L’équation est d’autant plus complexe que si la démographie est galopante, la taille de la planète reste la même : comment augmenter de 60 % la production alimentaire mondiale d’ici à 2050, sachant que seulement 10 % de la surface du globe est cultivable… et qu’il vaudrait mieux éviter d’accélérer les émissions de gaz à effet de serre, dont un quart est dû à l’agriculture ? 20 Minutes s’est rendu à Milan pour voir où en sont les réflexions.
Solution n°1 : Produire plus, plus, plus
La solution la plus simple serait de produire toujours plus : le Brésil table ainsi sur sa capacité à couvrir 40 % de la demande alimentaire mondiale en 2020 en exploitant les quelque 10 % de son territoire encore disponibles pour l’agriculture et l’élevage. La forêt amazonienne tremble. Peu de pays assument le choix de l’agriculture intensive, notamment à cause de ses impacts sur le climat et des méfaits des engrais chimiques et pesticides sur la santé humaine.Solution n°2 : Produire autrement
Par exemple, avec les systèmes aquaponiques, qui intéressent beaucoup les pays pauvres en eau. Ces cultures sont un genre de «gagnant-gagnant» agricole et piscicole qui consiste à faire pousser des plantes grâce aux nitrates déféqués par les poissons. Elles seraient jusqu’à six fois plus productives que les cultures au sol et utilisent 90 % d’eau en moins.Un système aquaponique, sur le pavillon de la Belgique.
Le poisson et les légumes, c’est bien pour les végétariens. Mais les Chinois, eux, c’est de la viande qu’ils veulent : leur consommation est passée de 20 kilos par an et par personne en 1980 à 50 kilos en 2007, a chiffré la FAO. Le problème, c’est qu’avant d’être un steak, un animal ça mange, ça boit, ça pète aussi parfois, et tout ça n’est pas très bon pour l’environnement.
Pour être écolo, faut-il être végétarien ?
Pourquoi ne pas faire pousser de la viande in-vitro, comme l’a déjà fait un laboratoire néerlandais ? Jean-François Hoquette, directeur de recherches à l’Inra, n’y croit pas. « La viande in-vitro émettrait beaucoup moins de CO2 que l’élevage, selon les premiers bilans carbone qui ont été réalisés, mais les hypothèses qu’ils utilisent sont très discutables. D’autre part, la viande in-vitro ne nourrira pas l’humanité, car si elle se développait, elle serait aux mains de firmes qui la feraient payer cher. »
« Frankenburger », le premier steak synthétique dégusté à Londres, avait un goût « assez intense »
Solution n°3 : Manger autre chose
Trouvons alors d’autres protéines à manger. Des algues et des insectes, par exemple. Les premières ont la capacité de pousser très rapidement, les seconds de ne pas avoir besoin de grand-chose pour grandir : produire une livre de criquets nécessite 3.000 fois moins d’eau et 10 fois moins de surface que pour le même poids de bœuf. La Belgique se targue d’avoir déjà commencé à commercialiser plusieurs espèces d’insectes, dont le Locusta migratoria (un criquet), le Zophobas astratus (un scarabée) ou le Bombyx mori, le papa du ver à soie.Les insectes, une nourriture d’avenir pas sans risque pour la santé
La Belgique, décidément visionnaire, a aussi une idée originale : mangeons les plantes sauvages. « L’homme mange seulement 200 espèces de plantes, alors que 50.000 sont comestibles », chiffrent les Belges. Une petite salade d’orties, de pissenlits ou de poireau sauvage pour accompagner votre tartare de criquet ?
Insectes, algues, tofu… Qu’allons-nous manger demain ?
Solution n°4 : La science, avec ou sans conscience
Nombre de pays mettent en avant les progrès scientifiques qui pourraient ici permettre de désaliniser l’eau de mer pour cultiver en plein désert (au Qatar), ailleurs de développer de nouvelles semences plus productives et moins gourmandes en eau (en Israël) ou de créer de nouvelles variétés de riz hybride (Chine). Mais personne n’ose prononcer le mot « OGM », qui semble tabou à l’Exposition universelle.Solution n°5 : Un problème ? Quel problème ?
Et si finalement, il n’y avait pas de souci à se faire ? « Ceux qui utilisent les deux chiffres magiques, 2050 et 9 milliards d’humains, sont les groupes agroalimentaires, qui prennent leur revanche après avoir été accusés de tous les maux, et les agriculteurs, qui veulent produire plus et qu’on arrête de les embêter avec l’environnement », n’hésite pas à dire Nicolas Bricas, socio-économiste au Cirad.Pour beaucoup de chercheurs, les tensions sur l’alimentation mondiale trouveraient plutôt leur solution dans un meilleur partage des ressources, en luttant contre le gaspillage et en se défaisant de la peur que le monde entier veuille consommer trois hamburgers par jour. « Croire que l’alimentation mondiale va s’occidentaliser, c’est croire que l’Occident va continuer à dominer le monde », lance François Attali, directeur marketing d’une grande coopérative laitière française. Un bon sujet pour la prochaine exposition universelle.
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