L’Institut de veille sanitaire (InVS) a pour
mission la surveillance de l’état de santé de la population, et
notamment l‘impact sanitaire potentiel de l’exposition à des polluants
d’origine environnementale.
La connaissance
du type d’exposition et de son intensité est un préalable indispensable
pour comprendre et caractériser le risque pour la santé humaine. Le
développement de méthodes d’estimation de l’exposition des particuliers
aux pesticides est donc un axe de travail majeur à l’InVS. Il reste
cependant beaucoup à comprendre sur les facteurs influençant
l’exposition de la population aux pesticides, notamment les
contributions respectives des différentes sources. Le recensement de
l’ensemble des données d’exposition disponibles et des propositions pour
une étude des déterminants de cette exposition font l’objet d’un groupe
de travail interagences (Observatoire des résidus des pesticides).
- Décrire l’imprégnation de la population française par les pesticides
- Estimer l'exposition aux pesticides par voie aérienne dan les zones agricoles
- Surveiller les intoxications aiguës aux pesticides (population générale et professionnelle)
- La Réunion : dispositif de surveillance et d'alerte sur les effets sanitaires des produits phytopharmaceutiques, antiparasitaires et des répulsifs corporels
Décrire l’imprégnation de la population française par les pesticides
L’imprégnation
est le résultat du dosage dans l’organisme du polluant ou de ses
produits de dégradation, appelés métabolites. Il permet d’approcher la
dose ayant effectivement pénétré dans l’organisme, par l’ensemble des
voies d’exposition. Son étude permet de :
- connaître les valeurs moyennes et les valeurs les plus élevées, établir une référence ;
- identifier et suivre des variations temporelles et géographiques ;
- comprendre les mécanismes aboutissant à l’exposition interne et ses conséquences sur la santé.
Le volet environnemental de l’Étude nationale nutrition santé (ENNS)
L’Étude nationale nutrition santé (ENNS)
a pour objectif principal d’évaluer les apports alimentaires, l’état
nutritionnel et l’activité physique en lien avec des données de santé
dans un échantillon représentatif d’environ 3 000 personnes adultes
âgées de 18 à 74 ans en France métropolitaine. Elle comprend un volet
environnemental, associant des questionnaires, un examen clinique et des
prélèvements biologiques (sang et urines) pour le dosage de divers
contaminants chimiques de l'alimentation et de l’environnement, retenus
pour leur intérêt en santé publique. Les pesticides ont été dosés dans
un sous-échantillon de 400 adultes tirés au sort, incluant des
substances de la famille des organochlorés, aujourd’hui interdites mais
rémanentes dans l’environnement et dans l’organisme humain, ainsi que
des organophosphorés et des pyréthrinoïdes, utilisées en remplacement.
Les pratiques concernant l’usage domestique des pesticides ont par
ailleurs été recueillies : lutte anti-insecte, traitement antipoux,
traitement des animaux domestiques et activités de jardinage.
Elle
comporte également la constitution d’une biothèque destinée à explorer
les imprégnations à des polluants émergents. Un rapport décrivant l’état
nutritionnel est disponible. Les analyses des déterminants et des
données d’imprégnation aux polluants sont en cours. Il s’agira des
premières données d’imprégnation aux pesticides à partir d’un
échantillon représentatif de la population française.
La Cohorte Elfe (Étude longitudinale depuis l’enfance)
Elfe
(Étude longitudinale française depuis l'enfance) est un projet de
cohorte française de 20 000 enfants suivis de la naissance à l'âge
adulte, prévoyant d’analyser la santé et le développement de l’enfant
dans son milieu, dans une approche pluridisciplinaire prenant en compte
les facteurs sociaux, familiaux, psychologiques, environnementaux et
nutritionnels. Le projet a été initié au sein de l'Institut national
d’études démographiques (Ined) et de l'Unité mixte Inserm-Ined (U569) au
cours des années 2002-2004 et rejoint par le département santé
environnement (DSE) de l’InVS depuis 2005 dans le cadre du Plan national
santé environnement (PNSE).
L’un des volets
d’Elfe vise à répondre aux interrogations des Français sur les
conséquences sanitaires à court et moyen terme de l'exposition à
certaines pollutions de leur environnement. Un des objectifs est de
déterminer la concentration d’une sélection de pesticides dans
différents milieux biologiques de la mère et de l’enfant, ainsi que les
facteurs influençant ces concentrations. Dans un deuxième temps,
l’influence de ces contaminations sur le développement
neurocomportemental et les fonctions de reproduction de l’enfant
pourrait être étudiée au moyen d’indicateurs biologiques d’effets
précoces et d’indicateurs sanitaires.
Deux
études pilotes ont été réalisées en avril 2007 en Picardie et Bourgogne
et en octobre 2007 en Seine Saint-Denis, Isère, Loire, Savoie et
Ardèche, afin de tester l’acceptation de l’étude par les parents et
valider l’ensemble des méthodes d’enquête et de recueil des échantillons
biologiques. L’analyse des données est en cours. Le deuxième pilote
permettra notamment d’affiner les méthodes de dosage biologique pour
divers polluants, dont certains pesticides, et de les confronter aux
résultats des questionnaires sur l’utilisation.
Estimer l'exposition aux pesticides par voie aérienne dans les zones agricoles
Dans
le cadre de la déclinaison régionale du Plan national santé
environnement (PNSE), l’InVS a initié un programme dont l’objectif est
d’estimer l’exposition aérienne aux pesticides des populations
riveraines des exploitations agricoles. Il n’existe aucune valeur
réglementaire concernant les concentrations en produits phytosanitaires
dans l’air extérieur. Dès le début des années 2000, les Associations de
surveillance de la qualité de l’air (Aasqa) ont mis au point des
méthodes de mesures des pesticides dans l’air. Les travaux réalisés par
les Cellules interrégionales d’épidémiologie (Cire) en collaboration
avec les Aasqa ont révélé des concentrations non négligeables de
pesticides dans l’air, plus marquées dans les périodes printanières et
estivales, et qui apparaissent comme une signature de l’activité
agricole locale. Dans l’ensemble des régions participant à ce programme,
des contacts été mis en place avec les acteurs et experts régionaux
concernant l’usage agricole local de pesticides.
Des
études de faisabilité de l’évaluation des risques sanitaires associés à
ce type d’exposition ont également été réalisées en Midi-Pyrénées, dans
l’Hérault et en Champagne-Ardenne.
En
Midi-Pyrénées, l’étude s’est intéressée aux concentrations dans l’air
extérieur en pesticides et solvants issus des produits utilisés dans la
lutte contre la pyrale du maïs. L’évaluation du risque sanitaire n’a pas
pu être menée à son terme par manque de données toxicologiques adaptées
à la voie respiratoire et de mesures précises de l’exposition de la
population. Des recommandations sur les techniques d’épandage et
l’information des populations riveraines des exploitations ont cependant
pu être proposées.
Dans l’Hérault, 86
pesticides ont été mesurés dans l'air ambiant dans quatre sites, en
période de traitement et hors traitement. En parallèle, une enquête par
questionnaire a été réalisée auprès des utilisateurs de pesticides,
exploitants agricoles, institutionnels et particuliers, afin de mettre
en relation les teneurs mesurées dans l’air avec les usages : quantités
épandues, périodes d’épandage et matériel. Une évaluation de risques
sanitaires a été réalisée pour le lindane, seule substance avec des
valeurs toxicologiques de référence pour la voie respiratoire. Elle n’a
pas montré de risques sanitaires attendus pour la population.
En
Champagne-Ardenne, l’étude réalisée de 2002 à 2008 par la Direction
générale et départementale des affaires sanitaires et sociales (DRDASS)
de Champagne-Ardenne et de la Marne en partenariat avec la Ddass de
l’Aube, l’InVS, la Direction régionale de l’agriculture et de la forêt,
service régional de la protection des végétaux (Draf-SRPV), le Comité
interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC), 4 représentants
d’établissement distributeurs de produits phytosanitaires de la région,
ATMO Champagne Ardenne et la Fédération régionale de défense contre les
organismes nuisibles de Champagne-Ardenne (Fredonca) a tenté d’estimer
l’exposition par l’air extérieur des populations en zone viticole
champenoise, en lien avec les-quantités de phytosanitaires épandues. Le
folpel, un fongicide utilisé en viticulture, y est majoritairement
retrouvé. Une évaluation du risque par transposition de voie,
c’est-à-dire en utilisant les données toxicologiques disponibles
seulement pour la voie orale, montrent que les concentrations
journalières maximales observées sont acceptables pour une exposition de
24 heures. Cependant le risque à long terme par inhalation ne peut être
réalisé compte tenu du manque de connaissances épidémiologiques.
Surveiller les intoxications aiguës aux pesticides (population générale et professionnelle)
La
toxicovigilance des produits phytopharmaceutiques en France est une
obligation réglementaire des industriels qui commercialisent ces
produits. À ce jour, deux systèmes de toxicovigilance coexistent :
- le réseau des Centres antipoison et de toxicovigilance (CAPTV) ;
- le réseau Phyt’attitude géré par la Mutualité sociale agricole (MSA) pour les professionnels agricoles.
Le réseau de toxicovigilance a pour objet la
surveillance des effets toxiques pour l'homme d'un produit, d'une
substance ou d'une pollution aux fins de mener des actions d'alerte, de
prévention, de formation et d'information. Les cas d'intoxications
aiguës ou chroniques concernent des professionnels, mais également des
particuliers (lors de l’utilisation de traitements contre les poux,
contre les insectes, etc.) recueillis par les Centres antipoisons (CAP)
dans le cadre de leur activité de réponse téléphonique d’urgence.
Selon
le CAP de Paris, en 2004, les appels pour information ou pour
intoxication concernant des pesticides représentaient 5 % de l’activité,
soit 10 000 dossiers par an. Les sollicitations les plus fréquentes
concernaient les insecticides et de façon marginale, les fongicides et
les herbicides.
Le système a pour objectif
de décrire les expositions, le nombre et la gravité des effets
sanitaires, ainsi que les circonstances de leur survenue. Il devrait à
terme également exercer une fonction d’alerte auprès des décideurs ou
gestionnaires.
- En savoir plus :
Unité de surveillance et d’épidémiologie nutritionnelle (Usen). Étude
nationale nutrition santé (ENNS, 2006) – Situation nutritionnelle en
France en 2006 selon les indicateurs d’objectif et les repères du
Programme national nutrition santé (PNNS). Institut de veille sanitaire, Université de Paris 13, Conservatoire national des arts et métiers, 2007. 74 p.
Cohorte Elfe : https://www.elfe.ined.fr
Coignard F, Lorente C. Exposition
aérienne aux pesticides des populations à proximité de zones agricoles.
Bilan et perspective du programme régional interCire. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2006, 64 p.
Pouey J, Rivière S. Étude
de faisabilité de l’évaluation quantitative des risques sanitaires liée
aux épandages de phytosanitaires dans la lutte contre la pyrale du maïs. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2006, 56 p.
Ricoux C. Évaluation
de l’exposition aérienne aux pesticides de la population générale.
Étude en air extérieur dans quatre sites de l’Hérault en 2006. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2009. 58 p.
Associations de surveillance de la qualité de l’air (Aasqa) : http://www.buldair.org/Associations/Carte.htm
La Réunion : dispositif de surveillance et d’alerte sur les effets sanitaires des produits phytopharmaceutiques, antiparasitaires et des répulsifs corporels
Lors de l’épidémie de
Chikungunya de 2005-2006, la Cellule interrégionale d’épidémiologie
(Cire) de l’île de la Réunion a mis en place un dispositif de
surveillance des intoxications liées aux insecticides utilisés pour la
lutte antivectorielle. Ce dispositif a été étendu par la suite à
l’ensemble des produits phytopharmaceutiques et antiparasitaires. Durant
l’année 2008, ce système de toxicovigilance a permis de recenser 62 cas
d’intoxication individuelle probable ou possible aux pesticides. Un
bilan qui souligne l’intérêt de ce dispositif de surveillance.
- En savoir plus :
Solet JL, Blanc I, Tichadou L, Arditti J, Weber M et al. Dispositif
de surveillance et d’alerte sur les effets sanitaires des produits
phytopharmaceutiques, antiparasitaires et des répulsifs corporels à la
Réunion – Bilan d’une année de fonctionnement - Janvier à décembre 2008. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2009. 33 p.
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