Le scandale de l'amiante a éclaté en France dans
les années 1990 et demeure encore aujourd'hui une préoccupation majeure
en santé publique.
Les maladies causées par l'amiante se déclarant après un temps de latence important (entre 20 et 40 ans en moyenne), de nombreuses personnes paient aujourd'hui le lourd tribut de l'inconscience d'hier. Dans un rapport publié en janvier, l'Institut national de veille sanitaire (InvS) a révélé que l'amiante serait responsable de près de 2.200 nouveaux cas de cancers et de 1.700 décès chaque année.
Désastre sanitaire
Comment en sommes-nous arrivés à un tel désastre sanitaire? Déjà, en 1899, le Docteur Henry Montague Murray constate le décès d'un ouvrier ayant travaillé 14 ans dans une usine de filature d'amiante. Alors que l'exploitation de l'amiante s'accroît, la rumeur de sa nocivité se répand. Puis, dans les années 1910, les compagnies d'assurances refusent d'assurer les travailleurs de l'amiante. Et c'est en 1955 qu'un lien est établi pour la première fois entre amiante et cancer du poumon par le médecin britannique Richard Doll dans le British Journal of Industrial Medecine.Malgré l'accumulation des preuves, il a fallu attendre le début des années 1990 pour que le scandale éclate et que l'amiante soit enfin définitivement interdit le 1er janvier 1997 en France. Michel Parigot, Vice-Président de l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva) et chercheur au CNRS raconte: «En 1994, on a créé le Comité anti-amiante à Jussieu suite à la survenue de 8 cas de maladies professionnelles causées par l'amiante. Notre action a mené à une prise de conscience des pouvoirs publics et de nombreuses victimes ont commencé à se tourner vers nous».
Interdiction en 1997
Ce mouvement marque la création de l'Andeva en 1996. «Notre premier combat a été de faire disparaître le Comité permanent amiante (CPA), un lobby composé d'industriels, qui a réussi à attirer en son sein des scientifiques et des représentants des pouvoirs publics», se souvient le vice-président de l'Andeva. A la suite de ce scandale très médiatisé, les Ministères du Travail et de la Santé ont demandé conjointement à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) de réaliser une étude approfondie sur l'amiante. Marcel Goldberg, épidémiologiste et rapporteur de cette étude raconte: «Il y avait des études alarmantes et le collectif de Jussieu qui s'agitait beaucoup, c'était un sujet brûlant. Nous étions une douzaine de scientifiques indépendants à qui l'on a demandé de faire un état des lieux des connaissances sur les effets de l'amiante sur la santé». Ce rapport, publié en 1996, fait l'effet d'un pavé dans la mare et entraîne l'interdiction de l'amiante l'année suivante.Un autre des grands combats de l'Andeva a été la création en 2010 du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA). «Quand on a commencé en 1995, il n'y avait pas une seule victime indemnisée. On a changé le paysage: le droit d'indemnisation est désormais acquis pour toutes les victimes de l'amiante. L'Andeva a un pouvoir important puisque nous sommes administrateurs de ce fond», rappelle le vice-président de l'association. Le FIVA vient en aide à près de 8.000 personnes chaque année.
L'Institut de veille sanitaire et l'Inserm estiment que le pic de mortalité due au mésothéliome pourrait néanmoins avoir été atteint au début des années 2000, avec 600 à 800 décès annuels chez les hommes et 100 à 200 chez les femmes. «Il semble que l'on arrive à un plateau et que le nombre de malades n'augmente plus. Mais l'interdiction de l'amiante en 1997 ne signifie pas que plus personne n'est exposé», conclue Marcel Goldberg.
Un rapport paru en décembre 2014 révèle d'ailleurs que des fibres d'amiante circulent dans les gaines d'aération de la Tour Montparnasse, ce qui pourrait contraindre les 5.000 employés à évacuer leurs bureaux. Le problème de l'amiante est donc bien loin d'être résolu.