Environ 320 km à pied dans l'enfer vert de l'Amazonie, sur la
frontière entre la Guyane et le nord du Brésil: le «raid des 7 bornes»,
une expédition de chercheurs du CNRS et de légionnaires, part à
l'aventure le 1er juin dans l'une des régions les plus inhospitalières
du monde.
Ce raid constitue un défi logistique, scientifique et humain inédit en forêt tropicale profonde.
Son
objectif est à la fois scientifique (relevés géographiques, inventaires
botaniques) et militaire (mission de renseignement sur les activités
humaines dans la zone frontière et perfectionnement des techniques de
progression) dans ce milieu sauvage, très chaud et très humide à la
luxuriante et dense végétation foisonnante d'insectes parasites.
Ce
«raid des 7 bornes» fait référence aux 7 bornes en béton plantées au
début des années 60 tout au long de cette hypothétique ligne de
frontière franco-brésilienne, au tracé en certains endroits hasardeux et
qu'il conviendra, lors de cette expédition d'est en ouest de
repréciser, relevés GPS à l'appui.
François-Michel Le Tourneau,
directeur de recherche au CNRS et docteur en sciences de l'information
géographique, est à l'origine de ce raid, mené conjointement avec les
légionnaires du 3e Régiment Etranger d'Infanterie basé à Kourou.
Scientifique
de terrain, le géographe qui a déjà effectué plusieurs missions dans la
forêt amazonienne, est rompu à cet exercice dans des conditions de vie
ou de survie extrêmement pénibles: «c'est la première fois que ce
parcours va être effectué d'est en ouest et d'une seule traite», a-t-il
expliqué à l'AFP.
- Un périple harassant -
«Notre
colonne sera constituée d'une quinzaine de légionnaires, de deux
botanistes Français et Britannique et de deux guides de forêt
brésiliens. Nous rejoindrons d'abord en pirogue sur le fleuve Maroni à
partir du gros bourg de Maripasoula, la borne »0« de trijonction à
l'est, aux frontières de la Guyane, du Surinam et du Brésil», a-t-il
précisé.
Avec 25 à 30 kg de matériel sur le dos, progressant
difficilement dans la jungle à la «vitesse» de 1 km/h, grimpant et
descendant les incontournables collines successives des monts Tumuc
Humac pour un dénivelé total positif de 15.000 m, la colonne
scientifico-militaire avançant sans layonnage (coupes dans la forêt pour
tracer un sentier) entend atteindre après une quarantaine de jours, à
l'ouest et à raison d'une douzaine de km par jour, son objectif vers le
20 juillet, à la source du fleuve Oyapock.
Côté scientifique, les
deux botanistes, le Français Guillaume Ordonne du CNRS Guyane et le
Britannique William Milliken du Jardin Royal Botanique de Kew à
proximité de Londres, procéderont à des inventaires de la biodiversité
et à des prélèvements de la flore sauvage, propres à enrichir les
collections existantes.
Le volet géographique consistera en
l'élaboration et la mise à jour à l'aide de GPS dernier cri, de la
cartographie de cette frontière par certains endroits encore aléatoire,
située au coeur d'un espace naturel de plus de 80.000 km2 couvert par
deux parcs nationaux, français et brésilien.
- Souveraineté régalienne -
«Nous
allons accomplir une mission de souveraineté régalienne», souligne pour
sa part le colonel de la Légion Alain Walter qui, à la tête de son 3e
REI (baptisé régiment de la Selva) a déjà participé dans la forêt de
Guyane aux opérations militaires Harpie et Titan, traquant les
orpailleurs clandestins venus pour la plupart du Brésil.
La tâche de sa quinzaine de légionnaires du «raid des 7 bornes», va s'articuler en deux volets.
Le
premier est de rechercher d'éventuelles traces de présence ou passage
transfrontière de l'homme dans cette région officiellement vide de toute
activité humaine.
«Nous devrons nous assurer qu'il n'y a pas
d'itinéraires d'infiltration depuis le Brésil ouverts à tous les trafics
et bien entendu d'orpailleurs clandestins», a-t-il déclaré à l'AFP.
Le
second volet de la mission militaire est aussi de tester de nouveaux
matériels -notamment armement et transmission- plus légers et mieux
adaptés sur ce terrain amazonien, ainsi que, sur le plan de la santé, la
capacité d'adaptation et de résistance physique et psychologique des
hommes crapahutant dans ce milieu très inhospitalier.
Les monts
Tumuc Humac auxquels va s'attaquer la colonne des «7 bornes», ont déjà
écrit une page funeste dans le grand livre de l'exploration française:
en 1950, c'est au coeur de cette pieuvre verte que disparut à jamais le
jeune explorateur Raymond Maufrais (24 ans à l'époque), parti en
solitaire pour une mortelle traversée vers le Brésil.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire