samedi 2 mai 2015

Désamiantage: un «serial pollueur» en procès à Rennes

Un entrepreneur poursuivi pour avoir entreposé des déchets d'amiante dans une dizaine de sites clandestins de l'ouest de la France a comparu jeudi devant le tribunal de grande instance de Rennes face à d'anciens salariés qui redoutent d'avoir été contaminés.
Plusieurs dizaines de manifestants se sont rassemblés à l'extérieur de la Cité judiciaire de Rennes avec des pancartes telles que «Les empoisonneurs doivent être jugés» alors que s'ouvrait le procès de Daniel Couet, ancien patron de la société de désamiantage et de démolition CDEC à Bain-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine).
«C'est un serial pollueur», selon Michel Ledoux, avocat d'une dizaine de parties civiles. «C'est un champion dans la catégorie désamiantage: je ne connais pas d'autres exemples de violations aussi nombreuses des règles de sécurité», a déclaré l'avocat à l'AFP avant l'audience.
La société CDEC, fondée en 1999 par M. Couet, a été mise en liquidation après la mise en examen de son patron fin 2008. Elle a compté jusqu'à 25 salariés et est intervenue sur de nombreux chantiers publics de démolition (lycées, gymnases, hôpitaux...)
Dénoncé à l'époque par un ancien salarié, Daniel Couet est poursuivi pour avoir déposé entre 2003 et 2008 des déchets d'amiante dans neuf sites non prévus à cet effet, notamment des champs ou des forêts, répartis sur sept départements, ainsi que dans un étang sur le site même de l'entreprise.
Quant à ses ex-salariés, il lui est reproché de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour les protéger lors des travaux de retrait d'amiante. La présidente du tribunal a évoqué des «manquements» dans les mesures de sécurité dont auraient dû bénéficier les désamianteurs, rappelant que ces derniers devaient parfois se contenter de se verser une bouteille d'eau sur la tête en guise de décontamination.
«C'est dangereux», a dû reconnaître le prévenu, un homme de 59 ans plutôt corpulent et agité de tics, qui a admis qu'il avait bien été formé aux risques de l'amiante.
La présidente a évoqué aussi des démolitions de bâtiments scolaires, avec «des sacs amiantés qui restent dans l'école, alors que les élèves courent à côté». Elle a relevé que CDEC était souvent la mieux-disante lors de marchés publics, soupçonnant que cela était lié aux économies faites sur la sécurité.
Les avocats de la défense ont protesté contre «les généralisations» du dossier d'instruction, faisant valoir que tous les déchets amiantés collectés par l'entreprise ne finissaient pas dans la nature.

- 'C'est de l'amiante, c'est pas grave' -

Aucun des ex-salariés qui se sont portés partie civile n'ont contracté de cancer, mais Patrick Hamon, président de l'association départementale de défense des victimes de l'amiante de Loire-Atlantique (Addeva 44), relève que la maladie «se déclenche 20, 30 ou 40 ans après l'exposition à l'amiante».
«On espère que la peine qui sera prononcée sera à la hauteur, pour que d'autres petits chefs d'entreprise ne fassent pas la même chose», ajoute M. Hamon.
«On transportait des gravats mais on ne savait pas ce qu'il y avait dedans», explique à l'AFP Gérard Pigeon, un ancien chauffeur de l'entreprise où il était également délégué du personnel. «Moi, je bâchais mon camion à cause de la poussière. Une fois, (Daniel Couet) nous a dit: 'c'est de l'amiante mais c'est pas grave, il n'y a pas de problème'», témoigne par téléphone cet ancien salarié installé désormais dans la Loire.
Gérard Pigeon affirme avoir eu un suivi médical juste après la fermeture de l'entreprise, «mais rien depuis». «Je m'inquiète pour moi, pour mes trois enfants et pour mon ex-femme: c'est elle qui lavait les bleus de travail que je ramenais à la maison», dit-il.
«Je réclame qu'on fasse un exemple», ajoute l'ancien salarié, aujourd'hui âgé de 53 ans, qui affirme que certains de ses anciens collègues se sont retrouvés dans des situations similaires dans d'autres sociétés de désamiantage que celle de M. Couet.
«Je veux qu'il soit fortement condamné. Il n'est pas normal de mettre la vie de salariés en danger», dénonce M. Pigeon.
Le jugement devrait être mis en délibéré.

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