vendredi 22 mai 2015

Business et climat : les entreprises montrent patte verte

Le Business & Climate Summit a rassemblé quelque mille participants lors de son ouverture hier à Paris. Soumises à une forte attente de la part des gouvernements et des consommateurs, les entreprises ont déclaré avoir changé.


C'était le thème de la plénière d'ouverture du Business & Climate Summit hier à Paris, à l'Unesco, où se pressait un public attentif : le climat du monde des affaires a changé. D'après le rapport We Mean Business, les plus grandes compagnies reçoivent un taux de retour de plus de 20% pour leurs investissements à bas carbone. Ce qui est le signe qu'entreprises et investisseurs, parce qu'ils peuvent tirer profit de la transition vers une économie décarbonée, sont "plus engagés que jamais en faveur d'action audacieuses pour le climat". Dans le "Manifeste" diffusé pour la circonstance, le MEDEF considère que le combat contre le changement climatique est "une immense opportunité pour notre pays, une opportunité fantastique de créer de la croissance et des emplois sur notre territoire". En bref, ce qui est bon pour le climat est bon pour les affaires, ont martelé les participants.
Verte et fossile, une croissance à double face
Une brochette de patrons d'entreprise ont tour à tour exprimé ce qui avait "changé" dans leur monde. Le PDG de Carrefour, Georges Plassat, estime que nous sommes tous concernés par la survie au réchauffement climatique, et que son entreprise, par diverses mesures, dont la suppression des gaz nocifs dans ses systèmes de réfrigération, s'inscrit dans une synergie avec ce grand mouvement sociétal de prise de conscience. Marcelo Strufaldi Castelli, PDG de l'entreprise brésilienne Fibria, premier producteur mondial de pâte d'eucalyptus, a plaidé pour le maintien des forêts comme puits de carbone et pour la mobilisation de technologies plus efficientes. Eldar Saetre, PDG de Statoil, s'est déclaré favorable à une taxe carbone (d'ores et déjà en vigueur en Norvège) : "Nous continuerons à produire du pétrole et du gaz pour longtemps. Mais il n'y a pas de contradiction entre la production de fossiles et les énergies renouvelables".
Les efforts des entreprises sont-ils mesurables ? Comment distinguer entre action réelle et greenwashing, interrogeait le public ? Seule femme à la tribune, Christina Figueres, Secrétaire exécutive de la Convention des Nations unies sur les changements climatiques, tempère : "Ce qui compte, c'est d'être tous sur le même chemin. On ne part pas du même point. Chacun doit commencer à réduire son empreinte écologique et la mesurer". Le PDG de Fibria a assuré avoir préservé 40.000 hectares de biodiversité cette année. Statoil investit dans la séquestration du CO2, l'efficacité énergétique et la réduction du torchage. Carrefour réduit les emballages et les kilomètres parcourus par ses produits. Au final, "ça ne ne nous coûte rien", se félicite le PDG de Carrefour. "En réalité, ça économise même de l'argent", corrobore Christina Figueres.
Stabiliser les quotas... en 2019
Venu clore cette première table ronde aux côtés du PDG de Saint-Gobain, Pierre-André de Chalendar, et de Jean-Pascal Tricoire, PDG de Schneider Electric, le Président de la République François Hollande a rappelé que le temps presse. "Ce qui se joue à Paris, c'est l'avenir de la planète, c'est aussi la transformation du monde. Sinon, notre planète sera de plus en plus difficile à vivre, avec des défis industriels de plus en plus difficiles. Ou alors nous parvenons à un accord. Alors une révolution s'opère dans les modes de développement et dans les modes de vie dans les prochaines décennies. C'est pourquoi les entreprises sont essentielles, dans les innovations et dans la croissance verte. A deux cents jours de la COP21, il y a urgence à trouver un consensus".
Le Président a évoqué le "Dialogue de Petersberg", initié en 2010 par la chancelière allemande Angela Merkel, qui s'est tenu à Berlin les 18 et 19 mai en présence de 35 ministres, venus du monde entier. A cette occasion, les deux dirigeants ont annoncé avoir posé "fermement" la question du prix du carbone. François Hollande a annoncé que la réserve de stabilité de quotas de CO2 prendrait effet en janvier 2019 et permettrait de résorber les excédents de quotas : "Ce marché du carbone aura des conséquences sur les décisions. Janvier 2019, cela peut paraître tardif mais c'est compatible avec l'accord de Paris".
Le rapport Stern-Calderon (du nom de Nicholas Stern et de Felipe Calderon, respectivement économiste britannique et ancien président du Mexique), dont la traduction française vient d'être publiée, formule un plan mondial assorti de dix recommandations pour fonder une "Nouvelle Economie climatique". Parmi celles-ci, l'élimination graduelle des subventions aux énergies fossiles et aux intrants agricoles ainsi que les incitations à l'expansion urbaine tentaculaire et l'introduction de prix du carbone forts et prévisibles dans le cadre d'une réforme fiscale juste.
"Un prix, un prix, un prix, donner un gros prix au carbone, voilà ce qu'il faut faire", a martelé Angel Gurria, secrétaire général de l'OCDE, à l'issue de la première journée. Christina Figueres a plaidé pour un marché carbone unifié. La plupart des intervenants se sont déclarés favorables à un prix du carbone. Mais alors, puisque monde des affaires et politiques sont unanimes, puisque le monde de l'entreprise a changé, à quand des mesures à la hauteur ?

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