Au coeur du pays champenois, c'est une mixture très éloignée du
célèbre breuvage effervescent que concocte Global Bioenergies: à partir
de sucre et de bactéries génétiquement modifiées, la start-up produit un
gaz qui sera ensuite transformé en essence ou en matières plastiques.
Sa
technologie, déjà éprouvée en laboratoire, est maintenant testée dans
une installation pilote pré-industrielle. Sur le site de la
bio-raffinerie de Pomacle-Bazancourt, à 15 km de Reims (Marne), la
fermentation a lieu dans une cuve de 500 litres. A l'intérieur, du
glucose ou du saccharose fourni par le groupe sucrier Cristal Union, et
des bactéries dont on a «réécrit le logiciel» pour qu'elles transforment
le sucre en un hydrocarbure gazeux, l'isobutène.
Le gaz issu de
la fermentation part ensuite dans une unité de purification, qui élimine
notamment l'acétone issu de la réaction pour isoler l'isobutène, une
des briques essentielles de la pétrochimie. Ce gaz, d'habitude extrait
du pétrole, permet après distillation de produire de l'essence, du
kérosène ou des additifs du diesel et des lubrifiants. Certains de ses
composants entrent aussi dans la fabrication du plexiglas, des
caoutchoucs et des peintures acryliques.
«Ce pilote est fait pour
produire des échantillons et prouver qu'on peut avoir un produit
purifié», a expliqué Antoine Genovesi, responsable du projet chez Global
Bioenergies, au cours d'une présentation du site aux investisseurs et à
la presse.
La semaine dernière, la société française a ainsi
livré à Audi le premier lot d'essence obtenu à partir de son processus.
Le groupe automobile allemand va désormais faire des tests avant de
faire rouler des voitures avec cette essence bio-sourcée.
Contrairement
aux bio-carburants classiques comme le bioéthanol, il s'agit en effet
de la même molécule que celle produite par la pétrochimie. Elle peut
donc être injectée dans les moteurs sans les modifier et sans limitation
de pourcentage, a souligné Marc Delcourt, le PDG de Global Bioenergies.
Sur
ce marché des biocarburants, qui bénéficie d'une forte incitation
réglementaire en Europe - les carburants devront en intégrer 10% d'ici à
2020 -, la production à partir de matières végétales peut être
compétitive face aux hydrocarbures fossiles à partir d'un baril de
pétrole à 50 dollars, estime le dirigeant.
Pour les plastiques et
les caoutchoucs, il faudrait qu'il redépasse 85 dollars, et, si le cours
du baril atteint les 150 dollars - niveau encore jamais atteint -, «les
immenses marchés de l'essence et du kérosène seront pleinement
accessibles», ajoute-t-il.
- Etape suivante déjà engagée -
En
attendant, le spécialiste de la chimie verte déroule sa stratégie de
croissance, avec la construction d'un démonstrateur industriel à Leuna,
dans l'est de l'Allemagne, qui produira dès le printemps 2016 des
quantités dix fois plus importantes que le site pilote de la Marne. Pour
cet investissement, le groupe a pu emprunter 4,4 millions d'euros
auprès de banques françaises, avec la garantie de Bpifrance, a souligné
M. Delcourt, qui y voit le signe d'une «confiance nouvelle» des banques.
L'étape
suivante est déjà engagée, puisque Global Bioenergies a annoncé jeudi
la création d'une coentreprise avec Cristal Union pour construire une
usine d'isobutène d'ici à 2018. Elle pourrait être située à Pomacle même
ou à Arcis-sur-Aube, près de Troyes, où est également implanté le
deuxième producteur de sucre français, à la recherche de nouveaux
débouchés en vue de la fin des quotas sucriers européens en 2017.
Pour
cet investissement de 115 millions d'euros, les deux groupes feront
appel à d'autres investisseurs lors de levées de fonds en 2016 et en
2017, avant une mise en route espérée pour 2018.
Si Bpifrance ou
des fonds régionaux devraient y participer, le projet suscite aussi
l'intérêt d'industriels, a assuré Bernard Chaud, PDG de la coentreprise,
baptisée IBN-One (IBN étant l'abréviation d'isobutène). Des groupes de
chimie, voire les filiales de carburants de groupes de distribution
seraient intéressés.
Et une société IBN-Two, pour l'instant
filiale à 100% de Global Bioenergies, vient d'être créée en Allemagne,
avec vocation également à «faire entrer un autre acteur».
La
société entend ainsi multiplier les projets, où elle n'aurait in fine
qu'une participation très minoritaire, et se rémunérer à hauteur de 5%
du chiffre d'affaires via un contrat de licence de sa technologie.
Déficitaire de 7,6 millions d'euros en 2014, elle vise la rentabilité en
2019.
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