dimanche 31 mai 2015

Un Européen sur trois reste exposé à l'amiante

15 des pays membres de la zone Europe de l'OMS n'ont toujours pas interdit l'utilisation de l'amiante.
Près de 300 millions d'européens vivent dans des pays qui n'ont pas interdit l'utilisation de l'amiante, s'exposant ainsi à ce matériau hautement toxique dans leur milieu de travail et dans leur environnement, selon un récent constat de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Dans les pays où l'amiante est interdit, comme en France depuis 1997, la population y reste néanmoins exposée car des millions de mètres carrés de matériaux amiantés sont encore en place dans de nombreux bâtiments.
En 2010, les 53 États membres de la région Européenne de l'OMS avaient pourtant promis de mettre en place des mesures, d'ici la fin 2015, visant à éliminer les maladies liées à l'amiante. Un premier bilan réalisé à quelques mois de l'échéance fixée révèle que 15 de ces États continuent d'utiliser de l'amiante. Alors que les 6 variétés d'amiante sont classées cancérigènes depuis 1977 par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), les frondeurs, principalement d'anciennes républiques soviétiques comme la Fédération de Russie, le Kazakhstan, ou encore le Kirghizstan, font fi de leurs promesses.

Intérêts industriels

Il n'était donc pas étonnant que ces trois pays, ainsi que le Zimbabwe, soient les seuls à s'opposer à l'inscription de l'amiante chrysotile sur la liste des produits chimiques et pesticides dangereux à la Convention de Rotterdam. Cet événement, qui s'est tenu à Genève il y a deux semaines, a réuni 150 pays afin de statuer sur la dangerosité de cette variété d'amiante la plus commercialisée. Marc Hindry, chargé des questions internationales pour l'Andeva et Professeur à l'Université Paris Diderot était présent: «L'idée est d'obliger les pays exportateurs de produits toxiques à informer les pays importateurs. Ce n'est pas juridiquement contraignant, puisque les produits inscrits ne sont pas interdits, mais cela améliore la conscience du risque et la prévention».
Mais cette année encore, l'amiante passe à travers les mailles du filet. «Le mode de scrutin suit une règle traditionnelle de diplomatie: la décision doit se faire par consensus. Il suffit d'un seul pays qui objecte pour que le produit ne soit pas inscrit», explique Marc Hindry, «La Russie est le premier producteur d'amiante, avec un million de tonnes par an, tandis que le Kazakhstan est le troisième exportateur au monde. Pour ce qui est du Zimbabwe, leurs mines d'amiante sont actuellement fermées mais certains industriels comptent sur leur réouverture prochaine».

«The magic mineral»

Il faut dire qu'il est difficile de renoncer à celui que les anglo-saxons surnommaient le «magic mineral». En plus d'avoir un coût de revient faible, l'amiante est également connu depuis plus de 2.000 ans pour ses remarquables propriétés isolantes et ininflammables. On le trouvait notamment dans les vêtements de protection contre la chaleur, dans les freins et embrayages de voitures, mais surtout dans les éléments de construction des bureaux, bâtiments industriels et habitations.
Le problème, c'est sa nocivité extrême. Lorsque les matériaux ou produits contenant de l'amiante sont percés, découpés, poncés ou qu'ils subissent simplement l'usure du temps, ils libèrent des fibres, d'un diamètre 300 à 10.000 fois plus fin que celui d'une tête d'épingle. Invisibles dans les poussières de l'atmosphère, elles pénètrent profondément notre appareil respiratoire, s'y enfoncent jusqu'à se déposer au fond des poumons. Les expositions courtes et répétées aux poussières d'amiante peuvent provoquer de graves maladies respiratoires et entraîner la mort. La question de la maintenance et de la rénovation des bâtiments contenant de l'amiante est donc très préoccupante.

Maladies redoutables

L'inhalation de ces fibres est à l'origine de maladies particulièrement redoutables. De l'asbestose, qui se manifeste par une insuffisance respiratoire chronique due à la destruction des tissus pulmonaires, mais également de deux types de cancers: le cancer broncho-pulmonaire et le mésothéliome, qui affecte le revêtement des poumons (la plèvre). Mais les dégâts de l'amiante ne s'arrêtent pas aux poumons. En 2009, le Centre international de recherche sur le cancer a ajouté deux nouveaux cancers sur la liste des maladies professionnelles causées par l'amiante: le cancer des ovaires et celui du larynx. Ces maladies causées par les fibres tueuses se déclarent après un temps de latence très important, entre 20 et 40 ans en moyenne après le début de l'exposition.

Entre 68.000 et 100.000 décès d'ici 2050

Et le bilan humain a de quoi faire pâlir les autorités publiques. «Nous ne pouvons pas nous permettre de perdre près de 15.000 vies chaque année en Europe, surtout des travailleurs, en raison des maladies causées par une exposition à l'amiante. Chaque décès de ce type peut être évité», a déclaré le docteur Zsuzsanna Jakab, directrice régionale de l'OMS pour l'Europe. L'OMS a d'ailleurs estimé à 1,5 milliards d'euros par an le coût de la mortalité due aux mésothéliomes dans les 15 pays qui n'ont pas interdit l'amiante.
En France, une étude publiée au début du mois de janvier par l'Institut national de veille sanitaire (INvS) a estimé que l'exposition professionnelle à l'amiante serait responsable de 2.200 à 5.400 nouveaux cas de cancers et de 1.700 décès chaque année. Dans un rapport paru en 2014, le Haut conseil de la santé publique prévoit que l'amiante devrait être responsable de 68.000 à 100.000 décès d'ici 2050, essentiellement dus au cancer du poumon ou au mésothéliome. En plus d'un véritable problème de santé publique, l'amiante pourrait bien être une bombe à retardement.

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