Moins de pétrole, plus de menaces climatiques
Les bureaux de Total ont beau trôner sur le front de mer de Libreville, la stratégie de développement du pays ne fait plus la part belle aux hydrocarbures. «Le pétrole peut être un carburant de l’émergence, mais ce n’est pas un modèle durable», affirme Tanguy Gahouma-Bekale, qui dirige le Conseil national climat (CNC). Les chiffres parlent d’eux-mêmes: depuis la fin des années 1990, la production pétrolière chute, passant de plus de 365.000 barils par jours en 1997 à 230.000 aujourd’hui. Les experts tablent désormais sur une diminution de la production de 5% par an.Le Gabon redoute également les effets du réchauffement climatique. A Port-Gentil, une hausse de 2 mètres du niveau de la mer engloutirait la totalité de la deuxième ville du pays et à Libreville, de nombreuses zones en construction ne résisteraient pas à une montée des eaux ou à des tempêtes plus violentes. L’arrivée de réfugiés climatiques inquiète également les Gabonais. «Ce n’est pas au Gabon que la crise climatique sera la plus forte, note Lee White, secrétaire exécutif de l’Agence nationale des parcs nationaux (ANPN). Mais lorsque des centaines de millions de Nigérians n’auront plus ni à boire ni à manger à cause de la désertification, où vont-ils aller?»
Accueillir 100.000 touristes d’ici à cinq ans
Face à ces menaces, le Gabon veut se développer en capitalisant sur ses «trésors naturels»: «On estime qu’un hectare de mangrove vaut entre 10.000 et 30.000 euros par an en termes de services écosystémiques. Le Gabon dispose de 50% des mangroves protégées d’Afrique de l’Ouest», chiffre Lee White. La création des treize parcs nationaux en 2002 visait ainsi à préserver ces acteurs de l’économie que sont les okoumés, les palétuviers, les vasières… «Si vous avez déjà mangé des crevettes ou du capitaine, vous avez bénéficié des services de la mangrove où les poissons viennent frayer, illustre le chef de l’ANPN. Quand le parc national des monts de Cristal protège la forêt tropicale, il protège aussi les bassins versants des barrages qui produisent de l’électricité.»Les parcs nationaux sont également le fer de lance du développement de l’écotourisme au Gabon: le pays veut accueillir environ 100.000 touristes par an à l’horizon 2020. Le projet «Arc d’Emeraude», financé à 75% par l’Agence française de développement (AFD) sous la forme d’un accord de conversion de dettes de 11 millions d’euros, permettra dès 2017 aux citadins, écoliers et touristes de s’immerger dans la nature grâce à des circuits de découverte et des activités de loisirs. «Le but de ce projet est aussi de pérenniser les parcs nationaux en les installant dans le cœur des gens», estime Mathieu Ducrocq, assistant technique du programme Arc Emeraude.
Car aujourd’hui le seul garant de la pérennité de ce «Gabon vert», bientôt doublé d’un «Gabon bleu» avec la création de parcs marins protégés sur un quart de la zone économique maritime du pays, est le président Ali Bongo, qui mettra son mandat en jeu lors des élections présidentielles de 2016. Pour Eric Arnhem, membre de l’ONG Wildlife Conservation Society qui co-finance le projet «Arc d’Emeraude», le risque de voir la politique verte du Gabon «retomber comme un gros soufflé» n’est pas nul: «Il suffirait d’un revirement politique», estime-t-il.
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