alors dans les sources d’eau et peuvent, en l’absence de filtration efficace, se retrouver dans le réseau d’eau de distribution. Contrairement aux bactéries, les parasites résistent à certains types de désinfectants utilisés dans le traitement de l’eau potable, notamment le chlore.
    D’autres agents pathogènes d’origine entérique peuvent être transmis par l’eau : les virus de l’hépatite A ou E, ou encore Helicobacter pylori responsable de l’ulcère et du cancer de l’estomac.
    Enfin, certaines bactéries de l’environnement peuvent coloniser les réseaux d’eau et causer des maladies, notamment chez des sujets fragilisés. Dans ces cas, l’infection n’est pas liée à l’ingestion mais se fait par contact au niveau des muqueuses ou des plaies (Pseudomonas aeruginosa) ou par inhalation (Legionella pneumophilla).

    Les pollutions chimiques

    Les polluants chimiques susceptibles d’avoir un effet néfaste sur la santé du consommateur d’eau peuvent provenir d’activités humaines (industrie, agriculture), être présents naturellement dans les sous-sols (cas de l’arsenic, du sélénium et de l’antimoine…), être produits lors du traitement d’eau potable ou de son transport (cas des sous-produits de désinfection, du plomb…).
    L’arsenic peut avoir différentes origines. La majorité des concentrations excessives retrouvées au robinet du consommateur sont attribuables à la géologie, mais certaines industries ou activités agricoles peuvent contribuer à la pollution environnementale.
    A partir des années cinquante, le développement des industries et l’intensification de l’agriculture s’accompagnèrent d’une utilisation massive de produits chimiques, causant une pollution croissante de l’environnement. La pollution industrielle (métaux lourds, solvants, produits dérivés du pétrole…) a été considérablement réduite par l’action des Agences de l’eau, créées en 1964, qui prélèvent des taxes sur la pollution dont le produit aide à financer la construction des stations d’épuration (Step) mais aussi les réseaux d’assainissement pour assurer la collecte et le transport vers les Step et les actions de lutte contre la pollution. Il subsiste cependant dans de nombreux sols et sous-sols les résidus des pollutions industrielles anciennes. En revanche, la pollution des eaux et des sols par les nitrates et les pesticides reste toujours actuelle.
    La présence de résidus de médicaments dans les eaux de surface est de plus en plus évoquée. Les résidus de médicaments proviennent essentiellement des rejets des eaux résiduelles urbaines, des établissements de soins et des élevages intensifs.
    Par ailleurs, des travaux montrent des perturbations endocriniennes (hormonales) sur la faune aquatique qui se traduisent par exemple par un déséquilibre dans la représentation des sexes.


    De l'eau brute à l'eau du robinet

    Les risques bactériens et chimiques associés aux pollutions des sources d’eau sont aujourd’hui considérablement réduits en France par la mise en place d’un ensemble de barrières entre la source d’eau et le robinet du consommateur : périmètres de protection autour des points de captages d’eau destinés à la production d’eau potable, filières de traitements adaptées, procédés de désinfection.

    Les différents types de ressources

    image ruissellements
    Ruissellements
    L’eau du robinet provient de nappes souterraines ou de ressources superficielles (rivières, retenues…). Les villes recherchent généralement des ressources importantes pour assurer leur alimentation en eau. Elles prélèvent souvent dans des rivières, plus productives que les nappes, ou n’hésitent pas à exploiter des ressources souterraines éloignées mais importantes. Elles disposent de moyens de surveillance de la qualité de l’eau et de traitements adaptables à d’éventuelles dégradations de la qualité. Tel n’est pas toujours le cas des petites communes qui exploitent majoritairement des eaux souterraines, généralement de meilleures qualité que les eaux de surface, mais ne peuvent assumer le coût des traitements sophistiqués en cas de pollution de la ressource. Ainsi, les ressources souterraines dans les massifs volcaniques peuvent être polluées par l’arsenic. Les eaux montagnardes souvent mal filtrées par un sol peu profond et un sous-sol fissuré, peu ou pas traitées et parfois distribuées par des réseaux vétustes, présentent un risque microbien élevé comparativement aux eaux distribuées dans les villes. De plus, ce risque peut être fortement accru en cas de fortes précipitations.
    Les épisodes de ruissellement provoquent une dégradation de la qualité des eaux de surface et des eaux souterraines mal protégées.
    Enfin, les puits privés présentent un risque élevé de pollution : zones volcaniques soumises à la présence d’arsenic, nappes phréatiques peu profondes très vulnérables aux pollutions microbiologiques ou chimique. Le suivi de la leur qualité incombe au propriétaire et ni leur qualité, ni leurs usages (alimentaire, arrosage) ne sont bien connus.

    Le traitement et la distribution

    En dehors des ressources profondes bien protégées, la qualité de l’eau brute nécessite d’être corrigée avant d’être livrée à l’alimentation humaine afin de respecter les dispositions du code de la santé publique. On distingue schématiquement deux types de traitement : la clarification, par décantation ou par filtration, et la désinfection, le plus souvent par l’ozone ou le chlore.
    Les pannes ou les dysfonctionnements du traitement entraînent un risque d’épidémie si l’eau brute est contaminée (voir Surveillance des épidémies transmises par l'eau distribuée). Le développement des sondes de mesure (turbidité des eaux brute et traitée, chlore dans l’eau traitée) et des téléalarmes est un important facteur de sécurité.
    Les conditions de distribution influent aussi sur la qualité de l’eau distribuée. L’accident le plus redouté est le « retour d’eau usée » dans le réseau, qui résulte de la conjonction d’un branchement non protégé alimentant une station d’épuration et d’une baisse de pression dans le réseau d’eau potable.
    img_usine_eau_potable
    Cliché pris dans une usine d’eau potable
    Eau traitée à gauche, eau brute à droite.
    La différence d’aspect (couleur, turbidité) entre l’eau brute et l’eau traitée est visible.
    Une eau trouble est microbiologiquement suspecte, et, de plus, difficile à désinfecter.
    La clarification d’une eau trouble est un préalable indispensable à la désinfection.

    La consommation d’eau du robinet des français

    En 2007, la consommation domestique des français est de l'ordre de 137 litres d'eau par jour et par habitant. L’eau du robinet pour la boisson représente moins de 0,3 % du total consommé (en moyenne 0,4L par jour). D’après le baromètre Sofres réalisé pour le Centre d'information sur l'eau (C.I.Eau), près de 2 français sur 3 (67 %) déclare consommer de l'eau du robinet au moins une fois par semaine.

    Figure 1

    Déclaration de consommation d'eau au moins une fois par semaine

    Déclaration de consommation d'eau au moins une fois par semaine

    Les maladies liées à l’eau

    La lutte contre les maladies liées à l’eau d’alimentation reste un enjeu majeur dans les pays en voie de développement, où les diarrhées sont la 2e cause de mortalité infantile. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) affirme régulièrement que la qualité microbiologique de l’eau reste la première préoccupation de santé publique à l’échelle mondiale. La contamination de l’eau de boisson joue un rôle très important dans ces pays du fait de l’absence d’assainissement et des difficultés d’approvisionnement en eau. Ces difficultés empêchent une bonne hygiène alimentaire ou personnelle, ce qui augmente le risque d’infection. La typhoïde reste répandue et des épidémies de choléra surviennent et se propagent à l’échelle des continents (1).
    En France, comme dans les pays développés, l’eau du robinet bénéficie d’un contrôle de qualité permettant de surveiller sa conformité alimentaire. Certaines petites installations rurales et surtout montagnardes présentent des pollutions microbiennes, souvent liées à la présence d’animaux sur le bassin versant, beaucoup plus fréquentes que les réseaux des grandes villes. Quelques populations sensibles font l’objet de préconisations restrictives. Il est déconseillé aux sujets immunodéprimés sévères, comme les porteurs du VIH, de consommer l’eau du robinet afin d’éviter tout risque infectieux. L’eau dont la teneur en nitrates est supérieure à 25 mg/L est déconseillée aux nourrissons et aux femmes enceintes.

    Les pathologies infectieuses

    affiche déposée dans les parcs nationaux
    Affiche déposée dans les parcs nationaux américains
    Les dangers (2) liés à la contamination microbienne de l’eau ne se limitent pas aux gastro-entérites aiguës. Les gastro-entérites d’origine bactérienne peuvent entraîner des complications. La dyspepsie qui se manifeste par des douleurs abdominales chroniques due à la perte de l’élasticité de la paroi intestinale peut être consécutive à une gastro-entérite. C’est aussi le cas de complications graves telles que l’arthrite réactive, le syndrome de Guillain-Barré et le syndrome hémolytique urémique (3). Enfin, d’autres agents pathogènes d’origine entérique transmis par l’eau ne provoquent pas de gastro-entérites : virus de l’hépatites A ou E, Helicobacter pylori, responsable de l’ulcère et du cancer de l’estomac (4).
    Certaines bactéries pathogènes transmises par l’eau ne sont pas d’origine entérique. Ce sont des bactéries qui vivent dans l’environnement et peuvent engendrer des infections, le plus souvent chez des personnes immunologiquement fragiles. La plus connue est la légionelle.
    Légende : dans les parcs nationaux des Etats-Unis, les autorités sanitaires mettent en garde les randonneurs contre les risques de maladie liées à la consommation des eaux de sources naturelles non traitées.

    Les pathologies liées à la pollution chimique

    Les pathologies associées à la pollution chimique de l’eau dépendent de nombreux facteurs : type de polluant, dose d’exposition, durée d’exposition… Dans les pays développés, comme la France, qui bénéficient d’une surveillance régulière de la qualité de l’eau de distribution, la maîtrise du risque toxique est conditionnée par le respect des limites de qualité pour les composés toxiques. Néanmoins, le respect des limites de potabilité pour certains polluants, comme l’arsenic, qui nécessitent des traitements coûteux, est parfois difficile à atteindre pour des petites communes dans les délais exigés par la réglementation. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a été chargée par la Direction générale de la santé d’évaluer les risques sanitaires liés à des dépassements sur les limites et références de qualité de l’eau destinée à la consommation humaine pour chacun des paramètres inscrits au code de la santé publique.
    Hormis les cas d’intoxications ponctuels, le plus souvent liés à une détérioration de la qualité de l’eau à l’intérieur des bâtiments (relargage de plomb ou de cuivre), la plupart des pathologies associées aux polluants chimiques de l’eau de distribution observables aujourd’hui sont essentiellement des cancers dus à des expositions chroniques (plus de 10 ans et jusqu’à 40 ans). Différentes localisations cancéreuses ont été associées à l’arsenic hydrique (cancers de la peau, la vessie, le rein, le poumon) et aux sous-produits de chloration (vessie, colorectal). La difficulté à reconstituer des expositions anciennes et à prendre en compte les nombreux autres facteurs de risques (tabac, alimentation…) pour ces types de cancers expliquent souvent les divergences observées dans les études épidémiologiques.
    Plus récemment, l’effet adverse de certains polluants hydriques sur la reproduction et le développement des fœtus a été évoqué sans pour autant apporter d’éléments probants en faveur de l’existence d’un risque. Pour exemple, les nombreuses études épidémiologiques sur les sous-produits de chloration n’ont à ce jour pas mis en évidence de lien entre ces composés et les effets sur la reproduction et le développement.
    Le risque lié à la présence de résidus de médicaments dans les eaux naturelles, à travers la consommation de l’eau du robinet produite à partir de ces eaux naturelles, est à l’état d’hypothèse. Cette hypothèse s’appuie plus sur le grand nombre de molécules impliquées que sur les concentrations atteintes par une molécule donnée dans l’eau du robinet. Quelle que soit la molécule considérée, la dose absorbée par consommation d’eau durant toute une vie reste en effet inférieure à une dose thérapeutique quotidienne. Actuellement, aucune donnée épidémiologique n’indique d’effet sur la santé humaine.
    Risques sanitaires liés à l'eau potable en France
    Produit / Agent pathogène
    Maladie
    Risque en France
    Rôle de l’eau distribuée dans l’exposition
    Population à risque 
    Risque infectieux
    Microbes entériques
    Gastro-entérites, hépatite A,
    ulcère et cancer de l’estomac
    Localement préoccupant
    Faible à moyen selon le lieu
    Populations alimentées par des très petites unités de distribution (campagne, montagne).
    Personnes immunodéprimées.
    Legionelles et plus particulièrement
    L. pneumophila
    Légionellose
    1 500 cas annuels
    10-30 % (douche)
    Personnes âgées ou immunodéprimées, fumeurs…
    Risque toxique
    Sous-produits de désinfection
    Cancers colorectal, de la vessie
    Localement préoccupant ;
    en régression
    ~100 %
    Populations alimentées par des eaux de surface (retenue, lacs, rivière) ; fœtus
    Arsenic
    Cancers de la vessie, du rein, de la peau, du poumon
    Localement préoccupant ;
    en régression
    ~100 %
    Certaines populations d’Auvergne, de Savoie…
    Plomb
    Saturnisme (retard mental…)
    Faible
    Faible actuellement
    Enfants
    Populations précaires (exposition par les peintures anciennes…), foyers alimentés par des canalisations en plomb et une eau peu minéralisée (Vosges…)
    Nitrates (NO3-)
    Méthémoglobinémie
    Absence de cas rapportés
    Faible à moyen
    Nourrissons, femmes enceintes
    Pesticides
    Cancers, effets reprotoxiques, effets neurotoxiques
    Risque non établi (exposition environnementale)
    Très faible, exposition essentiellement par les aliments
    Agriculteurs, particuliers utilisateurs (plantes…), résidents proche de zones d’épandage
    Résidus de médicaments
    Aucun effet spécifique connu à ce jour
    Risque non établi
    Très faible
     
    Source : ce tableau a été établi par l’InVS sur la base de la littérature internationale et de ses propres travaux.


    La surveillance épidémiologique du risque hydrique et l’évaluation des risques

    Plusieurs approches sont apparues successivement pour le contrôle du risque d’origine hydrique.
    Le contrôle de l’eau distribuée a été instauré en France dès le début du 20e siècle. Il relève du ministère de la Santé. Une soixantaine de composés font actuellement l’objet d’une réglementation. En dépit des progrès analytiques, il se heurte d’une part, à l’impossibilité d’analyser en routine l’ensemble des toxiques et des micro-organismes pathogènes, et d’autre part, à des délais d’analyse qui sont parfois imcompatibles avec la gestion immédiate des contaminations de l’eau.
    La démarche d’évaluation quantitative des risques, apparue dans les années 1980, permet d’évaluer les risques imputables aux agents pour lesquels on connaît la relation dose/effet et les concentrations dans l’eau distribuée. De fait, cette approche ne peut servir que pour un petit nombre d’agents et de situations.
    L’Organisation mondiale de la santé (OMS) indique que la surveillance épidémiologique reste nécessaire pour appréhender les tendances, les évènements anormaux ou évaluer les actions de santé publique (1). La surveillance épidémiologique, qui se définit comme la collecte systématique et continue de données de santé, leur analyse et leur diffusion, n’est toutefois pas toujours possible ni toujours nécessaire. C'est pourquoi, le programme eau de l’Institut de veille sanitaire (InVS) cible son action et son intervention sur les composés dont l’impact sur la santé des consommateurs est avéré ou fortement soupçonné et dont l’apport hydrique constitue la voie d’absorption principale. L’arsenic et les sous-produits de désinfection correspondent à cette définition. La surveillance des expositions au plomb, en majorité dues aux peintures anciennes dans l’habitat (voir dossier consacré au saturnisme), ou des expositions aux pesticides, en majorité dues à l’alimentation, est traitée par d’autres entités au sein de l’InVS.
    Si le problème sanitaire pour le consommateur est à l’état d’hypothèse, comme c’est le cas des résidus de médicaments, il relève de la recherche et non de la surveillance épidémiologique. En revanche, si le problème est bien connu et contrôlé comme c’est le cas des nitrates dans l’eau, la priorité doit porter sur le contrôle de la bonne application des mesures de gestion, via le contrôle de l’eau distribuée. Enfin pour certains problèmes de santé auxquels l’eau de boisson contribue minoritairement (plomb) ou marginalement (pesticides), les systèmes de surveillance épidémiologique qui couvrent l’ensemble des types d’exposition sont les plus adaptés. On parle d’approche « par le produit » qui s’oppose à l’approche « par le vecteur ». Ces points sont développés dans les paragraphes suivants.

    Risque versus danger : l’exemple des nitrates

    Le risque peut se définir comme la probabilité de survenue d'un danger, c'est-à-dire la survenue d'un événement de santé indésirable tel qu'une maladie. L’existence d’un risque suppose la présence d’un danger et la notion d’exposition (niveau, durée, voies d’exposition). En ce sens, la présence des nitrates dans l’eau potable peut présenter un « danger ». Dans l’organisme, une partie des nitrates se transforment en nitrites qui se fixent sur l’hémoglobine qui ne peut plus transporter l’oxygène. A forte dose, l’intoxication provoque une méthémoglobinémie plus connue sous le nom de « maladie bleue » ou cyanose. Entre 1945 et 1970, près de 2000 cas de méthémoglobinémies ont été rapportés dans la littérature mondiale, la plupart de ces cas étant associés à la consommation d’eaux de puits privés présentant une forte concentration en nitrates.
    L’OMS recommande depuis 1958 la valeur limite de 50 mg de nitrates par litre dans l’eau de boisson, valeur en deçà de laquelle aucun cas de méthémoglobinémie n’a été rapporté. Cette valeur est adoptée par l’ensemble des pays développés. Depuis les années 1990, aucun cas de méthémoglobinémie imputable à l’eau n’a été rapporté dans les pays développés. Le nourrisson de moins de 3 mois est particulièrement sensible aux nitrites en raison d’une faible acidité de son suc gastrique favorisant le développement de bactéries réductrices, d’un défaut de NADH cytochrome-b5-réductase, enzyme favorisant la conversion méthémoglobine -> hémoglobine, et de la présence d’hémoglobine fœtale plus facilement oxydable que l’hémoglobine des adultes.
    Le bilan des analyses de nitrates en France et les niveaux mesurés ne justifient pas la mise en place d’une surveillance épidémiologique spécifique aux effets des nitrates sur la santé des consommateurs d’eau du robinet.

    Figure 1

    Taux de conformité des eaux produites (situation 2002)

    Taux de conformité des eaux produites (situation 2002)
    Source : La qualité de l’eau potable en France - Aspects sanitaires et réglementaires. Dossier d’information. Direction générale de la santé. Septembre 2005. p19. Disponible sur : www.sante.gouv.fr/htm/actu/eau_potable_070905/dossier_presse.pdf

    Définir et estimer l’exposition

    L’exposition, qui peut se définir comme le contact entre un agent pathogène ou un produit toxique et le consommateur d’eau de distribution, est une notion fondamentale pour faire le lien entre une pollution de l’eau (danger) et un effet sanitaire (risque). Dans certains cas, la caractérisation des dangers par l’identification de relations doses-réponses et la quantification de l’exposition permettent d'estimer le nombre de cas de maladies attendus. La mesure de l’exposition nécessite de définir les voies d’absorption possibles, la durée d’exposition et les habitudes des français vis-à-vis de leur usage de l’eau de distribution (quantité d’eau bue, utilisation de l’eau du réseau pour la toilette corporelle…). Mis à part les cas d’infections liés à Legionella pneumophilla ou Pseudomonas aeruginosa contractés respectivement par inhalation ou contact cutané, la majorité du risque infectieux est associé chez l’homme à l’ingestion d’eau contaminée. Une durée d’exposition courte est dans ce cas suffisante pour contracter la maladie. A l’inverse, la mesure de l’exposition à des polluants toxiques doit tenir compte des propriétés physico-chimiques de chaque polluant pour identifier les voies d’absorption pertinentes : ingestion dans tous les cas, respiration lors d’évènements comme la douche pour les produits volatils (cas du chloroforme, composé majoritaire des sous-produits de chloration), contact cutané lors d’évènements comme la douche ou le bain pour les produits lipophiles (chloroforme également). En dehors des pollutions massives pour lesquelles la durée d’exposition est généralement courte, les cancers associés à des polluants d’origine hydrique surviennent après des dizaines d’années d’exposition.

    Figure 2

    Proportion de la population desservie par une eau du robinet conforme en permanence vis-à-vis des pesticides – Situation en 2003
    Proportion de la population desservie par une eau du robinet
    Source : La qualité de l’eau potable en France - Aspects sanitaires et réglementaires. Dossier d’information. Direction générale de la santé. Septembre 2005. p23. Disponible sur : www.sante.gouv.fr/htm/actu/eau_potable_070905/dossier_presse.pdf

    Considérer l’exposition totale : l'exemple des pesticides

    On retrouve actuellement des pesticides dans de nombreuses rivières et nappes souterraines de France. Dans ces régions, l’eau potable peut contenir aussi des pesticides en quantité mesurables.
    ll y a comme pour les nitrates une imprégnation généralisée de l’environnement par les pesticides, les eaux pouvant constituer le récepteur final de ces pollutions d’origine agricole. Les risques sanitaires dus aux pesticides représentent un sujet d’inquiétude justifiée par les conclusions de nombreuses études toxicologiques réalisées chez les animaux et d’études épidémiologiques réalisées chez les personnes les plus exposées comme les agriculteurs. Le rôle de l’exposition professionnelle dans l’apparition de certains cancers est reconnu. Concernant l’exposition environnementale (par opposition à professionnelle), la part de l’eau est très minoritaire dans la dose quotidienne de pesticides ingérés. Ainsi, plus de 90 % de l’exposition revient à l’alimentation et la 2e source d’exposition est l’inhalation, avec d’importantes variations selon le lieu de vie et l’usage de pesticides pour le traitement des plantes d’intérieur. La part de l’eau quant à elle représente moins de 2 % de l’apport journalier. Compte tenu de ce niveau de contribution à l’exposition totale, le risque d’origine hydrique ne peut pas faire l’objet d’une surveillance épidémiologique spécifique.
    Bien que la part de l’eau soit plus forte dans le cas du plomb, l’exposition hydrique est devenue minoritaire après la mise en œuvre de changement des canalisations en plomb. En ce qui concerne les sous-produits de désinfection et l’arsenic, l’eau contribue très majoritairement à l’exposition.

    Définir la part de l’eau dans la survenue des pathologies : le cas des gastro-entérites

    Tous les micro-organismes entériques sont susceptibles de se propager par l’eau. Il est toutefois difficile de se prononcer sur la part de l’eau dans la survenue des maladies imputables à ces micro-organismes. Aucune n’est en effet spécifique de l’eau. Il est admis que l’eau provoque moins de cas de maladies que la contamination des aliments et, surtout, que le non-respect des règles d’hygiène individuelles. Certains auteurs estiment que les gastro-entérites seraient deux fois moins fréquentes si ces règles étaient respectées, que ce soit pour protéger les autres (lavage des mains en sortant des toilettes) ou soi-même (lavage des mains avant les repas). La répartition des infections par type de voie d’exposition (eau / aliments / mains sales) dépend du type de microorganisme. Il est reconnu que l’épidémie hivernale de gastro-entérite virale se diffuse plutôt par contact interhumain, les bactéries par voie alimentaire, ces dernières étant les seuls microorganismes capables de se multiplier dans les aliments. En revanche, la contamination par voie hydrique semble assez importante pour certains parasites comme Cryptosporidium.
    La responsabilité de l’eau de boisson apparaît clairement à l’occasion d’épidémies. Trois types d’arguments peuvent être avancés pour confirmer l’origine hydrique : les arguments microbiologiques, épidémiologiques et environnementaux. La preuve microbiologique repose sur l’identité entre la souche de microorganisme isolée chez les malades et celle trouvée dans l’eau distribuée. L’argumentation épidémiologique repose sur la correspondance entre le secteur où se déclarent les cas de maladie et le réseau de distribution d’eau. Une proportion de buveurs d’eau du robinet supérieure chez les malades que chez les non malades conduit aussi à suspecter la responsabilité de l’eau consommée. La mise en évidence d’une pollution de la ressource ou d’un accident lors du processus de traitement de l’eau pendant la période d’exposition supposée apporte enfin des arguments d’ordre environnemental. D’après l’analyse des épidémies documentées (3), le risque qu’une personne résidant en France soit victime d’une épidémie hydrique cette année se situe entre 1 sur 10 000 et 1 sur 50 000. Le risque culmine dans certaines petites communes rurales du fait de la vulnérabilité de l’eau et de la vétusté des installations.
    A côté de ces épidémies, il existe des cas sporadiques, beaucoup plus nombreux que les cas épidémiques. Les experts sont divisés quant à l’importance du rôle de l’eau de distribution dans la survenue de ces cas isolés : pour certains, l’eau intervient de façon très marginale dans l’incidence des cas sporadiques, pour d’autres, plus de 10 % des cas de gastro-entérites seraient véhiculés par l’eau.
    Les pathologies liées à une exposition toxique ne sont cependant pas non plus exclusives d’une exposition hydrique. Il existe au contraire des agents, environnementaux ou non environnementaux, qui contribuent beaucoup plus à certains de ces risques. Par exemple, si l’arsenic augmente le risque de cancers des voies urinaires, le tabac reste le principal contributeur.

    Les acteurs de la surveillance

    La gestion des risques sanitaires et le contrôle du respect de la réglementation relèvent du ministère chargé de la Santé et des Agences régionales de santé (ARS). L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) est chargée de l'évaluation des risques et de l’appui à la gestion, tandis que l’Institut de veille sanitaire (InVS) est chargé de la surveillance épidémiologique et de l’alerte sanitaire. En France, de nombreux organismes font de la recherche dans le domaine de l’eau. Des progrès sont cependant à faire en épidémiologie des maladies infectieuses d’origine hydrique.
    Au sein de l'InVS, l’incidence des infections par ces microorganismes entériques (intestinaux) est surveillée par le département de maladies infectieuses (unité Infections entériques, alimentaires et zoonoses). La légionellose fait l’objet d’un programme de surveillance particulier (voir Légionellose).
    L’InVS assure aussi la coordination des registres des cancers qui oeuvrent au niveau départemental et fournissent aux épidémiologistes les données sur le cancer.
    Les acteurs de la surveillance du risque hydrique
    Organisation
    Activité
    Périmètre actuel
    Ministère chargé de la Santé, Agences régionales de santé (ARS)
    Gestion du risque
    (élaboration de la réglementation et contrôle de son application)
    Eau potable, baignades (piscines, eau naturelles), légionelles…
    Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses)
    Evaluation des risques, appui à la gestion + laboratoires d’études et de recherches dont LERH
    Risques par ingestion
    Baignade et usages récréatifs de l’eau
    Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)
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    Eau potable
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