Le Maroc possède la principale cédraie du bassin méditerranéen, sur
134.000 hectares, mais l'écosystème des cèdres est menacé par le
dérèglement climatique et la pression des hommes, et le pays cherche
désormais à protéger ce précieux patrimoine végétal.
Essence
noble des forêts marocaines, le «Cedrus atlantica» est peu connu
comparé à son cousin libanais, le «Cedrus libani» - même si celui-ci,
victime de la déforestation, ne couvre désormais plus que 2.000 hectares
au Liban, le «pays du Cèdre».
Au Maroc pourtant, le cèdre est
considéré comme un «trésor national», parce qu'il est à la fois atout
touristique, gagne-pain des bergers et arbre dont le bois est très prisé
des ébénistes. Une demande de classement en «réserve de biosphère» et
«patrimoine mondial» est à l'étude.
Près d'Azrou, au cœur du
massif du Moyen-Atlas, où sont recensées les plus vastes étendues, le
«cèdre Gouraud», 42 m de haut et 900 ans d'âge, symbolise aussi bien la
majesté que la fragilité de l'espèce: ce spécimen rare, qui porte le nom
d'un officier français du temps du protectorat, est mort sur pied --
mais il continue de fasciner les touristes.
«Ici, c'est la Suisse
du Maroc! C'est vraiment très beau», s'enthousiasme Badreddine, un jeune
Tunisien en visite à Azrou sur les conseils d'un ami, dans ce lieu où
les touristes viennent souvent en famille et pique-niquent aux abords de
la cédraie.
Pour autant, depuis les années 1980, le cèdre
marocain souffre. Il subit à la fois les effets du climat, dont des
périodes de sécheresse entre 1980 et le début des années 2000, et ceux
des activités humaines au sens large.
Pour le secrétaire général
du Haut-commissariat aux Eaux et Forêts et à la lutte contre la
désertification (HCEFLCD, officiel), Abderrahim Houmy, la «vraie menace»
est aujourd'hui le dérèglement climatique.
«Si rien n'est fait, à
moyen et long termes, la baisse des précipitations, l'augmentation des
températures et les +phénomènes extrêmes+ comme les inondations
changeront l'aire de répartition des cèdres», prévient-il.
Déjà,
«le déficit hydrique, couplé à la sédentarisation des troupeaux, a donné
lieu au dépérissement du cèdre», explique Abderrahim Derrou, directeur
du parc national d'Ifrane, créé il y a plus de dix ans pour protéger
l'ensemble de l'écosystème et œuvrer au reboisement.
Sédentarisation ? Avec 800.000 ovins, bovins et caprins, la région accueille en effet l'un des plus importants cheptels du pays.
- 'Si la forêt s'en va...' -
Au
nom de la préservation des cèdres, une politique associant les
populations locales a été mise en place prévoyant la délimitation des
zones de pâturages et le versement d'indemnités aux bergers pour leur
permettre d'acheter des fourrages en période de disette.
«Si la
forêt s'en va, tout partira. Les gens ici ne le savent que trop bien»,
témoigne auprès de l'AFP un berger d'Aïn Leuh. Ici, «les conditions de
vie sont difficiles...»
La cédraie est aussi attaquée
indirectement par le singe magot, seul macaque du continent africain à
l'état sauvage. Autour du cèdre, de petites échoppes vendent des
cacahuètes que des centaines de touristes distribuent à cette autre
curiosité de la région, sans réaliser que cette nourriture modifie le
régime alimentaire du magot et donc l'écosystème des cèdres.
Autre
souci: l'abattage clandestin. Un mètre cube de cèdre peut se vendre
jusqu'à 14.000 dirhams (près de 1.300 euros) mais beaucoup moins au
marché noir. Les braconniers opèrent généralement de nuit et abattent
parfois des arbres centenaires pour ne prélever au final que quelques
mètres, afin de faciliter leur fuite.
Armé de sa tronçonneuse,
Miloud Bouyekhf assure, lui, ne couper que les arbres marqués par les
«Eaux et Forêts», dont l'exploitation est strictement encadrée.
Tendre
et parfumé, «ce bois, c'est de l'or», dit-il. «Quand on travaille dans
le respect de la loi, même la sciure est récupérée et réutilisée»,
notamment dans les pépinières.
Abderrahim Houmy, le secrétaire
général du HCEFLCD, se veut plutôt rassurant. «Les coupes irrégulières
ne représentent que 10 hectares» de cèdres, sur les quelque 130.000 ha
du pays, dit-il.
Il n'empêche. Les pouvoirs publics disent avoir
engagé la lutte contre l'abattage clandestin. Début mai, un forestier a
trouvé la mort dans un accident de la route, lors d'une course-poursuite
en pleine forêt avec des braconniers, près d'Aïn Leuh.
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