Les bateaux sillonnent le monde durant leur longue carrière, mais
lorsqu'ils sont jugés bons pour la casse, la plupart mettent le cap sur
l'Asie pour y être démantelés dans des chantiers peu regardants en
matière de dépollution et de sécurité.
Chaque semaine, 20 navires
partent à la démolition, soit environ un millier par an, indique
l'association Robin des Bois, qui dresse dans le dernier numéro de son
bulletin «A la casse», un état des lieux inquiétant.
Durant les
trois premiers mois de cette année, 257 navires de commerce et
militaires ont été sortis de flotte pour une démolition qui devrait
permettre le recyclage de 2,34 millions de tonnes de métaux, relève
l'ONG. Mais cela signifie aussi «100.000 tonnes de déchets toxiques à
gérer», souligne son président, Jacky Bonnemains.
Car outre la
ferraille, ces navires, d'un âge moyen de 28 ans, et qui ont souvent été
exploités sans beaucoup de maintenance, contiennent de l'amiante, du
plomb, des boues d'hydrocarbures, des PCB (polychlorobiphényles) et
autres déchets toxiques.
Sur un pétrolier de 300 mètres, par
exemple, «il y a 24 tonnes de peinture toxique sur la coque extérieure»
pour empêcher les algues et coquillages de s'y fixer, environ 2.000
tonnes de boues d'hydrocarbures et six à huit tonnes d'amiante pure,
détaille M. Bonnemains.
Durant le premier trimestre, seuls sept navires ont été démolis dans des chantiers de l'Union européenne.
Selon
l'ONG, 90% des navires envoyés tous les ans à la casse sont démolis en
Asie. En tête des destinations: le Bangladesh suivi de l'Inde, de la
Chine, du Pakistan.
Car «l'Asie a besoin de la ferraille», où elle
est vendue 400 euros la tonne contre 200 en Europe, mais surtout, le
coût de la main-d'oeuvre y est inférieur, les règles de sécurité moins
sévères et la gestion des déchets moins stricte, explique M. Bonnemains.
- Amiante et tartres de radium -
Les
ouvriers risquent notamment d'être asphyxiés dans des locaux mal
ventilés comme les citernes, d'être blessés par l'explosion de déchets
non identifiés ou, à cause d'un mauvais dégazage, d'attraper des
maladies transmises par les rats, insectes et autres nuisibles présents
surtout sur les anciens bateaux-usines de pêche et bateaux de croisière.
Ainsi
en Inde, cinq ouvriers ont été tués et une dizaine blessés par une
explosion en juin 2014, en découpant les citernes du tanker Perintis.
A
ces dangers s'ajoutent des risques à long terme, nés de l'exposition à
des substances comme l'amiante ou des tartres de radium (radioactif).
Selon une étude universitaire indienne, 470 morts ont été dénombrés en 30 ans dans les chantiers de démolition de ce pays.
Certains
vieux navires ne parviennent même pas jusqu'en Asie et rouillent
pendant des mois voire des années dans les ports où ils se sont arrêtés,
par prudence ou par obligation.
Depuis des années, «les ONG
réclament une réglementation spécifique pour les navires à démolir»,
rappelle Christine Bossard, porte-parole de l'association. «A terme, la
Convention de Hong Kong (pour le recyclage sûr et écologiquement
rationnel) des navires devrait être appliquée, mais elle doit être
signée par 15 pays, représentant 40% de la flotte mondiale». Or, jusqu'à
présent, seuls la Norvège, la France et le Congo Brazzaville l'ont
ratifiée, relève-t-elle.
Quant au règlement européen sur le
recyclage des navires, «il ne s'applique qu'aux navires battant pavillon
européen», déplore Jacky Bonemains.
L'ONG relève cependant
quelques bonnes nouvelles, comme l'augmentation des contrôles dans le
cadre de coopérations régionales renforcées, et le sort d'un bateau
comme le Zorturk.
Ce navire de marchandises qui a collectionné les
déficiences techniques et les pavillons (Bélize, Cambodge, Corée du
Nord, Géorgie, Togo) a pris l'eau en face du port de Saint-Nazaire. Sa
démolition va commencer dans ce port alors que, selon l'ONG, «c'est
exactement le genre de navire» qui aurait été jugé «idéal» par les
trafiquants de migrants en Méditerranée.
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