jeudi 5 mars 2015

De l'exposition à l'évaluation des risques sanitaires liés aux pesticides

Lors de situations particulières et alors qu’une étude épidémiologique n’est pas envisageable pour des raisons de faisabilité, l’évaluation des risques sanitaires (ERS) peut servir de point d’appui à la décision et à la mise en place d’actions de santé publique. Elle peut notamment permettre la détection de populations à risque, des actions de prévention et d’évaluation de ces actions, d’évaluation des niveaux de sécurité des valeurs réglementaires ou encore établir et/ou réviser les valeurs limites d’exposition chez les travailleurs. Elle est constituée de quatre phases :
  • la caractérisation des dangers, qui consiste à déterminer la nature et la gravité des effets néfastes des substances identifiées, à recenser et choisir les valeurs toxicologiques de référence (VTR) ;
  • l’estimation de l’exposition des populations à chacune des substances retenues ;
  • la caractérisation des risques, établie sur l’ensemble des informations réunies, qui permet une estimation de la probabilité ou de la possibilité d’observer un effet sanitaire en tenant compte des incertitudes inhérentes à la démarche.
Cette démarche, relativement standardisée et faisant appel à un large ensemble de compétences (recherche, toxicologie, surveillance épidémiologique), est illustrée à l’aide d’exemples ci-dessous.

Exposition et risques liés au chlordécone dans les Antilles

Le chlordécone est un insecticide organochloré qui a été employé en Martinique et en Guadeloupe dans les années 1970 jusqu’à son interdiction en 1993, pour lutter contre le charançon du bananier. Du fait de sa faible capacité de dégradation dans l’environnement, il est retrouvé aujourd’hui encore dans les sols, et dans certaines denrées animales et végétales locales. Dès 1999, des arrêtés préfectoraux ont permis la mise en place des contrôles des niveaux de chlordécone dans les eaux de consommation et la régulation des cultures sur les sites pollués visant à réduire l’exposition de la population par la voie alimentaire. Le chlordécone a été classé cancérogène possible et perturbateur endocrinien potentiel chez l’homme. Des effets principalement d’ordre neurotoxique, hépatotoxique et reprotoxique ont été suggérés dans des études expérimentales chez l’animal et chez les ouvriers fortement exposés d’une usine de production de chlordécone aux États-Unis dans les années 1970. Cependant, l’impact d’une exposition chronique à de faibles doses de chlordécone en population générale reste mal connu à ce jour. Plusieurs études épidémiologiques sont actuellement en cours aux Antilles (http://www.u625.rennes.inserm.fr/fr/m_pages.asp?menu=102&page=141).
L’InVS et en particulier la Cellule interrégionale d'épidémiologie (Cire) Antilles-Guyane ont engagé des travaux visant à mieux évaluer l’exposition au chlordécone et à caractériser les populations les plus à risque. Ainsi, en collaboration avec l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), les enquêtes Escal (Étude sur la santé et les comportements alimentaires en Martinique), Calbas (comportement alimentaires dans le sud Basse-Terre), et RESO (RESidus Organochlorés dans les aliments) ont été menées en Martinique et Guadeloupe.
L’InVS et en particulier la Cire Antilles-Guyane ont engagé des travaux visant à mieux évaluer l’exposition au chlordécone et à caractériser les populations les plus à risque. Ainsi, en collaboration avec l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa), les enquêtes Escal (Étude sur la santé et les comportements alimentaires en Martinique), Calbas (comportement alimentaires dans le sud Basse-Terre), et RESO (RESidus Organochlorés dans les aliments) ont été menées en Martinique et Guadeloupe.
Ils sont en charge de différentes actions du plan global d’action interministériel chlordécone 2008-2010 :
  • renforcer le registre des cancers en Martinique et créer un registre des cancers en Guadeloupe, avec l’appui du réseau Francim ;
  • créer un registre des malformations congénitales en Martinique et en Guadeloupe ;
  • mettre en place un dispositif de toxicovigilance en Martinique et en Guadeloupe en collaboration avec les centres antipoison ;
  • mettre en place un comité scientifique international pour proposer des recherches complémentaires et renforcer la veille sanitaire, en collaboration avec l’Inserm ;
  • émettre des recommandations d’actions éventuelles à mener dans la population des travailleurs et des anciens travailleurs concernés.
L’InVS et en particulier la Cire Antilles-Guyane, participent également à des actions pilotées par d’autres acteurs, visant à :
  • étudier l'incidence des malformations congénitales de l'appareil génital masculin ;
  • caractériser le risque lié à l’exposition alimentaire de la population antillaise aux résidus de pesticides ;
  • mettre à disposition sur Internet l’ensemble des données et des études sur le chlordécone et les autres pesticides utilisés dans les Antilles françaises.
Une étude portant sur la répartition spatiale des cancers et pollution des sols par les pesticides organochlorés en Martinique, réalisée en 2009 par la Cire Antilles-Guyane avec le registre des cancers de la Martinique, a permis de conclure à l’absence d’épidémie de cancers ou de phénomène de grande ampleur en Martinique en rapport avec une exposition aux pesticides organochlorés (dont la chlordécone).
  • En savoir plus :
Dieye M, Quénel P, Goria S, Blateau A, Colonna M et al. Étude de la répartition spatiale des cancers possiblement liés à la pollution des sols par les pesticides organochlorés, en Martinique. Saint-Maurice: Institut de veille sanitaire; 2009. 27 p.
Dieye M, Quénel P, Goria S, Blateau A, Colonna M, Azaloux H. Répartition spatiale des cancers et pollution des sols par les pesticides organochlorés en Martinique. Bulletin de veille sanitaire Cire Antilles-Guyane, juillet 2009, 7, pp7-9.
Dubuisson C, Heraud F, Leblanc JC, Gallotti S, Flamand C, Blateau A, Quenel P, Volatier JL. Impact of subsistence production on the management options to reduce the food exposure of the Martinican population to Chlordecone. Regul Toxicol Pharmacol 2007;49(1):5-16.
Pesticides organochlorés aux Antilles. Bulletin d'alerte et de surveillance Antilles-Guyane (Basag) n°5, juillet 2006.
Pesticides organochlorés et santé publique aux Antilles françaises. Bulletin d'alerte et de surveillance Antilles-Guyane (Basag) n°8, juin 2005.
Bertrand P, Audinay A, Bourdon B, Quenel P, Camy D, Delaunay A, Avril E, Chabrier C, Nelson R. Organochlorés en Martinique. État des lieux dans les denrées et milieux, mesures d'évaluation et gestion du risque. Phytoma Def Veg 2004;(573):36-40.

Analyse de risque sanitaire encouru par les usagers de l’école des Bourdenières à Chenôve

En septembre 2007, le groupe scolaire des Bourdenières a été fermé par décision de la mairie de Chenôve et du préfet du département de la Côte-d’Or, suite à des niveaux élevés de lindane et d’autres formes de cette substance mesurés dans l’air et les poussières des classes, dont la source principale était la charpente en bois de l’école. L’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (Afsset) avait investigué ces bâtiments en août 2007, car des niveaux de lindane qu’elle a jugés importants y avaient été détectés en 2005-2006, lors d’une étude pilote bourguignonne sur les pesticides dans l’air ambiant rural et l’air intérieur.
Étant donné le manque de recul en France face à cette problématique, et sur proposition de l’InVS et de l’Afsset, un Comité scientifique et technique (CST) et une Commission locale d’orientation et d’information (CLOI) ont été mis en place. Ils incluaient des représentants des usagers dans les deux instances. Le premier avait pour mission d’expertiser l’exposition et les risques sanitaires encourus par les usagers, de se prononcer sur la pertinence d’un suivi médical éventuel et d’établir des valeurs cibles permettant la réouverture de l’école. La seconde instruisait les décisions de gestion et de communication au vu de l’expertise réalisée.
L’identification des substances et les campagnes de mesure réalisées en 2008 ont révélé des niveaux assez élevés de lindane et d’autres formes d’hexachlorocyclohexane (alpha-HCH, beta-HCH), des phénols (pentachlorophénol et impuretés), des dioxines.
Les risques d’intoxication aiguë ont été éliminés d’emblée. Des doses internes ont été estimées à partir des concentrations dans les poussières et dans l’air, et du temps passé par les usagers dans les locaux. Ces doses ont été comparées aux valeurs toxicologiques de référence (VTR) existantes pour ces substances. Des valeurs cibles ont ainsi pu être établies dans l’air et les résultats des mesures obtenus après les travaux d’enlèvement des charpentes ont permis d’ouvrir à nouveau le groupe scolaire le 31 juin 2008. Un suivi médical individuel ou épidémiologique des usagers n’a pas été jugé pertinent.
  • En savoir plus :
Aubert L, Clinard F, Kairo C, Keirsbulck M, Ormsby JN, Pernelet Joly V et al. Organisation d’un dispositif d’expertise suite à une alerte environnementale en milieu scolaire. Communication orale. Journées de veille sanitaire 2008.

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