L'écologie est une idée neuve au Panama : le ministère de l’environnement fait ses premiers pas, depuis sa création, fin mars.
La nouvelle ministre a le triomphe modeste, mais tout le monde
crédite Mirei Endara, 46 ans, de l’élévation de l’Autorité nationale de
l’environnement (ANAM) au rang de ministère.
« Beaucoup de gens ont contribué à l’émergence de ce ministère »,
assure la ministre Endara, en référence aux associations et aux
communautés qui ont contribué à la prise de conscience de l’opinion.
Trente-cinq organisations non gouvernementales (ONG) étaient parvenues à
évoquer l’écologie au cours des deux dernières campagnes électorales.
Le président Ricardo Martinelli (2009-2014) est resté sourd à cette
problématique. Son successeur, Juan Carlos Varela, qui a pris ses
fonctions en juillet 2014, en avait fait une promesse de campagne, qu’il
a tenue.
Les gratte-ciel extravagants qui donnent au Panama des allures de
Dubaï des Caraïbes ne témoignent pas précisément d’une option vers le
développement durable. La ministre en convient : « Depuis 1997,
l’ambiance politique n’était pas propice, car l’orientation vers moins
d’Etat privilégiait des petites structures autonomes comme l’ANAM.
Maintenant, nous pourrons faire entendre notre voix au sein du
gouvernement. » Le ministère se trouve à Albrook, un de ces quartiers de Panama qui appartenaient à la « Canal Zone »
des Américains. Tout autour de la voie interocéanique on trouve des
bâtiments identiques et alignés, comme dans une caserne, rappelant que
les Etats-Unis avaient installé leur principale base militaire régionale
à proximité du canal de Panama.
« Pour les Panaméens qui travaillent dans les banques ou les services, l’environnement n’est pas une évidence de tous les jours, admet Mirei Endara. Toutefois,
la sécheresse et le manque d’eau, les incendies et les inondations font
les manchettes. A nous de faire le lien entre ces événements et une
vision à long terme. Même la capitale a des problèmes de tout-à-l’égout
et de traitement des ordures. Ricardo Martinelli a consacré 800 millions
de dollars [740 millions d'euros] au goudronnage d’un tronçon du bord de mer : avec cette somme, on aurait pu régler la pénurie d’eau. »
Le barrage de Barro Blanco contesté
L’ancien président s’est enfui aux Etats-Unis pour échapper à la
justice, qui enquête sur les malversations de son gouvernement et a déjà
placé en détention plusieurs de ses plus proches collaborateurs.
M. Martinelli a laissé en héritage un cadeau empoisonné à la nouvelle
ministre de l’environnement : la construction du barrage de Barro
Blanco, sur la rivière Tabasara, un fleuve magique pour les communautés
indigènes Ngöbe-Buglé. Le projet vient enrichir les ressources
hydroélectriques de la province de Chiriqui, dans le nord du pays. La
production dépasse les capacités de la ligne électrique reliant cette
région à la capitale, ce qui oblige le Panama à exporter l’excédent
d’électricité.
L’affaire a été confiée à une entreprise du Honduras, Genisa, qui a
obtenu un financement allemand (DEG) et hollandais (FMO). A en croire
les détracteurs, l’étude d’impact environnemental a été bâclée. En tout
cas, les responsables ont omis de consulter les populations locales,
dont les terres seront inondées. Les conventions des Nations unies sur
les droits des peuples indigènes en faisaient une obligation.
« On aurait pu éviter la tension entre les promoteurs de Barro
Blanco et les communautés indigènes si l’autorisation préalable des
populations locales avait été requise, déplore Mirei Endara. L’étude
d’impact environnemental n’est pas aussi complète qu’on aurait pu le
souhaiter, mais elle a été approuvée par la Cour suprême. L’usine
hydroélectrique ne pourra pas être opérationnelle sans arriver d’abord à
un accord avec les habitants de la zone. »
La ministre de l’environnement, avec d’autres membres du gouvernement
et le représentant de l’ONU au Panama, tente une médiation. Une « table de dialogue »
a été installée dans la région. Les dirigeants Ngöbe-Buglé les plus
radicaux dénoncent le piège et n’envisagent rien d’autre que l’abandon
de Barro Blanco, dont l’avancement serait de l’ordre de 30 %. « L’inondation
des terres indigènes toucherait à peine 5,4 hectares, mais les
populations sont offusquées, indignées même, parce qu’on ne les a pas
respectées ; les promoteurs ont fait comme si elles n’existaient pas, explique la ministre Endara. Aucun projet hydroélectrique ne vaut une vie humaine, a dit le président Varela. »
Barro Blanco n’est pas le seul souci de la ministre : elle souhaiterait aussi préserver la forêt tropicale du Darien, le « mur vert » qui sépare le Panama de la Colombie. La route panaméricaine, qui relie l’Alaska à l’Argentine, s’arrête devant le « tampon de Darien »,
barrière naturelle longtemps opposée aux trafiquants et aux guérilleros
colombiens. Aussi bien la marchandise légale que la contrebande doivent
emprunter la mer pour franchir la distance. Seulement, un projet de
route est à l’étude, au nord du parc naturel qui protège la faune, la
flore et les Indiens de la région. Et ces derniers ne sont plus seuls,
la colonisation commence à repousser les limites du parc, des conflits
entre paysans et autochtones éclatent.
« La déforestation fait des ravages parce que l’Etat s’est montré incapable d’appliquer les normes d’exploitation du bois, affirme Mirei Endara. Une route signerait la fin de la région. » La ministre rêve d’un tourisme durable, d’un « tourisme vert »,
à l’instar du Costa Rica. Les touristes viennent au Panama pour
connaître le canal et pour faire des courses, profitant le la zone
franche de Colon.
Au récent Sommet des Amériques, les 10 et 11 avril, plusieurs
présidents ont évoqué le changement climatique. La conférence s’est
pourtant achevée sans adopter de déclaration finale, faute de consensus.
Le Venezuela et ses alliés ne veulent pas d’accord avec les pays du
Nord, le Brésil a sa propre stratégie. « Jusqu’à ce jour, l’Amérique latine n’a pas de position commune en vue de la conférence de Paris, et c’est bien dommage », conclut la ministre panaméenne.
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