Comment
soutenir les financements bas carbone dans l'UE ? En autorisant la
banque centrale européenne (BCE) à racheter des titres privés dont
l'impact bas carbone avéré serait garanti par la puissance publique. Une
telle stratégie s'inspire du plan massif et inédit d'achat de titres de
la BCE, pour environ 1.100 milliards d'euros étalés sur 19 mois,
autorisé en janvier dernier afin d'éviter la spirale déflationniste et
stimuler la reprise des investissements.
Telle est la principale conclusion d'un rapport publié ce jeudi 26 mars par le Commissariat général au développement durable (CGDD) du ministère de l'Ecologie. Intitulé "Une proposition pour financer l'investissement bas carbone en Europe", le document explique qu'une telle politique répondrait au double défi auquel est confrontée l'Europe : la lutte contre les changements climatiques et la relance de la croissance économique.
Le dispositif proposé valoriserait les émissions de CO2 en attendant que le prix du carbone atteigne un niveau adéquat. Il permettrait de lancer immédiatement des investissements bas carbone et inciterait les Etats à établir des mécanismes assurant la hausse progressive du prix du carbone. Si l'Union européenne en faisait la promotion lors de la conférence de Paris de décembre prochain, elle pourrait ainsi "renforcer son leadership historique" dans les négociations climatiques.
Echec des outils actuels
"En théorie, la taxe carbone et le système de quotas d'émissions sont les meilleurs instruments pour faire payer le véritable prix de l'externalité négative induite par chaque unité de CO2 émises", rappelle le document. Mais au-delà de la théorie, "les échecs successifs des négociations internationales sur le climat pour faire émerger un prix du carbone, tout comme les tentatives européennes (marché EU-ETS) et françaises (taxe carbone) ne sont pas encourageants".
Et de rappeler les problèmes rencontrés en Europe et en France : un prix de 6 euros par tonne de CO2 en 2014 sur le marché carbone européen et une contribution énergie climat française fixée "bien en deçà de la trajectoire recommandée" à 14,50 euros par tonne de CO2 pour 2015. Quant au marché carbone, "les difficultés de mise en œuvre rendent [son avantage théorique] en réalité illusoire".
Valeur sociale du carbone
Partant du constat de l'échec de l'émergence d'un prix du carbone, le CGDD propose de récompenser les investissements bas carbone tout en pénalisant graduellement le capital intensif en carbone. Pour cela, il faut "une combinaison pragmatique" des instruments actuels (quotas et taxe, avec un faible prix du CO2 au départ) et d'un outil de financement de projets bas carbone assorti d'une garantie publique sur une valeur élevée du carbone (valeur sociale du carbone). Ce système serait "politiquement plus acceptable car il permet de lisser les efforts nécessaires à la transition bas carbone", plaide le CGDD.
Un tel montage nécessite tout d'abord de déterminer la valeur sociale du carbone, c'est-à-dire d'attribuer une valeur à la tonne d'équivalent CO2 évitée à partir d'un accord politique et non pas fixée par le marché. Il faut ensuite déterminer le volume d'actifs carbone dont la valeur serait garantie par les Etats au niveau de la valeur sociale du carbone. Le CGDD propose enfin qu'un organisme indépendant assure le contrôle des projets bas carbone, selon une typologie de projets bas carbone et des évaluations des réductions basées sur les technologies concernées, les secteurs et les horizons temporels des projets. Cet organisme délivrerait des certificats carbone en fonction des réductions effectives. L'expérience du mécanisme de développement propre (MDP) pourrait être mise à profit.
Rééquilibrer le portefeuille des banques
Enfin, la BCE intervient en refinançant les prêts bas carbone délivrés par les banques classiques à hauteur de la valeur des réductions réalisées par les projets. De fait, elle fait entrer des actifs carbone dans son bilan. "Elle agit comme si elle payait un service de réduction d'émissions et justifie l'émission de liquidité par la valeur que la société accorde aux réductions d'émissions, soit un climat meilleur, des bâtiments mieux isolés, un système énergétique décarboné", explique le CGDD.
Ce montage permet de réduire le remboursement du crédit pour l'emprunteur à hauteur du montant des certificats carbone garantis par les Etats. Quant aux prêteurs, ils réduisent leur profil de risque lié aux projets bas carbone grâce aux certificats carbone, dont la valeur et la liquidité sont garanties. Les banques "sont donc incitées à rééquilibrer l'ensemble de leur portefeuille de prêts en faveur de ce type de projets bas carbone".
Reste la question du financement par les Etats des certificats carbone qu'ils garantiraient. "Le coût est nul ou très faible à court terme pour le budget public car les certificats carbone sont financés via des obligations climatiques qui permettent le lissage temporel des recettes et des dépenses", estime le rapport, précisant que "ce mécanisme est alors une nouvelle forme de dette publique gagée sur le pari d'une croissance bas carbone future".
Pour assurer la neutralité du mécanisme en terme de déficit public, les Etats devront soutenir la hausse de la valeur du carbone pour qu'elle rejoigne la valeur sociale attribuée précédemment. Dans le cas contraire, le budget public financerait l'écart.
Philippe Collet, journalisteTelle est la principale conclusion d'un rapport publié ce jeudi 26 mars par le Commissariat général au développement durable (CGDD) du ministère de l'Ecologie. Intitulé "Une proposition pour financer l'investissement bas carbone en Europe", le document explique qu'une telle politique répondrait au double défi auquel est confrontée l'Europe : la lutte contre les changements climatiques et la relance de la croissance économique.
Le dispositif proposé valoriserait les émissions de CO2 en attendant que le prix du carbone atteigne un niveau adéquat. Il permettrait de lancer immédiatement des investissements bas carbone et inciterait les Etats à établir des mécanismes assurant la hausse progressive du prix du carbone. Si l'Union européenne en faisait la promotion lors de la conférence de Paris de décembre prochain, elle pourrait ainsi "renforcer son leadership historique" dans les négociations climatiques.
Echec des outils actuels
"En théorie, la taxe carbone et le système de quotas d'émissions sont les meilleurs instruments pour faire payer le véritable prix de l'externalité négative induite par chaque unité de CO2 émises", rappelle le document. Mais au-delà de la théorie, "les échecs successifs des négociations internationales sur le climat pour faire émerger un prix du carbone, tout comme les tentatives européennes (marché EU-ETS) et françaises (taxe carbone) ne sont pas encourageants".
Et de rappeler les problèmes rencontrés en Europe et en France : un prix de 6 euros par tonne de CO2 en 2014 sur le marché carbone européen et une contribution énergie climat française fixée "bien en deçà de la trajectoire recommandée" à 14,50 euros par tonne de CO2 pour 2015. Quant au marché carbone, "les difficultés de mise en œuvre rendent [son avantage théorique] en réalité illusoire".
Valeur sociale du carbone
Partant du constat de l'échec de l'émergence d'un prix du carbone, le CGDD propose de récompenser les investissements bas carbone tout en pénalisant graduellement le capital intensif en carbone. Pour cela, il faut "une combinaison pragmatique" des instruments actuels (quotas et taxe, avec un faible prix du CO2 au départ) et d'un outil de financement de projets bas carbone assorti d'une garantie publique sur une valeur élevée du carbone (valeur sociale du carbone). Ce système serait "politiquement plus acceptable car il permet de lisser les efforts nécessaires à la transition bas carbone", plaide le CGDD.
Un tel montage nécessite tout d'abord de déterminer la valeur sociale du carbone, c'est-à-dire d'attribuer une valeur à la tonne d'équivalent CO2 évitée à partir d'un accord politique et non pas fixée par le marché. Il faut ensuite déterminer le volume d'actifs carbone dont la valeur serait garantie par les Etats au niveau de la valeur sociale du carbone. Le CGDD propose enfin qu'un organisme indépendant assure le contrôle des projets bas carbone, selon une typologie de projets bas carbone et des évaluations des réductions basées sur les technologies concernées, les secteurs et les horizons temporels des projets. Cet organisme délivrerait des certificats carbone en fonction des réductions effectives. L'expérience du mécanisme de développement propre (MDP) pourrait être mise à profit.
Rééquilibrer le portefeuille des banques
Enfin, la BCE intervient en refinançant les prêts bas carbone délivrés par les banques classiques à hauteur de la valeur des réductions réalisées par les projets. De fait, elle fait entrer des actifs carbone dans son bilan. "Elle agit comme si elle payait un service de réduction d'émissions et justifie l'émission de liquidité par la valeur que la société accorde aux réductions d'émissions, soit un climat meilleur, des bâtiments mieux isolés, un système énergétique décarboné", explique le CGDD.
Ce montage permet de réduire le remboursement du crédit pour l'emprunteur à hauteur du montant des certificats carbone garantis par les Etats. Quant aux prêteurs, ils réduisent leur profil de risque lié aux projets bas carbone grâce aux certificats carbone, dont la valeur et la liquidité sont garanties. Les banques "sont donc incitées à rééquilibrer l'ensemble de leur portefeuille de prêts en faveur de ce type de projets bas carbone".
Reste la question du financement par les Etats des certificats carbone qu'ils garantiraient. "Le coût est nul ou très faible à court terme pour le budget public car les certificats carbone sont financés via des obligations climatiques qui permettent le lissage temporel des recettes et des dépenses", estime le rapport, précisant que "ce mécanisme est alors une nouvelle forme de dette publique gagée sur le pari d'une croissance bas carbone future".
Pour assurer la neutralité du mécanisme en terme de déficit public, les Etats devront soutenir la hausse de la valeur du carbone pour qu'elle rejoigne la valeur sociale attribuée précédemment. Dans le cas contraire, le budget public financerait l'écart.
Rédacteur spécialisé
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