jeudi 5 mars 2015

Caractériser et surveiller l'exposition de la population générale aux pesticides et ses conséquences

L’Institut de veille sanitaire (InVS) a pour mission la surveillance de l’état de santé de la population, et notamment l‘impact sanitaire potentiel de l’exposition à des polluants d’origine environnementale.
La connaissance du type d’exposition et de son intensité est un préalable indispensable pour comprendre et caractériser le risque pour la santé humaine. Le développement de méthodes d’estimation de l’exposition des particuliers aux pesticides est donc un axe de travail majeur à l’InVS. Il reste cependant beaucoup à comprendre sur les facteurs influençant l’exposition de la population aux pesticides, notamment les contributions respectives des différentes sources. Le recensement de l’ensemble des données d’exposition disponibles et des propositions pour une étude des déterminants de cette exposition font l’objet d’un groupe de travail interagences (Observatoire des résidus des pesticides).

Décrire l’imprégnation de la population française par les pesticides

L’imprégnation est le résultat du dosage dans l’organisme du polluant ou de ses produits de dégradation, appelés métabolites. Il permet d’approcher la dose ayant effectivement pénétré dans l’organisme, par l’ensemble des voies d’exposition. Son étude permet de :
  • connaître les valeurs moyennes et les valeurs les plus élevées, établir une référence ;
  • identifier et suivre des variations temporelles et géographiques ;
  • comprendre les mécanismes aboutissant à l’exposition interne et ses conséquences sur la santé.

Le volet environnemental de l’Étude nationale nutrition santé (ENNS)

dosages pesticides
Crédit photo : Sivanagk |Dreamstime.com
L’Étude nationale nutrition santé (ENNS) a pour objectif principal d’évaluer les apports alimentaires, l’état nutritionnel et l’activité physique en lien avec des données de santé dans un échantillon représentatif d’environ 3 000 personnes adultes âgées de 18 à 74 ans en France métropolitaine. Elle comprend un volet environnemental, associant des questionnaires, un examen clinique et des prélèvements biologiques (sang et urines) pour le dosage de divers contaminants chimiques de l'alimentation et de l’environnement, retenus pour leur intérêt en santé publique. Les pesticides ont été dosés dans un sous-échantillon de 400 adultes tirés au sort, incluant des substances de la famille des organochlorés, aujourd’hui interdites mais rémanentes dans l’environnement et dans l’organisme humain, ainsi que des organophosphorés et des pyréthrinoïdes, utilisées en remplacement. Les pratiques concernant l’usage domestique des pesticides ont par ailleurs été recueillies : lutte anti-insecte, traitement antipoux, traitement des animaux domestiques et activités de jardinage.
Elle comporte également la constitution d’une biothèque destinée à explorer les imprégnations à des polluants émergents. Un rapport décrivant l’état nutritionnel est disponible. Les analyses des déterminants et des données d’imprégnation aux polluants sont en cours. Il s’agira des premières données d’imprégnation aux pesticides à partir d’un échantillon représentatif de la population française.

La Cohorte Elfe (Étude longitudinale depuis l’enfance)

Elfe (Étude longitudinale française depuis l'enfance) est un projet de cohorte française de 20 000 enfants suivis de la naissance à l'âge adulte, prévoyant d’analyser la santé et le développement de l’enfant dans son milieu, dans une approche pluridisciplinaire prenant en compte les facteurs sociaux, familiaux, psychologiques, environnementaux et nutritionnels. Le projet a été initié au sein de l'Institut national d’études démographiques (Ined) et de l'Unité mixte Inserm-Ined (U569) au cours des années 2002-2004 et rejoint par le département santé environnement (DSE) de l’InVS depuis 2005 dans le cadre du Plan national santé environnement (PNSE).
L’un des volets d’Elfe vise à répondre aux interrogations des Français sur les conséquences sanitaires à court et moyen terme de l'exposition à certaines pollutions de leur environnement. Un des objectifs est de déterminer la concentration d’une sélection de pesticides dans différents milieux biologiques de la mère et de l’enfant, ainsi que les facteurs influençant ces concentrations. Dans un deuxième temps, l’influence de ces contaminations sur le développement neurocomportemental et les fonctions de reproduction de l’enfant pourrait être étudiée au moyen d’indicateurs biologiques d’effets précoces et d’indicateurs sanitaires.
Deux études pilotes ont été réalisées en avril 2007 en Picardie et Bourgogne et en octobre 2007 en Seine Saint-Denis, Isère, Loire, Savoie et Ardèche, afin de tester l’acceptation de l’étude par les parents et valider l’ensemble des méthodes d’enquête et de recueil des échantillons biologiques. L’analyse des données est en cours. Le deuxième pilote permettra notamment d’affiner les méthodes de dosage biologique pour divers polluants, dont certains pesticides, et de les confronter aux résultats des questionnaires sur l’utilisation.

Estimer l'exposition aux pesticides par voie aérienne dans les zones agricoles

Dans le cadre de la déclinaison régionale du Plan national santé environnement (PNSE), l’InVS a initié un programme dont l’objectif est d’estimer l’exposition aérienne aux pesticides des populations riveraines des exploitations agricoles. Il n’existe aucune valeur réglementaire concernant les concentrations en produits phytosanitaires dans l’air extérieur. Dès le début des années 2000, les Associations de surveillance de la qualité de l’air (Aasqa) ont mis au point des méthodes de mesures des pesticides dans l’air. Les travaux réalisés par les Cellules interrégionales d’épidémiologie (Cire) en collaboration avec les Aasqa ont révélé des concentrations non négligeables de pesticides dans l’air, plus marquées dans les périodes printanières et estivales, et qui apparaissent comme une signature de l’activité agricole locale. Dans l’ensemble des régions participant à ce programme, des contacts été mis en place avec les acteurs et experts régionaux concernant l’usage agricole local de pesticides.
Des études de faisabilité de l’évaluation des risques sanitaires associés à ce type d’exposition ont également été réalisées en Midi-Pyrénées, dans l’Hérault et en Champagne-Ardenne.
En Midi-Pyrénées, l’étude s’est intéressée aux concentrations dans l’air extérieur en pesticides et solvants issus des produits utilisés dans la lutte contre la pyrale du maïs. L’évaluation du risque sanitaire n’a pas pu être menée à son terme par manque de données toxicologiques adaptées à la voie respiratoire et de mesures précises de l’exposition de la population. Des recommandations sur les techniques d’épandage et l’information des populations riveraines des exploitations ont cependant pu être proposées.
Dans l’Hérault, 86 pesticides ont été mesurés dans l'air ambiant dans quatre sites, en période de traitement et hors traitement. En parallèle, une enquête par questionnaire a été réalisée auprès des utilisateurs de pesticides, exploitants agricoles, institutionnels et particuliers, afin de mettre en relation les teneurs mesurées dans l’air avec les usages : quantités épandues, périodes d’épandage et matériel. Une évaluation de risques sanitaires a été réalisée pour le lindane, seule substance avec des valeurs toxicologiques de référence pour la voie respiratoire. Elle n’a pas montré de risques sanitaires attendus pour la population.
En Champagne-Ardenne, l’étude réalisée de 2002 à 2008 par la Direction générale et départementale des affaires sanitaires et sociales (DRDASS) de Champagne-Ardenne et de la Marne en partenariat avec la Ddass de l’Aube, l’InVS, la Direction régionale de l’agriculture et de la forêt, service régional de la protection des végétaux (Draf-SRPV), le Comité interprofessionnel du vin de Champagne (CIVC), 4 représentants d’établissement distributeurs de produits phytosanitaires de la région, ATMO Champagne Ardenne et la Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles de Champagne-Ardenne (Fredonca) a tenté d’estimer l’exposition par l’air extérieur des populations en zone viticole champenoise, en lien avec les-quantités de phytosanitaires épandues. Le folpel, un fongicide utilisé en viticulture, y est majoritairement retrouvé. Une évaluation du risque par transposition de voie, c’est-à-dire en utilisant les données toxicologiques disponibles seulement pour la voie orale, montrent que les concentrations journalières maximales observées sont acceptables pour une exposition de 24 heures. Cependant le risque à long terme par inhalation ne peut être réalisé compte tenu du manque de connaissances épidémiologiques. 

Surveiller les intoxications aiguës aux pesticides (population générale et professionnelle)

La toxicovigilance des produits phytopharmaceutiques en France est une obligation réglementaire des industriels qui commercialisent ces produits. À ce jour, deux systèmes de toxicovigilance coexistent :
  • le réseau des Centres antipoison et de toxicovigilance (CAPTV) ;
  • le réseau Phyt’attitude géré par la Mutualité sociale agricole (MSA) pour les professionnels agricoles.
Le réseau de toxicovigilance a pour objet la surveillance des effets toxiques pour l'homme d'un produit, d'une substance ou d'une pollution aux fins de mener des actions d'alerte, de prévention, de formation et d'information. Les cas d'intoxications aiguës ou chroniques concernent des professionnels, mais également des particuliers (lors de l’utilisation de traitements contre les poux, contre les insectes, etc.) recueillis par les Centres antipoisons (CAP) dans le cadre de leur activité de réponse téléphonique d’urgence.
Selon le CAP de Paris, en 2004, les appels pour information ou pour intoxication concernant des pesticides représentaient 5 % de l’activité, soit 10 000 dossiers par an. Les sollicitations les plus fréquentes concernaient les insecticides et de façon marginale, les fongicides et les herbicides.
Le système a pour objectif de décrire les expositions, le nombre et la gravité des effets sanitaires, ainsi que les circonstances de leur survenue. Il devrait à terme également exercer une fonction d’alerte auprès des décideurs ou gestionnaires.
  • En savoir plus :
Unité de surveillance et d’épidémiologie nutritionnelle (Usen). Étude nationale nutrition santé (ENNS, 2006) – Situation nutritionnelle en France en 2006 selon les indicateurs d’objectif et les repères du Programme national nutrition santé (PNNS). Institut de veille sanitaire, Université de Paris 13, Conservatoire national des arts et métiers, 2007. 74 p.
Cohorte Elfe : https://www.elfe.ined.fr
Associations de surveillance de la qualité de l’air (Aasqa) : http://www.buldair.org/Associations/Carte.htm

La Réunion : dispositif de surveillance et d’alerte sur les effets sanitaires des produits phytopharmaceutiques, antiparasitaires et des répulsifs corporels

Lors de l’épidémie de Chikungunya de 2005-2006, la Cellule interrégionale d’épidémiologie (Cire) de l’île de la Réunion a mis en place un dispositif de surveillance des intoxications liées aux insecticides utilisés pour la lutte antivectorielle. Ce dispositif a été étendu par la suite à l’ensemble des produits phytopharmaceutiques et antiparasitaires. Durant l’année 2008, ce système de toxicovigilance a permis de recenser 62 cas d’intoxication individuelle probable ou possible aux pesticides. Un bilan qui souligne l’intérêt de ce dispositif de surveillance.
  • En savoir plus :

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