Un entrepreneur poursuivi pour avoir entreposé des déchets d'amiante
dans une dizaine de sites clandestins de l'ouest de la France a comparu
jeudi devant le tribunal de grande instance de Rennes face à d'anciens
salariés qui redoutent d'avoir été contaminés.
Plusieurs dizaines
de manifestants se sont rassemblés à l'extérieur de la Cité judiciaire
de Rennes avec des pancartes telles que «Les empoisonneurs doivent être
jugés» alors que s'ouvrait le procès de Daniel Couet, ancien patron de
la société de désamiantage et de démolition CDEC à Bain-de-Bretagne
(Ille-et-Vilaine).
«C'est un serial pollueur», selon Michel
Ledoux, avocat d'une dizaine de parties civiles. «C'est un champion dans
la catégorie désamiantage: je ne connais pas d'autres exemples de
violations aussi nombreuses des règles de sécurité», a déclaré l'avocat à
l'AFP avant l'audience.
La société CDEC, fondée en 1999 par M.
Couet, a été mise en liquidation après la mise en examen de son patron
fin 2008. Elle a compté jusqu'à 25 salariés et est intervenue sur de
nombreux chantiers publics de démolition (lycées, gymnases, hôpitaux...)
Dénoncé
à l'époque par un ancien salarié, Daniel Couet est poursuivi pour avoir
déposé entre 2003 et 2008 des déchets d'amiante dans neuf sites non
prévus à cet effet, notamment des champs ou des forêts, répartis sur
sept départements, ainsi que dans un étang sur le site même de
l'entreprise.
Quant à ses ex-salariés, il lui est reproché de ne
pas avoir pris les mesures nécessaires pour les protéger lors des
travaux de retrait d'amiante. La présidente du tribunal a évoqué des
«manquements» dans les mesures de sécurité dont auraient dû bénéficier
les désamianteurs, rappelant que ces derniers devaient parfois se
contenter de se verser une bouteille d'eau sur la tête en guise de
décontamination.
«C'est dangereux», a dû reconnaître le prévenu,
un homme de 59 ans plutôt corpulent et agité de tics, qui a admis qu'il
avait bien été formé aux risques de l'amiante.
La présidente a
évoqué aussi des démolitions de bâtiments scolaires, avec «des sacs
amiantés qui restent dans l'école, alors que les élèves courent à côté».
Elle a relevé que CDEC était souvent la mieux-disante lors de marchés
publics, soupçonnant que cela était lié aux économies faites sur la
sécurité.
Les avocats de la défense ont protesté contre «les
généralisations» du dossier d'instruction, faisant valoir que tous les
déchets amiantés collectés par l'entreprise ne finissaient pas dans la
nature.
- 'C'est de l'amiante, c'est pas grave' -
Aucun
des ex-salariés qui se sont portés partie civile n'ont contracté de
cancer, mais Patrick Hamon, président de l'association départementale de
défense des victimes de l'amiante de Loire-Atlantique (Addeva 44),
relève que la maladie «se déclenche 20, 30 ou 40 ans après l'exposition à
l'amiante».
«On espère que la peine qui sera prononcée sera à la
hauteur, pour que d'autres petits chefs d'entreprise ne fassent pas la
même chose», ajoute M. Hamon.
«On transportait des gravats mais on
ne savait pas ce qu'il y avait dedans», explique à l'AFP Gérard Pigeon,
un ancien chauffeur de l'entreprise où il était également délégué du
personnel. «Moi, je bâchais mon camion à cause de la poussière. Une
fois, (Daniel Couet) nous a dit: 'c'est de l'amiante mais c'est pas
grave, il n'y a pas de problème'», témoigne par téléphone cet ancien
salarié installé désormais dans la Loire.
Gérard Pigeon affirme
avoir eu un suivi médical juste après la fermeture de l'entreprise,
«mais rien depuis». «Je m'inquiète pour moi, pour mes trois enfants et
pour mon ex-femme: c'est elle qui lavait les bleus de travail que je
ramenais à la maison», dit-il.
«Je réclame qu'on fasse un
exemple», ajoute l'ancien salarié, aujourd'hui âgé de 53 ans, qui
affirme que certains de ses anciens collègues se sont retrouvés dans des
situations similaires dans d'autres sociétés de désamiantage que celle
de M. Couet.
«Je veux qu'il soit fortement condamné. Il n'est pas normal de mettre la vie de salariés en danger», dénonce M. Pigeon.
Le jugement devrait être mis en délibéré.
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