mercredi 4 mars 2015

N'abusons pas du paracétamol

Ce médicament généralement bien toléré présente des risques lorsqu'il est pris à haute dose et à long terme.Douleur, fièvre, mode d'emploi
Le paracétamol est la molécule la plus vendue en France, le médicament du quotidien par excellence que l'on garde au fond du sac par précaution et qu'on offre sans réticence à un collègue ou un enfant se plaignant de maux de tête. En vente libre, le paracétamol a été largement présenté, y compris par les médecins, comme sans danger… Pourtant, comme tout principe «actif», c'est-à-dire efficace, il n'est pas dénué d'effets indésirables, et sans doute même davantage qu'on ne le pensait, conclut une étude britannique parue lundi (Annals of the Rheumatic Diseases).
Les auteurs, des experts de l'université de Leeds, ont réuni quelque 1 900 études déjà publiées sur les effets toxiques du paracétamol. Ils en ont retenu huit, les seules jugées assez robustes scientifiquement pour être analysées, ce qui, de leur propre aveu, est peu et affaiblit légèrement la portée de leurs conclusions statistiques. Néanmoins, leur bilan est clair: «Au vu des résultats présentés ici, nous pensons que le risque réel associé à la prescription de paracétamol est supérieur à ce qui est perçu par la communauté médicale», écrit le Pr Philipp Conaghan.

Des risques sous-estimés

Selon cette étude, les personnes prenant quotidiennement une dose acceptable mais élevée de paracétamol (3 g par jour) ont un risque de décès prématuré accru jusqu'à + 60 %. Elles présentent aussi une probabilité plus élevée de connaître un accident cardio-vasculaire (+ 19 %), une hémorragie intestinale (+11 à 49 %) ou des atteintes rénales. «Les risques du paracétamol ont longtemps été sous-estimés», confirme le Pr Bernard Bégaud, pharmacologue à l'université de Bordeaux. Certains dangers mis en évidence dans cette étude ne sont néanmoins pas une surprise. «Au vu de statistiques ambiguës, nous suspections déjà une toxicité rénale et hépatique de cette molécule à doses normales», précise-t-il.
Le Pr Jean-Louis Montastruc, pharmacologue à Toulouse et membre de l'Académie nationale de médecine, est plus réservé sur la validité des résultats. «Cette étude est la seule à établir ce lien de cause à effet, qui n'a jamais, par exemple, été notifié par des médecins au cours de leur pratique. Or, en pharmacovigilance, nous nous appuyons toujours sur un faisceau de preuves», note-t-il, rappelant que le paracétamol reste l'antalgique de référence, car il est très bien toléré.

Attention au surdosage

La quantité maximale de paracétamol autorisée est de 4 g par jour pour un adulte. Au-delà, le surdosage expose à des lésions hépatiques graves potentiellement mortelles, bien documentées. Il faut néanmoins ajuster le raisonnement au profil du consommateur: une dose quotidienne normale de 3 g de paracétamol peut s'avérer toxique à long terme chez une personne âgée qui s'alimente peu, quand elle n'aura pas d'effets indésirables chez un sujet bien portant.
S'il n'est pas question d'alarmer les usagers ponctuels de paracétamol, qui en prennent l'espace de quelques jours pour soigner une fièvre, une migraine ou une poussée de dents, la question est plus complexe pour les consommateurs de long terme - des personnes souffrant d'arthrose pour la plupart.
«Cela pose une vraie question: que peut-on leur offrir si on s'interdit le paracétamol, à l'heure où 5 médicaments anti-arthrosiques viennent d'être déremboursés?», s'interroge le Pr Bégaud, qui appelle les autorités sanitaires à lancer une étude fiable sur les effets à long terme de ce médicament.
Le paracétamol reste le médicament de référence contre la douleur et la fièvre, qui peut être donné aux bébés et aux femmes enceintes. Il est bien toléré et présente peu d'interactions avec les autres médicaments. La dose maximale autorisée ne doit toutefois pas être dépassée sous risque d'atteinte grave du foie.
L'ibuprofènene doit son action antalgique indirecte qu'à ses propriétés anti-inflammatoires. Son usage doit donc être réservé à des états inflammatoires (otites, angines, douleurs articulaires…), soulignele Pr Jean-Louis Montastruc, pharmacologue à Toulouse. L'ibuprofène est contre-indiqué en cas d'antécédents d'ulcères de l'estomac, d'hémorragies digestives et à partir du début du 6e mois de grossesse.
L'aspirine est désormais surtout utilisée comme «antiagrégant plaquettaire» et n'a plus vraimentsa place dans l'automédication, poursuit le Pr Montastruc.
Pour ces trois molécules, l'Agence du médicament recommande de consulter si les symptômes persistent.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire