Massacrés par dizaines de milliers pour l'ivoire, les éléphants ont
encore en Afrique un sanctuaire à peu près inviolé, le Botswana, où les
forces de l'ordre sont encouragées à tirer à vue sur les braconniers.
«Les
éléphants viennent trouver refuge dans notre pays», affirme le ministre
de l'Environnement et du Tourisme Tshekedi Khama, frère du chef de
l'Etat Ian Khama: «Et nous allons continuer à les aider. Parce que si
nous ne prenons pas soin de l'espèce, qui va le faire? Nous sommes leur
voix.»
«Si vous entrez dans notre pays avec une arme pour tirer
sur nos ressources naturelles (...) et si vous pensez en ressortir
vivant, vous allez être déçu. Et je ne vais pas m'excuser pour ça. C'est
comme ça que ça marche», a-t-il mis en garde, dans une récente
interview accordée à l'AFP en marge d'une conférence internationale sur
la sauvegarde des éléphants, à Kasane (nord), près de la frontière
namibienne.
«Pendant notre recensement de 2014», témoigne Mike
Chase, cofondateur de l'ONG Eléphants sans frontières, «nous avons
trouvé 18 carcasses fraîches d'éléphants. Pas un seul n'avait été tué
par des braconniers, ce qui souligne le succès du programme
anti-braconnage du gouvernement botswanais.»
Après 110 heures de
survol du pays, en juin, le Dr Chase a estimé à 130.000 le nombre
d'éléphants résidents. Soit plus d'un quart des 470.000 survivants
encore en liberté dans toute l'Afrique.
Selon les experts,
l'espèce est désormais menacée de disparition d'ici une à deux
décennies, au rythme de 20.000 à 30.000 tués chaque année pour alimenter
le marché asiatique - essentiellement chinois - de l'ivoire.
- 'Tolérance zéro' -
Pour
tenter de sauver ses éléphants, le Botswana a suivi les recommandations
des récentes conférences internationale sur la sauvegarde de l'espèce,
en organisant une coopération apparemment efficace de tous ses services:
rangers dans les parcs, police, justice, douanes et renseignement.
En
outre, toute forme de chasse a été interdite sur le territoire, et la
justice comme les rangers priés d'appliquer la «tolérance zéro» pour les
crimes contre l'environnement.
Malgré une cohabitation parfois
difficile entre pachydermes et communautés rurales, le pays fait donc
aujourd'hui figure de modèle en matière de préservation des espaces
naturels. Le ministère de l'Environnement et du Tourisme y est
d'ailleurs un portefeuille clé, le tourisme étant le deuxième
contributeur au budget de l'Etat après l'extraction du diamant.
«Le
Botswana est un des pays leaders en Afrique en terme de protection de
la nature», confirme Gerhard «Gutz» Swanepoel, propriétaire d'une agence
de safari photographique à Kasane. C'est, dit-il, un des derniers pays
«à essayer de garder de l'espace pour laisser (les animaux) aller et
venir à leur gré comme au bon vieux temps...»
L'espace, il est
vrai, n'est pas un souci au Botswana. Un peu plus grand que la France
avec 582.000 km2, le territoire ne compte que 2 millions d'habitants,
essentiellement regroupés dans le sud, autour de la capitale Gaborone.
Le désert du Kalahari et les zones humides du nord, autour du célèbre
delta de l'Okavango, sont les principales destinations touristiques.
Les parcs nationaux ne sont pas clôturés. Les frontières internationales non plus.
«Les
éléphants détruisent nos champs toutes les semaines», se plaint
d'ailleurs Richard Mbanga, le chef du village de Mabele (nord). L'Etat
assure qu'il compense financièrement les dégâts provoqués. Mais les
villageois, eux, jurent qu'on ne leur reverse «que 10 à 20% de la valeur
des cultures détruites».
La protection dont ces géants
encombrants jouissent dans le pays risque d'ailleurs de multiplier les
conflits avec les humains: «Ces animaux sont très intelligents.
Lorsqu'ils sont perturbés quelque part, ils se déplacent vers un endroit
où ils savent qu'ils seront en sécurité», explique Mike Chase: «Au
Botswana, beaucoup de nos éléphants sont en fait des réfugiés
politiques, qui ont fui la persécution dans les pays frontaliers»,
Zimbabwe et Zambie notamment.
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