samedi 2 mai 2015

La richesse économique des océans dépend de leur bonne santé

Si, selon le WWF, leur richesse place aujourd'hui les océans au 7e rang des économies mondiales, l'ONG alerte des impacts socio-économiques de l'effondrement des stocks de poissons et des coraux, ainsi que du changement climatique.

Les océans du monde ont une valeur économique de 24.000 milliards de dollars US, chiffre le WWF dans un rapport paru le 23 avril. Réalisé avec le Global change Institute de l'Université du Queensland (Australie) et le cabinet conseil Boston consulting group (BCG), ce rapport est "le premier du genre à se pencher aussi précisément sur la question du patrimoine océanique", souligne l'ONG. Alors que les océans couvrent plus des deux tiers de la surface de la Terre, l'étude évalue leur capacité économique à fournir des biens et des services écosystémiques. Les océans "procurent de la valeur sous les formes les plus diverses, de l'alimentation au tourisme en passant par la protection des côtes".
Combien valent les actifs océaniques ?
Ainsi, les stocks halieutiques, les mangroves, les récifs coralliens et les herbiers marins – produits "directs" issus des océans - génèrent 6.900 milliards de dollars. La production mondiale de la pêche et de l'aquaculture était de 158 millions de tonnes en 2012, "avec les deux tiers produits par les océans", précise le rapport. Près de trois milliards de personnes dépendent du poisson comme "source importante de protéines animales". Pour de nombreux pays, la valeur économique des industries liées à la pêche atteint les 2.900 milliards de dollars. Les mangroves sont quant à elles présentes dans 123 pays et fournissent des services écosystémiques d'une valeur de 57.000 dollars par hectare et par an. Les récifs coralliens procurent également alimentation et emplois à "plusieurs centaines de millions" de personnes et en assurent aussi la protection contre "les tempêtes".
L'étude inclut également le commerce maritime (voies de navigation) qui rapporte 5.200 milliards de dollars ainsi que les activités touristiques (actif "adjacent" lié aux océans), estimées à 7.800 milliards de dollars. Autre contribution : la valeur des océans - qui absorbent 30% des émissions anthropiques de dioxyde de carbone (CO2) (via les mangroves) - est évaluée à 4.300 milliards de dollars.
Calculé de la même manière que le PIB (produit intérieur brut) national, le produit marin brut annuel placerait les océans au septième rang des économies mondiales - soit après la Grande-Bretagne et avant le Brésil - grâce à "une production annuelle de biens et de services", estimée à 2.500 milliards de dollars. Il s'agit toutefois d'une "sous-estimation", préviennent les auteurs. Les formes de production "qui ne sont pas à proprement parler générées par les océans" (pétrole et gaz sous-marins, énergie éolienne) ont été exclues des calculs. Idem pour le rôle de l'océan dans la régulation du climat.
Les océans génèrent "des centaines de millions d'emplois" dans le tourisme, la pêche, l'énergie, le transport ou encore la biotechnologie, ajoute le rapport. En mer Méditerranée, "le tourisme maritime et côtier représente, à lui seul, plus d'un tiers de l'économie maritime, génère une valeur d'environ 100 milliards d'euros et emploie 1,7 million de personnes", a précisé Giuseppe Di Carlo, directeur de l'inititative Méditerranée marine du WWF.
Menaces socio-économiques
Mais la surexploitation des océans, leur mauvaise gestion et les changements climatiques sont une "menace de plus en plus grande" sur cette richesse économique "qui fond à vive allure", alertent les auteurs. "Nous prélevons trop de poissons, rejetons trop de polluants, réchauffons et acidifions l'océan au point que les systèmes naturels essentiels vont tout simplement s'arrêter de fonctionner", prévient Ove Hoegh-Guldberg, directeur du Global change Institute. Les mangroves font l'objet d'une destruction de "3 à 5 fois supérieure à celle des autres forêts". Tandis que 90% des stocks mondiaux de poissons sont "surexploités ou pleinement exploités". De même, 50% des coraux et 29% des herbiers marins ont également disparu de la planète, ajoute le WWF.
Autres impacts : au rythme du réchauffement climatique actuel, les récifs coralliens auront "complètement disparu en 2050", démontrent les études incluses dans le rapport. "Au-delà du réchauffement des eaux", le changement climatique induit une acidification océanique dont "la résorption s'étalera sur des centaines de générations humaines".
La température moyenne de la surface de la mer a augmenté de 0,31°C à 0,65°C au cours des 50 dernières années, tandis que l'acidité des océans a crû de 26% par rapport à l'ère pré-industrielle, ces 200 dernières années, selon une récente étude relayée dans le rapport. Le pH plus acide réduit la disponibilité des ions carbonates dans l'eau nécessaire à la formation du calcaire des coquilles ou squelettes. Les projections actuelles sont des plus alarmantes. Les océans devraient se réchauffer de 3 à 5 °C d'ici la fin du siècle, par rapport à la période pré-industrielle.
Engagements internationaux en faveur de leur protection
Or, le produit marin brut annuel dépend à plus des deux tiers de "leur bonne santé". "Il n'est toutefois pas trop tard pour inverser les tendances", estime le WWF. Pour Marco Lambertini, directeur général du WWF International : "Aucun acteur responsable ne peut raisonnablement continuer à prélever les précieux actifs océaniques sans investir dans l'avenir (…). Une tâche ardue nous attend pour protéger les océans, à commencer par la définition de réels engagements internationaux en faveur du climat et du développement durable".
Le rapport préconise aux dirigeants trois actions "urgentes" à réaliser en 2015. Il s'agit d'abord d'inscrire la reconstitution des actifs océaniques parmi les Objectifs de développement durable (ODD) de l'ONU post-2015. Les indicateurs prévus pour cet objectif "devront prendre en compte différents problèmes (destruction des habitats, surpêche, pêche illégale et pollution marine), et les solutions être élaborées dans le souci de l'équité et de la participation. Si ces conditions sont satisfaites, une action internationale inédite, concertée et cruciale pour guider les milieux océaniques vers un avenir plus durable pourra être menée", recommandent les auteurs.
Pour résoudre les problèmes du réchauffement et de l'acidification des océans, il est également "vital que le monde entier s'entende sur un accord international ambitieux" à Paris en décembre 2015 (COP 21) "représentant le gage d'une dé-carbonisation rapide de nos économies et de nos sociétés". Les pays doivent aussi renforcer l'objectif actuel de protection d'au moins 10% des zones côtières et marines d'ici 2020, "en portant cette proportion à 30% à l'horizon 2030", estime le WWF.

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