mercredi 13 mai 2015

Vol de singes: Pourquoi les espèces menacées sont devenues la cible privilégiée des trafiquants


Un ouistiti argenté et un tamarin llion doré.
Un ouistiti argenté et un tamarin llion doré. - SIPA
* Audrey Chauvet
Dix-sept singes dans la nature. Dans la nuit de samedi à dimanche, sept tamarins-lions dorés et dix ouistitis argentés ont été volés au zoo-parc de Beauval. Une enquête est en cours pour tenter de retrouver les animaux à la santé fragile. «Ce vol est surtout dramatique pour la conservation de l’espèce, se désole Rodolphe Debord, directeur du zoo-parc de Beauval. Ces singes sont très rares et menacés, il est interdit de les vendre et de les détenir sans autorisation spéciale.»

Un trafic lucratif

Mais qui a bien pu s’emparer de ce butin plutôt remuant? «Certainement un trafic international, confie Rodolphe Debord à 20 Minutes. Des singes comme ça, ça se revend.» Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que ces espèces sont visées par les trafiquants: l’association Robins des bois a recensé plusieurs vols récents, notamment «en octobre 2013 le vol de plusieurs ouistitis par 5 individus dans un zoo des Iles Canaries (Espagne) et en avril 2014 le vol de 5 tamarins au zoo de Blackpool (Royaume-Uni), dont 4 avaient été retrouvés une semaine plus tard. En 2011, 2 tamarins empereurs et 2 cercopithèques de l’Hoest avaient été volés au zoo de Lyon et retrouvés peu après.»
Pourquoi cet attrait pour les primates? Comme toutes les espèces rares, les petits singes peuvent atteindre des prix élevés sur le marché des animaux domestiques ou des zoos privés: de 5.000 à 10.000 euros pour un tamarin-lion, chiffre Robins des bois. Le trafic d’espèces sauvages représente 14,5 milliards d’euros chaque année dans le monde, se rangeant au quatrième rang des trafics mondiaux derrière la drogue, les contrefaçons et la traite d’êtres humains, selon le rapport du WWF et de l’Ifaw publié fin 2013.

De gros profits pour peu de risques

«Le trafic d’animaux sauvages s’est intensifié ces dernières années pour la simple raison que les gouvernements ont renforcé la lutte contre le trafic de drogue, d’armes, d’êtres humains, mais ont laissé de côté les espèces menacées, explique Céline Sissler-Bienvenu, Directrice d’IFAW France et Afrique francophone. Les trafiquants y ont vu l’opportunité de faire d’importants profits avec un risque quasi-nul d’être appréhendé.»
En France, la loi punit de sept ans d’emprisonnement et de 150.000 euros d’amende le trafic d’espèces animales ou végétales protégées en bande organisée. «Ce sont des réseaux criminels organisés qui se sont positionnés sur les animaux, poursuit Céline Sissler-Bienvenu. Le problème est qu’il y a toujours une demande, notamment en Chine pour l’ivoire, qui est devenu un placement financier, et au Vietnam pour la corne de rhinocéros à laquelle on attribue des vertus médicinales comme la capacité à guérir des cancers.»

La faute aux collectionneurs?

Si les éléphants et les rhinocéros sont les principales victimes du braconnage, peu d’espèces rares échappent au trafic: pangolins, ours, tigres, grands singes, reptiles ou oiseaux exotiques sont la cible des trafiquants qui les revendent pour la consommation de viande de brousse, pour l’utilisation de certains organes dans la pharmacopée ou comme animaux de compagnie.
Les singes de Beauval finiront d’ailleurs certainement dans des cages chez des collectionneurs, estime Florian Kirchner, responsable du programme Espèces à l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN): «Ces vols sont comme des gros casses pour des bijoux: les voleurs sont très organisés, savent probablement à qui ils vont les revendre avant de commettre le vol, il peut même s’agir d’une commande de la part de collectionneurs qui ont envie d’avoir des espèces rares comme animaux de compagnie.»

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