mercredi 20 mai 2015

Expédition inédite CNRS/Légion étrangère aux confins de l'Amazonie guyanaise

Environ 320 km à pied dans l'enfer vert de l'Amazonie, sur la frontière entre la Guyane et le nord du Brésil: le «raid des 7 bornes», une expédition de chercheurs du CNRS et de légionnaires, part à l'aventure le 1er juin dans l'une des régions les plus inhospitalières du monde.
Ce raid constitue un défi logistique, scientifique et humain inédit en forêt tropicale profonde.
Son objectif est à la fois scientifique (relevés géographiques, inventaires botaniques) et militaire (mission de renseignement sur les activités humaines dans la zone frontière et perfectionnement des techniques de progression) dans ce milieu sauvage, très chaud et très humide à la luxuriante et dense végétation foisonnante d'insectes parasites.
Ce «raid des 7 bornes» fait référence aux 7 bornes en béton plantées au début des années 60 tout au long de cette hypothétique ligne de frontière franco-brésilienne, au tracé en certains endroits hasardeux et qu'il conviendra, lors de cette expédition d'est en ouest de repréciser, relevés GPS à l'appui.
François-Michel Le Tourneau, directeur de recherche au CNRS et docteur en sciences de l'information géographique, est à l'origine de ce raid, mené conjointement avec les légionnaires du 3e Régiment Etranger d'Infanterie basé à Kourou.
Scientifique de terrain, le géographe qui a déjà effectué plusieurs missions dans la forêt amazonienne, est rompu à cet exercice dans des conditions de vie ou de survie extrêmement pénibles: «c'est la première fois que ce parcours va être effectué d'est en ouest et d'une seule traite», a-t-il expliqué à l'AFP.

- Un périple harassant -
«Notre colonne sera constituée d'une quinzaine de légionnaires, de deux botanistes Français et Britannique et de deux guides de forêt brésiliens. Nous rejoindrons d'abord en pirogue sur le fleuve Maroni à partir du gros bourg de Maripasoula, la borne »0« de trijonction à l'est, aux frontières de la Guyane, du Surinam et du Brésil», a-t-il précisé.
Avec 25 à 30 kg de matériel sur le dos, progressant difficilement dans la jungle à la «vitesse» de 1 km/h, grimpant et descendant les incontournables collines successives des monts Tumuc Humac pour un dénivelé total positif de 15.000 m, la colonne scientifico-militaire avançant sans layonnage (coupes dans la forêt pour tracer un sentier) entend atteindre après une quarantaine de jours, à l'ouest et à raison d'une douzaine de km par jour, son objectif vers le 20 juillet, à la source du fleuve Oyapock.
Côté scientifique, les deux botanistes, le Français Guillaume Ordonne du CNRS Guyane et le Britannique William Milliken du Jardin Royal Botanique de Kew à proximité de Londres, procéderont à des inventaires de la biodiversité et à des prélèvements de la flore sauvage, propres à enrichir les collections existantes.
Le volet géographique consistera en l'élaboration et la mise à jour à l'aide de GPS dernier cri, de la cartographie de cette frontière par certains endroits encore aléatoire, située au coeur d'un espace naturel de plus de 80.000 km2 couvert par deux parcs nationaux, français et brésilien.

- Souveraineté régalienne -
«Nous allons accomplir une mission de souveraineté régalienne», souligne pour sa part le colonel de la Légion Alain Walter qui, à la tête de son 3e REI (baptisé régiment de la Selva) a déjà participé dans la forêt de Guyane aux opérations militaires Harpie et Titan, traquant les orpailleurs clandestins venus pour la plupart du Brésil.
La tâche de sa quinzaine de légionnaires du «raid des 7 bornes», va s'articuler en deux volets.
Le premier est de rechercher d'éventuelles traces de présence ou passage transfrontière de l'homme dans cette région officiellement vide de toute activité humaine.
«Nous devrons nous assurer qu'il n'y a pas d'itinéraires d'infiltration depuis le Brésil ouverts à tous les trafics et bien entendu d'orpailleurs clandestins», a-t-il déclaré à l'AFP.
Le second volet de la mission militaire est aussi de tester de nouveaux matériels -notamment armement et transmission- plus légers et mieux adaptés sur ce terrain amazonien, ainsi que, sur le plan de la santé, la capacité d'adaptation et de résistance physique et psychologique des hommes crapahutant dans ce milieu très inhospitalier.
Les monts Tumuc Humac auxquels va s'attaquer la colonne des «7 bornes», ont déjà écrit une page funeste dans le grand livre de l'exploration française: en 1950, c'est au coeur de cette pieuvre verte que disparut à jamais le jeune explorateur Raymond Maufrais (24 ans à l'époque), parti en solitaire pour une mortelle traversée vers le Brésil.

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