Des millions de pneus ont été immergés dans les mers et océans à
partir des années 1960 avec l'idée d'en faire des récifs artificiels. Un
demi-siècle après, le bilan n'est pas réjouissant et la France commence
à extraire les siens pour stopper les détériorations du milieu marin.
Selon
des publications scientifiques, environ 200 sites à travers le monde
ont accueilli ces décharges immergées, notamment en Amérique du Nord, en
Asie, en Australie, au Moyen-Orient ou en Europe. Parmi les principaux
pays adeptes de cette pratique: les Etats-Unis, la Malaisie, Israël et
la France.
Dans ce dernier pays, l'Agence des aires marines
protégées a entrepris cette semaine de retirer une partie des 25.000
pneus immergés dans les années 1980 en Méditerranée, entre les villes de
Cannes et d'Antibes, sur la Côte d'Azur.
Le récif, comme d'autres
dans le monde constitués de pneus attachés les uns aux autres, n'a pas
résisté à la houle et aux courants. Les pneus se sont éparpillés,
détériorant le paysage sous-marin et les écosystèmes voisins. Ces récifs
«présentent une colonisation nettement moindre que les récifs en béton
(40% de moins)», constate l'Agence.
«Si la colonisation n'a jamais
eu lieu, c'est parce que les pneus usagés sont recouverts
d'hydrocarbures et que leur décomposition progressive libère dans
l'environnement des métaux lourds toxiques pour les organismes marins»,
explique à l'AFP Jacky Bonnemains, porte-parole de l'association
écologiste Robin des Bois.
«Les pneus ne font pas partie du milieu
marin!», lance, comme une évidence, Gérard Véron, du laboratoire des
ressources halieutiques de l'Institut français de recherche pour
l'exploitation de la mer (Ifremer), en mentionnant les «produits
toxiques» qui en émanent.
L'opération de retrait pilote menée dans
le sud de la France porte sur quelque 2.500 pneus. Après évaluation, la
totalité de ces pneus pourrait être retirée en 2016, afin de «restaurer
le milieu marin», selon l'Agence des aires marines protégées, basée à
Brest (ouest).
Ils avaient été immergés sur ce site, le plus
important en France, afin de développer la production halieutique et
soutenir la pêche professionnelle artisanale, en recréant un habitat
artificiel dans une zone qui en était dépourvue. A l'époque, les pneus
étaient jugés «non polluants» et «totalement inertes», rappelle
l'Agence.
- Poteaux électriques et cages d'escalier -
Créer
des récifs artificiels s'est toujours fait dans de nombreuses régions
du monde, fait valoir l'Organisation maritime internationale (OMI). Il y
a trois mille ans, des pierres servant à lester les cages à filet pour
la pêche au thon avaient ainsi été abandonnées en Méditerranée,
s'accumulant et formant avec le temps des sites qui attiraient les
poissons.
Afin d'augmenter la ressource, notamment sur la façade
méditerranéenne, la France a recyclé à partir de 1968 des matériaux
usagés comme des poteaux électriques, des cages d'escalier en béton, des
épaves , puis des pneumatiques.
La France compte 90.000 m3 de
récifs artificiels, selon l'Agence des aires marines, largement
distancée en la matière par le Japon, qui reste au premier rang mondial
des volumes immergés avec plus de 20 millions de m3, essentiellement
dans un objectif halieutique.
Les Etats-Unis arrivent en deuxième
position avec plus de 1.000 sites aménagés. En Floride, près de deux
millions de pneus ont été placés en 1972 dans les eaux au large de Fort
Lauderdale, sur proposition du géant américain du pneumatique Goodyear.
«Goodyear
avait dit +ça va être utile aux pêcheurs et à la mer+», se souvient
Jacky Bonnemains. «C'était pour donner à une action volontaire d'abandon
de déchets dans l'environnement un verni d'utilité», estime
l'écologiste.
En Floride comme ailleurs, suite aux nombreuses
tempêtes et ouragans, les pneus ont fini par se défaire de leurs liens
et sont venus s'échouer sur les plages tout en endommageant les récifs
coralliens environnants.
«La menace est sérieuse», juge sur son
site internet le département de protection de l'environnement de l'Etat
de Floride, qui a procédé à un retrait partiel de pneumatiques entre
2007 et 2010. Il note dans le même temps «la complexité» et «l'ampleur
du défi» pour la protection de l'environnement.
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